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dimanche 24 avril 2016

Les Chirac, les secrets du clan, Béatrice Gurrey

Avec ce bouquin tu auras le parfait complément de la revue précédente : «L'Histoire, Le cas Chirac».
En fait, on entre dans les premiers cercles du grand Jacques. La famille, les intimes et les amis de 30 ans. Un régal et on peut dire que l’amie Béatrice Gurrey n’aime pas bien sa Bernadette. Un portrait au vitriol ! Est-il possible que cette petite bonne femme soit si méchante ? 
Et les pièces jaunes, qu’en fais-tu, Béatrice ? 
Comment ? 
Elle serait devenue la geôlière du vieux Jacques ?

Bref, un petit livre fort édifiant sur l’épaisseur du cuir que se doit d’avoir un vieux crocodile de la politique. 

Cela dit, farang crypto-trotskiste, si tu t’intéresses un tant soit peu à Chirac et qu’à mon instar, tu ais la Revue de L'Histoire et ce livre en ta possession, laisse-moi te donner à lire cette saynète (presque) imaginaire que m’inspirent les temps qui courent :

Supposons que tu veuilles amener de la lecture lorsque tu te rends à un rassemblement de Nuit Debout, hein ? Comment fais-tu ?

Première façon de faire : 
Tu roules ta revue «L'Histoire, Le cas Chirac» que tu n’as pas encore fini de lire, tu la glisses dans la poche de ta parka, et tu va déambuler Place de la République, par exemple. Au bout d’un quart d’heure tu croises un jeune con... homme, un pétard éteint au coin du bec qui te demande :
-Hé, M’sieur, t’aurais du feu ?
Toi, bien aimable et indigno-compatissant, tu mets la pogne à la fouille et tu dégaines ton Zippo. 
CLINK®...
Dans la manoeuvre tu accroches maladroitement un pan de ta veste ; une poche change d’angle et la revue qu’elle abrite («L'Histoire, Le cas Chirac», souviens-toi) choit à terre, PLAF, entre tes pieds, première de couverture (21x29,7) en l’air…
Consternés, mais pas pour les mêmes raisons, vous zieutez tous les deux le portrait pleine page de ce grand couillon de Jaco, puis vos regards se croisent à nouveau et tu comprends maintenant que tu as fait une erreur d’amener ça ici ; le petit cancre boutonneux se recule et commence à rameuter quelques néo-septembriseurs plus aguerris qui zonent autour de la baraque à frites en s’enfilant des bières :
- Héééé, les mecs, venez vite, j’en tiens un autre !
Il ne tient rien du tout ce petit merdeux, mais très vite un tourbillon de planétésimaux hostiles commence à s’accréter autour de ton barycentre de gravité.
- Putain ! De la propagande pornographique de droite, s’exclame le premier en apercevant le portrait de Chirac qui gît entre tes deux converse®. C’est un ennemi du peuple !
- Oui, s’emporte un autre, c’est un provocateur fasciste, franc-maçon et islamophobe !
- Tenez-le bien, s’exclame un troisième, l'aut' soir on a laissé s’échapper le sioniste de droite Finky, faut pas rater celui-là !
On t’agrippe, on te crache à la figure et tu comprends que la Lanterne c’est pour tézigue. Heureusement, une jeune étudiante en deuxième année de philo joue les modérateurs :
- Non, attendez camarades, il faut le juger avant de l'écorcher, et on te traîne vers une Lubianka de la VIe République ; t’inquiète, il y aura toujours un Saint-Just ou un Vychinski pour s’occuper de toi... 

Deuxième façon de faire : 
Tu mets ton petit bouquin «Les Chirac, Les secrets du clan, Pocket, N°16497» (10x18) dans la poche arrière de ton 501, et tu va déambuler Place de la République, par exemple. Au bout d’un quart d’heure tu croises un jeune con... homme, un pétard éteint au coin du bec qui te demande :
- Hé, M’sieur, t’aurais du feu ?
Toi, bien aimable et indigno-compatissant, tu mets la pogne à la fouille et tu dégaines ton Zippo
CLINK®...
Rien ne bouge, le «Les Chirac, Les secrets du clan, Pocket, N°16497» reste bien calé, invisible, dans ta poche arrière. Tu allumes le mégot du jeune con...heu, de l’impétrant.
- Merci, man, tu veux tirer une latte ?
En plus son teuch est excellent… profite camarade.

