Sous-titre: Réflexions sur la vie mutilée.
De quoi s’agit-il ? Un récit ? Une réflexion ? Un diagnostic ? Une sorte de journal ?
Certainement
un peu de tout cela et beaucoup plus encore. C’est un livre qui se
trouve au croisement de l’Histoire et de la philosophie et qui fut
probablement suscité par le parcours particulier d’Adorno (citoyen
allemand né en 1903 d’un père juif...).
Il s’exilera aux États-Unis en 1938, ayant bien perçu que la barbarie s’approchait.
A
l’instar d’un Lévinas, Adorno est un animal “moral” et il décortique
les cheminements de la pensée placée face à l’immoralité d’une forme de
raison plus dominatrice, plus ancestrale, sinon plus animale.
A
quelle morale possible peut bien se référer un homme piétiné par les
godillots de son bourreau, autrement dit, quelle dose minimale de morale
sera-t-il nécessaire d’injecter dans la société afin que ce qui est un,
particulier, ne soit pas laminé, absorbé, par la normalité du tout, par
la rationalité qui a transformé nos âmes en “choses” ?
L’apparence
des choses est devenue leur réalité, la marionnette efface l’existence
du marionnettiste. Nous ne percevons plus qu’une succession événements
infimes qui déforment le quotidien et déshumanisent nos relations aux
autres ; égoïsme, domination, marchandisation des valeurs, de la
culture, nouvel assujettissement des femmes par le travail, par l'image, etc.
Tout tend à la normalisation de l’irrationnel au sein d’un environnement désigné comme rationnel.
Quelle
latitude, quelle liberté reste-t-il à l’individu, à cet atome
tributaire d’un méta-système “organisé” et omnipotent, si ce n’est celle
d’avoir la dimension d’une chose écrasée, niée ?
Hum ? Tu peux me le dire ?
Brrr, j’ai peur, je veux pas mourir...
Cela
dit et bien que d’une densité fabuleuse, c’est un livre relativement (?!) abordable
car la forme du récit, une cascade d’aphorismes (350 pages), permet de
butiner tous les thèmes abordés sans (presque) jamais atteindre la
saturation.
Par exemple la fin de celui-ci, intitulé Modèle de vertu (p. 246):
…
Toute
morale s’est formée sur le modèle de l’immoralité et elle l’a jusqu’à
ce jour réinstaurée à tous les niveaux. La morale des esclaves est en
effet une mauvaise morale : elle est toujours la morale des maîtres.
Je vous demande de ne pas vous démoraliser...
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