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lundi 11 février 2013

Retour à killybegs, Sorj Chalandon

Putain de Dieu ! 
Bouquin  secos, presque dépouillé et terriblement âpre.

Ça s’installe dans les tripes dès la première page ; Tyrone Meehan est un traître.
Le cœur historique de l’IRA vu par le truchement d’un traître !
Le point de vue est paradoxal mais réactualise singulièrement le cortège d’horreurs que nous infligeait les journaux télévisés des années 70-80 : Belfast, attentats dévastateurs, enfilades de maisons grises dans la poussière qui vole, blindés légers vomissant des soldats anglais, cocktail molotov... ça faisait un bruit de fond pendant les repas, quoi. Margaret Thatcher, ne cédait ni sur les mineurs, ni sur les prisonniers de l’IRA grévistes de la faim. La garce était si délicieusement détestable que ses ennemis en acquirent un vernis de légitimité, leurs luttes en devenaient plus justes.

Alors, comment un combattant aguerri et convaincu peut-il devenir un traître à sa cause ? Pourtant le scénar était en béton : nourri de catholicisme romain, de misère, de haine séculaire (depuis Cromwell, rends-toi compte !) envers les Rosbeefs et les protestants du nord, doté d’un vieux alcoolique, sa jeunesse volée par cette guerre éternelle, il avait tout pour faire le rebelle parfait ; tous les ingrédients de l’Irlande ordinaire focalisés sur ce digne représentant de la jeune génération pour en faire un parfait héros, et plus tard, un honorable retraité des cadres de l’IRA.
Ben ça n’a pas tourné comme ça pour sézigue ! À mi-parcours,  patatras, la faute, le faux-pas et l'enchaînement fatal. Le piège s’est refermé sur Tyrone ; baisé par les enculés d’en face et, fatalitas, obligé de faire la salope, de donner ses potes, mentir à sa femme... vingt ans d’ignominie lasse, vingt ans d’enfer et pour toute délivrance une fin parfumée à la chevrotine.

Le malaise est parfait car le style épuré de l’ami Sorj nous entraîne dans un aller-retour chronométrique entre passé et présent. Un récit syncopé d’une efficacité redoutable dans lequel tu croiseras même Bobby Sands et quelques autres martyres célèbres de l’IRA.

Avec ce bouquin, t’as en pogne le manuel du parfait schizophrène servi par une plume trempée de talent.

Sorj Chalandon est un ami bien amer.





Nous même, (Patrice Ier)...

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