Puis, au fil de tes flâneries nocto-verticales (interdiction de s'asseoir, sinon c’est pas jeu !), tu finiras bien par t’échouer au pied d’une tribune où le matérialisme dialectique fait encore florès, où plus certainement, dans le périmètre d’une AG auto-missionnée dans l’étourdissement de ses auditeurs, eux-mêmes friands de nouvelles horizontalités républicaines, prisonniers volontaires d’un tourbillon de tirades chronométrées (trois minutes, douche comprise) et tous furieusement opposés à la dictature de la deuxième loi de la thermodynamique.
Et alors, gravide jusqu’à l’ivresse de toutes ces promesses de brisures spontanées de symétrie, tu pourras t'appuyer au premier lampadaire venu (Ah... verticalité jacobine, quand tu nous tiens !) et dégainer ton Pocket pour finir le chapitre 18 (Le Reclus) en toute discrétion : miniaturisé et anonyme.

Attention cependant, l’éthique et la tolérance ont leur mur de Planck (10-33 cm), aussi, et même en format «poche», je ne saurais t’encourager de tenter cette expérience avec un bouquin d'Alain Finkielkraut, ou de Régis Debray dans la fouille… Il y a des complexités de gris qui ne peuvent être perçues par les âmes trop simples, l’indignation est toujours sélective, printanière et romantique... Toutes les histoires endocriniennes finissent mal, en général.
Bien sûr que tout doit changer, mais hélas, et c’est là qu’est l’os, rien ne change jamais. Ou alors si lentement... Il suffit de lire un peu pour le comprendre. Rien de nouveau sur les tablettes de l'humanité depuis l'épopée de Gilgamesh, les cancres finissent toujours par cracher sur Finky...

Cela dit, Chirac est encore dans les temps pour une AG Place de la République : trois minutes, douche comprise...

©AFP






Et devine à qui Madonna refila sa petite culotte ?...

mardi 19 avril 2016

L'Histoire, Le cas Chirac

J’ai flashé sur ce Hors-Série de LHistoire l’autre dimanche en allant chercher La Dépêche de Jean-Michel Baylet (pour le Laclos du programme télé). Faut-il dire que je les veille «Les Collections» et les «Hors-série» de cette revue ? Paf ! La couverture m’a sauté au pif : ce bon Jaco, le Super-Menteur des Guignols… «Écoutezzz...».
Je m’en suis prestement saisi, tu penses bien.  

Le cas Chirac : 
Naissance d’un chef 
Est-il gaulliste ?
Le président le plus populaire  

C’est l’ossature.

Pour aller vite :
Il nait en 1932 à Paris, épousailles avec la jeune Bernadette Chaudron de Courcel (1956) ; Militaire en Algérie (56-57) ; ENA (promotion Vauban) ; Cours des Comptes (1959), ralliement à de Gaulle dès 1960 ; il embarque enfin (1962) à bord de la loco de Pompidou… et là, il va casser la baraque. La voila la naissance du chef. 1967, député de Corrèze, puis secrétaire d’État, puis Ministre. 
Il va ferrailler pendant toutes les années 70, trahir Chaban, Giscard, etc., créer le RPR, manger (à) la Mairie de Paris.  Les années 80 le verront rater par deux fois la Présidence de la République, et finalement il touchera deux fois le jack-pot, 1995 et 2002.
Un opportuniste avec la puissance d’un bulldozer, un éléphant dans le magasin de porcelaine de la République.

Et au fur et à mesure que j’avance dans la revue, je me prends à redécouvrir la formidable bête politique qu’il a été, tous les camarades qu’il a trahi et tous ceux (de trente ans) qui le trahiront, l'instinct du prédateur, la filouterie du magouilleur. Quant à son tableau de chasse chez les frangines, mama mia, bous lé réconnaissez, il dardo !
En fait, c’est la traîtrise de Balladur qui a commencé à nous le rendre sympathique à ce vieux briscard, quand sa marionnette des Guignols nous vantait «Son Boulot de dans deux ans... », et il a réellement endossé le costard de Grand homme politique quand il refusa de nous engager dans le deuxième guerre du Golf.

