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dimanche 5 août 2012

Sous le volcan, Malcolm Lowry

Encore une preuve que les livres ne sont pas des objets inanimés comme les autres, non, ils ont une âme, eux ! La dernière fois qu’un bouquin m’a fait ça c’était il y a quelques décennies  (hélas), quand j’ai ouvert mon premier Proust. Si ce n’est pas le bon moment, si tu n’es pas prêt, tu ne pourras pas le lire... faut la good vibration, ouais, c’est une question de synchronicité. Si tel n’est pas le cas, si tu n’es pas au niveau, tu n’entreras pas dans ce livre, il te manquera la clef. Bien sûr, tu peux te forcer, mais là, ça devient un calvaire, pauvre farang, c’est un sommet à escalader ; pas de répits, garder son attention toujours en alerte, impossible de lire en diagonale, il faut rester concentré phrase après phrase, et tu sais bien que la lutte est vaine, que t’es déjà baisé et que le livre te tombera des mains. Résultat : c’est un échec, c’est frustrant. T’es dégoûté et tu te venges sur le premier polar venu... et t’essaies d’oublier.
Pffff... chienne de vie.
Nonobstant, et là est la magie de la lecture, quelques années plus tard, souvent de façon totalement inattendue, le bougre t’agrippe à nouveau. Lui n’a pas oublié. Il te saute dessus au détour d’un dépoussiérage de bibliothèque, d’un marché aux puces ou d’une amazonade. Tu le zappais depuis trois, quatre, cinq ans - plus peut-être. Ton regard glissait dessus, on n’aime pas se souvenir d’une douleur ; tu le niais et voila qu’il ressurgit, phagocyte à nouveau ton réel et devient incontournable : il faut recommencer  l’escalade, encore et encore. Plaise à l’Autre que ce soit le bon moment.

Et bien cette fois c’était la bonne, cinq ans après ma première tentative (avortée, tu l’auras compris),  j’ai eu de la chance, c’était assez mûr, et j’ai même pris du plaisir, passé le premier chapitre. Le moment était là et si j’osais la métaphore, je dirais que nous sommes bien emboîtés, Malcolm et moi.
De plus, j’ai découvert  un truc stupéfiant à cette deuxième lecture de "Sous le volcan", je me suis aperçu qu’il était mieux de relire le premier chapitre après en avoir terminé avec les onze autres, comme s’il s’agissait du dernier, d’une sorte de conclusion, et là tout s’éclaire, la ronde est bouclée et le livre est devenu naturellement circulaire, zodiacal.

Bref, il faut se le tisser soi-même ce bouquin, en plusieurs passes... tout en sachant qu’on ne sera jamais à la hauteur du mal que Lowry s’est donner pour l’écrire. Question références, perdez tout espoir (ça commence par Dante, d’ailleurs) car si vous n’êtes pas féru de littérature Russe, Anglaise, Française, Américaine, de mythologie, si vous ne vous rappelez pas bien ce qu’il se passait dans le Mexique des années trente, si vous ne goûtez pas les mystères de la Kabbale, de l’universalité du chiffre sept, du mythe de l’éternel retour, des amours déchirées, de la nécessité de s’engager dans les brigades internationales (guerre d’Espagne oblige), si vous ignorez tout du théâtre élisabéthain ou si, plus prosaïquement, vous n’aimez pas le mescal que l’on sert dans les cantinas, ben vous n’aimerez pas danser sur ce volcan.

Yvonne, Geoffrey et M. Laruelle sont devenus nos amis


Je vous demande de vous méfier... des chevaux mexicains.

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