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mercredi 15 août 2012

Minima Moralia, Theodor W. Adorno

Sous-titre: Réflexions sur la vie mutilée.

De quoi s’agit-il ?  Un récit ? Une réflexion ? Un diagnostic ? Une sorte de journal ?
Certainement un peu de tout cela et beaucoup plus encore. C’est un livre  qui se trouve au croisement de l’Histoire et de la philosophie et qui fut probablement suscité par le parcours particulier d’Adorno (citoyen allemand né en 1903 d’un père juif...).
Il s’exilera aux États-Unis en 1938, ayant bien perçu que la barbarie s’approchait.

A l’instar d’un Lévinas, Adorno est un animal “moral” et il décortique les cheminements de la pensée placée face à l’immoralité d’une forme de raison plus dominatrice, plus ancestrale, sinon plus animale.
A quelle morale possible peut bien se référer un homme piétiné par les godillots de son bourreau, autrement dit, quelle dose minimale de morale sera-t-il nécessaire d’injecter dans la société afin que ce qui est un, particulier, ne soit pas laminé, absorbé, par la normalité du tout, par la rationalité qui a transformé nos âmes en “choses” ?
L’apparence des choses est devenue leur réalité, la marionnette efface l’existence du marionnettiste. Nous ne percevons plus qu’une succession événements infimes qui déforment le quotidien et déshumanisent nos relations aux autres ; égoïsme, domination, marchandisation des valeurs, de la culture, nouvel assujettissement des femmes par le travail, par l'image, etc.
Tout tend à la normalisation de l’irrationnel au sein d’un environnement désigné comme rationnel.
Quelle latitude, quelle liberté reste-t-il à l’individu, à cet atome tributaire d’un méta-système “organisé” et omnipotent, si ce n’est celle d’avoir la dimension d’une chose écrasée, niée ?
Hum ? Tu peux me le dire ?
Brrr, j’ai peur, je veux pas mourir...

Cela dit et bien que d’une densité fabuleuse, c’est un livre relativement (?!) abordable car la forme du récit, une cascade d’aphorismes (350 pages), permet de butiner tous les thèmes abordés sans (presque) jamais atteindre la saturation.

Par exemple la fin de celui-ci, intitulé Modèle de vertu (p. 246):

Toute morale s’est formée sur le modèle de l’immoralité et elle l’a jusqu’à ce jour réinstaurée à tous les niveaux. La morale des esclaves est en effet une mauvaise morale : elle est toujours la morale des maîtres.


Je vous demande de ne pas vous démoraliser...

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