Cela dit, je n’oublie pas que l’ami Jaco a été le roi de la magouille et des coups fourrés en tous genres… Et bien que ce ne soit pas vraiment ma tasse de thé, bordel de merde, j’ai voté deux fois pour lui, en 2002 ! Une fois pour moi, pas’que chuis un con, et une fois pour Patriçounet, pas’que c’était un con en vacances de l’autre côté de la planète à ce moment là, et qu’il m’avait refilé procuration…

Non, ce qui nous a définitivement rendu nostalgique des heures Chirac, c’est son successeur ! Cézigue bling-bling… Ô putain !

On m’aurait dit, il y a vingt piges, qu’un jour j’aimerais bien Jacques Chirac… Ce que c’est de vieillir !

Un superbe numéro de L’Histoire, donc.
Bravo et merci à tous les mammifères omnivores qui y ont participé.







 Hummmm... 

vendredi 15 avril 2016

Cette putain d’Étape 2 !

«Étape 2»
Farang réticulaire, as-tu jamais vu cette horreur s’afficher sur ta freebox «révolutionnaire» plusieurs jours d'affilée ?  Non ? Alors prie Dieu car pour toi Il existe.
Dieu ? Pour un freenaute ordinaire c’est Xavier Niel, bien sûr. Chez moi il arrive par la prise téléphonique ; c’est un Dieu branché. Il envoie réglementairement sa data-purée au travers du rézo France-Télécom (hein ? Orange, si tu veux), et irradie ses sucs gastro-ondulatoires dans ma freebox Revolución, normal, je paye pour ça tous le mois ; ouais, Dieu à le goût du lucre. Gorgée des mégatbits de cette théophanie  électronique, ma freebox redistribue ensuite toutes ces divines particules aux paroisses numériques de mon diocèse Balmano-bérichon ; TV-HD sur la télé de Santa Catarina, la Sainte Mère de mes enfants ; Wifi à gogo pour les portables des juvéniles de la nichée ; serveur et répondeur téléphonique pour les «sans-fils» Gigaset® qui répondent à mon 09 (zéro-neuf) ; c’est aussi des gigaoctets de photos floues qui engorgent le nass ; et c’est surtout les deux petites flèches - tête à queue - qui signalent à ma barre Ubuntu que je suis connecté avec Dieu, que mes  e-avatars déploient ma sublime pensée dans maintes agoras sociales avant-gardistes et surtout, surtout, que j’ai accès à tous mes google-docs qui résident dans le cloud… Et oui, Dieu est aérien, il habite sur un nuage, tu le sais j’espère, et pour accéder à sa parcelle du divin nuage, chaque pénitent freenaute se doit de parcourir un chemin de croix (low-cost) composé de huit stations avec une lourde freebox sur l’épaule… souviens-toi de ton e-catéchisme, la crucifixion n’a lieu qu’à la onzième station ; chez free, on s'arrête à la huitième, quand Jean-Claude console les filles de Jérusalem.


D’abord ta freebox affiche l’Étape 1.
C’est une sorte de reconnaissance d’identité, une naissance électro-christique, disons :
« Bzzz… Sbling… Je m’appelle Jean-Claude, je suis le petit Jésus de la freebox, j’habite chez mon MAC à telle adresse, et c’est moi qui allume la lumière, qui charge les modules ADSL, qui fait tourner la petite chenille circulaire et ambrée, qui démarre les ventilos, etc.».
Bon, tu l’auras compris, farang-méticuleux, l’Étape 1 c’est la renaissance du Deamon qui anime ta freebox à chaque fois qu’elle reboote.


