Putain de Dieu !
Bouquin secos, presque dépouillé et terriblement âpre.
Ça s’installe dans les tripes dès la première page ; Tyrone Meehan est un traître.
Le cœur historique de l’IRA vu par le truchement d’un traître !
Le
point de vue est paradoxal mais réactualise singulièrement le cortège
d’horreurs que nous infligeait les journaux télévisés des années 70-80 :
Belfast, attentats dévastateurs, enfilades de maisons grises dans la
poussière qui vole, blindés légers vomissant des soldats anglais,
cocktail molotov... ça faisait un bruit de fond pendant les repas, quoi.
Margaret Thatcher, ne cédait ni sur les mineurs, ni sur les prisonniers
de l’IRA grévistes de la faim. La garce était si délicieusement
détestable que ses ennemis en acquirent un vernis de légitimité, leurs
luttes en devenaient plus justes.
Alors,
comment un combattant aguerri et convaincu peut-il devenir un traître à
sa cause ? Pourtant le scénar était en béton : nourri de catholicisme
romain, de misère, de haine séculaire (depuis Cromwell, rends-toi compte
!) envers les Rosbeefs et les protestants du nord, doté d’un vieux
alcoolique, sa jeunesse volée par cette guerre éternelle, il avait tout
pour faire le rebelle parfait ; tous les ingrédients de l’Irlande
ordinaire focalisés sur ce digne représentant de la jeune génération
pour en faire un parfait héros, et plus tard, un honorable retraité des
cadres de l’IRA.
Ben
ça n’a pas tourné comme ça pour sézigue ! À mi-parcours, patatras,
la faute, le faux-pas et l'enchaînement fatal. Le piège s’est refermé
sur Tyrone ; baisé par les enculés d’en face et, fatalitas, obligé de
faire la salope, de donner ses potes, mentir à sa femme... vingt ans
d’ignominie lasse, vingt ans d’enfer et pour toute délivrance une fin
parfumée à la chevrotine.
Le
malaise est parfait car le style épuré de l’ami Sorj nous entraîne dans
un aller-retour chronométrique entre passé et présent. Un récit syncopé
d’une efficacité redoutable dans lequel tu croiseras même Bobby Sands
et quelques autres martyres célèbres de l’IRA.
Avec ce bouquin, t’as en pogne le manuel du parfait schizophrène servi par une plume trempée de talent.
Sorj Chalandon est un ami bien amer.
Nous même, (Patrice Ier)...
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