À l’Étape 2, le deamon de la freebox, Jean-Claude (J.C.), contacte le Saint-Esprit (Roger), qui se présente habituellement sous la forme d’un boîtier Télécom, sis sur ton palier ou dans ta rue, pour établir sa communication avec Dieu, son Père. Le Saint-Esprit se chargera ensuite du lourd protocole que représente un e-échange  avec Dieu (Xav). En fait, le Fils (Jean-Claude, le petit Jésus de la Box, quoi… Putain, sois à c’qu’on te dit !), ne peut parler à son Père (Xavier Niel) que par le truchement du Saint-Esprit, tu vois le coup? Pourquoi faire simple...
C’est, bien sûr, un dialogue liturgique très technique qui démarre à ce moment-là et auquel tu n’entendras rien : seul un jésuite informaticien peut le décrypter. Ça ressemble à ça :


- Jésus-leader, Jésus-leader à Saint-Esprit, demande d’une liaison montante vers Lui, passphrase : «Les carottes sont cuites», je répète : «Les carottes sont cuites», etc.
Théoriquement, Le Saint-Esprit répond à Jean-Claude, toujours selon un protocole e-épiscopal assez abscons :
- Ron… Ron… Humf… Qu’est-ce qu… Hum… Roger. C’est toi Jean-Claude ?
- Ouais, sac à vin.. c’est Jésus-leader à Saint-Esprit, faut que tu m’passes le Dabe...
- Bon, Jean-Claude, arrête avec tes conneries de “Jésus-Leader”... tu veux causer au Boss ?
- Ouais, au Vieux. Y a le taulier qui à bêtement débranché la box… on reboote, quoi !
- ... Hum, l’a payé son obole ton michton ? Il est en règle avec les deniers du culte ?
- Sois pas con, man, on vote centre-droit et on va à la messe tous les dimanches dans cette taule...
- Roger, je te branche avec le Patron… Roger.
Etc.
Ça, c’est déjà l’Étape 3. Jean-Claude et le Saint-Esprit Télécom (Roger) sont synchronisés en quelque sorte. Mais là on est déjà allé trop loin…


Ouais, figure-toi que l’autre jour, rejoignant mes e-pénates après mon e-labeur contractuel et entamant mon palier rituel de décompression, je me laissais aller à lire plusieurs dizaines de pages d’un Soljénitsyne de la meilleure eau, et ce, sans qu’un e-intempestif ne vint me faire chier au téléphone ! Un si long silence, c’était suspect. Je me suis douté de quelques diableries… J’ai pas loin à aller pour vérifier et un coup d’oeil sur la freebox confirma mes inquiétudes : elle était bloquée sur l’Étape 2…

e-Blackout  !


Au début ça pique un peu : plus de téloche, plus d’internet ni de téléphone… un e-silence vertigineux venait de s’installer sur la maisonnée : survivrions-nous à ce soudain théo-mutisme ?
Il fallait un coupable, et vite !
Branle-bas de combat !
Premièrement, obtenir des infos sur la vie de la rue durant cette fatidique journée : direction chez Jean-Louis, le nouveau retraité, vigie patentée de nos trottoirs et auquel rien n’échappe, du pissat de chat à l’enterrement d’un voisin en passant par les différents potins que draine la buvette-tabac du bout de la rue. Bref, le voisin idéal.
Le bougre, hélas, confirme immédiatement mes soupçons : le Diable ne possède pas le Jean-Claude de ma freebox, Belzébut n’est pas en train de lui faire subir les derniers outrages. Non, le mal a insidieusement frappé au niveau de la rue, dans le boîtier-relais de Roger, le Saint-Esprit.
Tard dans la matinée, vers 9h, 9h30, du haut de son nid-de-pie, mon bon et vigilant Jean-Louis a repéré une bande de deux hooligans qui débarquaient d’un Jumper Citroën blanc siglé “Le Cable”, et qui ont systématiquement entrepris de tchaoupiner dans tous les boîtiers France-Télécom qui pointillent le trottoir.
- Ils posent la fibre, me précise le Sherlock Holmes du Grand-Toulouse
Sur ce, il prend immédiatement l’affaire en main et mène l’enquête chez tous les riverains. Au final, les fortunes s’avèrent diverses, mais le verdict est inéluctable : une bande de deux maladroits, deux mains gauches, deux CDD outrageusement surpayés, deux gougnafiers des temps modernes, deux bachi-bouzouks fibre-opticiens de la sous-traitance, ont saboté nos légitimes connexions avec Dieu. Le comble étant que ces deux escogriffes, cette couple d’ennemis du Peuple, cette paire de prépuces desséchés nous posent le câble, future promesse de gigabits à gogo !
Je comprends donc que, effectivement, «Les carottes sont cuites»… On est baisé.
Il faut s’organiser, la nuit approche. Une nuit de silence…
- Faut-il préparer les bougies ? me demande Maman®, très inquiète.

Peu après...


Ben, finalement cette Étape 2 n’est pas une si grande putain que ça, c’est même une Sainte ! Que ne dura-t-elle pas comme l’autre, une semaine !
Passée la première heure assez traumatisante dans une casbah déconnectée, on s’est drôlement vite acclimaté, dis-donc !
Plus de Téloche : un véritable panard, car bien que ne la regardant pratiquement pas, il faut bien que je la croise, de temps en temps, et toujours à entendre sa perfide sourdine.
Plus de téléphone : une jouissance extraordinaire. Quelle que soit la catastrophe qui se produira, nous sommes injoignables, invisibles, hors-concours. Déresponsabilisés.
Plus d’internet : heu… on s’y fait. Le retard sur certains e-devoirs devient relatif, une sorte de e-procrastination obligatoire et libératrice s’installe très vite.


Il ne restait plus que Maman®, moi, et des livres...
What else ! dirait un George Spinoza


Las, je commis l’impair d’ouvrir un ticket dès le lendemain au SAV de Dieu…  Tu le croiras si tu veux, le jour d’après la freebox renquillait plein pot les 8 Étapes réglementaires de son chemin de croix (low-cost), et bientôt Jean-Claude pouvait fièrement afficher l’heure, ambre sur noir.
Rappelle-toi qu'elles sont fortes et efficaces les légions de Dieu, et l'angelot qu’il me dépêcha (trop) promptement, tout frais émoulu d’un BTS électro-théologique, m’assura fermement :
«Monsieur, je ne partirai que quand vous recevrez à nouveau la Parole de Dieu».
Et le voila qui déballe ses crucifix, encensoirs et autres burettes d’eau bénite.
J’ai eu droit à “La Totale”.
Exorcisation de la prise téléphonique murale ; changement de cordon ombilical ; bénédiction du tabernacle (designé par Starck) ; bref, toute mon installation domestique sentait bientôt l'encens. Puis vint le tour du prieuré France-Télecom, dans la rue, et encore une fois, ce fier et juvénile soldat de Dieu, n’hésitant pas à salir sa roupane, confessa promptement ce bon Roger et le rappela vivement à ses devoirs de Saint-Esprit : Voulait-il perdre sa franchise ? (Oui, en fait Roger est franchisé, mais c'est une autre histoire.)
Une dernière bénédiction, un dernier signe de croix, et le voila qui s'en repartait sauver une autre âme en peine à bord d’un Berlingo banalisé.
Cinq minutes après, le téléphone hurlait sa résurrection dans toute la paroisse.


Fini les vacances, le vacarme et la frénésie pouvait reprendre !

Si j’avais su...



Au nom du Xavier, du Jean-Claude et du Roger

Amen.

dimanche 10 avril 2016

Spinoza

Donc, trois livres majeurs dans cette compile du Le Monde :
«Traité de la réforme et de l’entendement», «Éthique» et les «Lettres».

Suivant les conseils de Roger-Pol Droit dans sa présentation de l’ouvrage, et après avoir drôlement morflé lors d’une première tentative de lecture du «Traité ceci, cela», je me suis précipité sur la troisième partie : Les Lettres.
D’abord pour une question de style car dans ses lettres, l’ami Spinoza répond très souventes fois à un interlocuteur qui a mal compris, tel ou tel point de détail du Traité, de sorte qu’en reprenant la lecture du passage en question nous avons une explication du maître, un développement de sa pensée, mais cette fois à hauteur d’homme, disons ; en second lieu, la lecture de ses lettres nous donne à découvrir maints personnages tous plus intéressants les uns que les autres. Il a des échanges épistolaires sur l’optique avec Godefroy Leibniz ou encore une proposition d’embauche par «le très haut Dr J. Louis Fabritius, Professeur à l’Académie de Heidelberg et conseiller de l’Électeur Palatin», etc.
Il y a les lettres de véritables amis, du beau linge, des savants, et il y a aussi celles des ennemis, des gens qui ont fini par le détester et qui le prennent pour un dangereux et subversif athée ! Lambert de Velthuysen dans la lettre XLII, par exemple.

Après ce bon entraînement, il fallut en venir à la lecture attentive du Traité et de Éthique

Traité de la réforme et de l’entendement & Éthique.
Dans le Traité, Spinoza reprend et répond à Descartes ; c’est ça qui tue un peu au début, toute cette géométrie de la démonstration, comme s’il eut été possible de faire plus rigoureux et plus chiant qu’une démonstration de Descartes.
Il oppose le hasard à la volonté de Dieu, il réfute la vision de ses contemporains, à savoir qu’un Dieu transcendant dirige ses petites affaires du Ciel. Non, pour lui tout n’est qu’enchaînement causal.
Dès lors, après que Galilée et Descartes eurent ouvert la brèche, son Éthique finit de mettre à bas l'aristotélisme. Il s’agit du plan directeur d’un système qui démontre que le propre de l’homme, c’est de savoir. Si Galilée est l’ancêtre de nos astrophysiciens les plus pointus et Descartes celui des géomètres et autres mathématiciens, Spinoza est assurément celui des sociologues et des épistémologues.
À grands coups de Proposition, de Démonstration, de Scolie et autres Lemmes, il t’assène que la vie peut se définir comme le dynamisme interne des choses, le conatusW, l’âme, donc ; il se sert du caractère déceptif des biens de la vie courante [...vains et futiles, toutes ces recherches d’honneur, de considérations et de biens matériels…], pour s'extraire du commun ; il identifie et hiérarchise plusieurs notions de l’idée : idée fictive, fausse, ou douteuse… etc.

hé, hé, hé...
Alors, comment ai-je fait pour transcender la rigueur de ces deux textes et tenter de posséder la pensée de Spinoza ? Hum ?
Et bien j’ai triché ! Je me suis adressé au bon docteur Pierre-François Moreau.
Figure-toi que dans les années 2000, cette noble institution qu’est l’École Normale Supérieure de Lyon, a eu l’excellente idée de filmer les cours d’icelui, et surtout de les proposer sur la webtv de l’enseignement supérieur et de la recherche. Et c’est l’ami Pierre-François MoreauW  qui s’y est collé… une merveille ! Une trentaine de séquences où il décortique tout Spinoza, livres en pogne, et malgré l’austérité apparente du personnage, c’est vachement bien tricoté ; c’est tout bonnement colossal ! L’oeuvre du maître expliquée par une épée, un cador, une figure, et comme si tu y étais. Tu vois le coup ? C’est vieillot, de mauvaise qualité, petit amphi, caméra fixe, les étudiants(diants) gigotent et font grincer les chaises, mais tu te fais happer en moins d’un quart d’heure, et tu vas passer une grosse semaine à gribouiller dans ton “Spinoza, Le Monde Philosophie (Flammarion)”, à négliger tes devoirs familiaux, tes boutures de printemps… et ta pile de repassage !
Cette perle chronophage est ici : «série Spinoza».
Hé, tu veux que je te dise ? Je me suis trouvé une nouvelle occupation. Ce  printemps, mon mooc à moi, ce sera de finir les cours de l’ami Pierre-François… Qu’elle éclate ! Quelle chance...

Alors oui, merci à Baruch et surtout : 




merci et bravo à Pierre-François...

samedi 2 avril 2016

Vies de Spinoza, Colerus/Lucas

Depuis le temps que je navigue sur ce bateau ivre, il fallait bien que j’en arrive à Spinoza.
Bien sûr, il y a eu Montaigne et Descartes avant, mais c’est vraiment Spinoza l’étincelle qui précipitera l’embrasement de la fin du 17ème et qui fera briller tout le 18ème.
Je comprends désormais d’où Voltaire tira son Dieu de tous les êtres, tous les Mondes et tous les Temps, ce Dieu global et naturel, cette contingence sinon mécanique, du moins d’un déterminisme absolu qu’aucune obédience officielle de ces temps-là ne pouvait recevoir. Pour Spinoza, Dieu c’est la nature.
Oui, mais pourquoi, te demandes-tu, farang-cartésien, démarre-t-on par une biographie de Spinoza, alors que d’habitude, c’est l’oeuvre avant la vie d’un Grand Tomme ?
Faut bien que tu t’imagines que j’ai commencé par faire comme d’hab : j’ai exfiltré l’énorme compilation de Spinoza de ma bibliothèque, celle du Monde®, et je l’ai réglementairement démarrée, bille en tête… Ouille ! Pas facile à maîtriser la bécane spinoziste ; mille pages des plus exigeantes composées de trois textes fondamentaux : le “Traité de la réforme de l’entendement”, “Èthique”, et les “Lettres”…
Les cents premières pages, avec les notes, sur le Traité de la réforme de l’entendement (1670) m’ont convaincu que je n’étais pas prête pour vraiment suivre… Heureusement, j’avais prévu le coup : «Vies de Spinoza». Figure-toi que je n’ai pas trouvé de biographie véritable de Spinoza, son excessive modestie nous a privé des habituelles hagiographies qui entourent le vie des grands. Il existe cependant deux témoignages (d’où le “s” à “vies”) de ses contemporains qui donnent corps au personnage. Jean Colerus et le médecin Lucas firent témoignage. Les voici réunis dans ce livre des éditions Allia.

Baruch Spinoza naît à Amsterdam le 24 novembre 1632. Il est petit, brun de peau et de cheveux et d’une complexion chétive. Son père, juif portugais émigré à Amsterdam, le pousse à faire des études hébraïques sous la férule du rabbin Morteira. Baruch est doué ; trop, même, et il a 23 ans quand il est ignominieusement chassé de sa communauté en 1656 « au cours d’un rituel d’exclusion d’une exceptionnelle sévérité »… on imagine comme il dut casser les couilles aux rabbins de la synagogue pour être traité de la sorte ! C’est ça les petits génies, ça a réponse à tout, ça empêche tout le monde de prier en rond !
Il sera ensuite l’élève du sulfureux François Vanden EndeW, et pour survivre, il apprend le métier de polisseur de lentilles dans lequel il excellera et qui lui permettra de vivre libre et heureux. Il a surtout le temps de déployer sa pensée, de se perfectionner dans moultes sciences naissantes et d’influencer toutes les âmes libres de son époque. Son Traité théologico-politique, pourtant paru de façon anonyme lui apportera une réputation embarrassante et le convaincra de garder ses écrits pour lui. L’éthique ne sera publiée qu’après sa mort et tous les exemplaires seront brûlés peu après !

Dans le premier témoignage, le plus long, celui de Colerus, et on y apprend que les Lettres sont d’une importance capitale (merci), et il y figure quelques indications sur la façon dont fut reçu son Traité théologico-politique :
C'est un livre, [...], rempli de découvertes curieuses mais abominables, dont la science et les recherches ne peuvent avoir été puisées qu’en enfer. Il n’y a point de chrétien, ni même d’homme de bon sens qui ne doive avoir un tel livre en horreur ; l’auteur tâche d’y ruiner la religion chrétienne, et toutes nos espérances qui en dépendent ; au lieu de quoi il introduit l’athéisme, ou tout au plus une religion naturelle [...]
(Sieur Guillaume van Bleyenburg de Dordrecht)

Le deuxième témoignage, celui de Lucas est vraiment plus enthousiaste, on sent bien que ce médecin de La Haye aime son Spinoza, voici le fond de sa pensée :
...
Comme il n’épousait aucun parti, il ne donnait le prix à pas un. Il laissait à chacun la liberté de ses préjugés ; mais il soutenait que la plupart était un obstacle à la vérité ; que la raison était inutile, si on négligeait d’en user, et qu’on en défendît l’usage où il s’agissait de choisir. «Voila, disait-il, les deux plus grands et les plus ordinaires défauts des hommes, savoir la paresse et la présomption. Les uns croupissent lâchement dans une crasse ignorance, qui les met au-dessous des brutes ; les autres s’élèvent en tyrans sur l’esprit des simples, [...]

Bref, on cerne mieux la vie de cet authentique inventeur de la modernité. Ça permet de l’aimer plus à cet Einstein, et ça me donne du courage pour plonger dans L’éthique

Plouf !

Spinoza drawing by David Levine



Proposition XIII, Èthique II  
L’Objet de l'idée constituant l'Âme humaine est le Corps, c'est-à-dire un certain mode de l'étendue existant en acte et rien d'autre.