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mardi 2 décembre 2014

La règle, Régis Curien

Très singulière cette nouvelle façon de découvrir un auteur, voire de participer à l’élévation de l’impétrant à la dignité suprême d’être publié par un éditeur "papier". Ouais, ch’t’esplique : maintenant, et grâce aux techno-sciences i-modernistes, si tu te découvres l’âme d’un Victor Hugo, d’un Gérard de Villiers ou celle d’un Houellebecq, point n’est besoin d’envoyer ton manuscrit chez les Gallimard, Seuil ou autres Bob Laffont, là-bas, les grossium de Paris, et que c’est sûr, y le liront pas, non, maintenant, tu peux passer par un éditeur réticulaire du genre bookstory.
Bien sûr, je ne connais pas les modalités et autres coûts induits par une inscription en tant que papa “du futur chef-d’oeuvre”, mais si comme moi tu te cantonnes au rôle de client, alors tu cliques pour acheter le bouquin à 6€, tu récupères le pdf (non au mariage des pdf !) et tu le dégustes sur ta liseuse.
Le truc étant qu’au bout de deux cents téléchargements, le bouquin sera présenté à un éditeur papier (tu vois la barre de progression des téléchargements, les commentaires sont presque tous très sympa, le site est bien fait).
Pourquoi pas ?…
Mais de deux choses l’une ; ou se crée devant nos yeux ébaubis une nouvelle façon underground, plus participative, de consommer des livres, où, les boîtes d’éditions officielles sont en train de sous-traiter le risque “1er roman” à un échelon inférieur, plus régional ; une sorte de décentralisation sauvage, disons.
Et comme de mon mal je sens celui des autres, franchement, le doute m’habite, mais laissons lui son bénef... pour l’instant.

Bon, La règle.

Une dystopie incontestablement, avec les fragrances d’un 1984 du grand Orwell et l’arrière goût que l'on trouve dans Les Monades urbaines de Silverberg.
Peut-être pas bien loin dans le futur, mais après une guerre dans laquelle flambèrent toutes nos illusions, ça, c’est sûr ; ne reste que du gris et la Règle.
Imagine-toi vivre dans une ville qui ressemblerait à la Défense en plein régime soviétique.
Là-dedans, focalise ta subjectivité sur la vie de Winston, une sorte de Juge d'Application de la Règle, qui de fil en aiguille va se retrouver dans la peau d’un ennemi d’icelle. Le fonctionnaire modèle sera victime de son sens de l’éthique, qu’il a bêtement confondu avec la Règle, et va méchamment déraper ; ça finira avec cellote dans les caves d’une Loubianka du futur et toutim ! ‘tain, mal barré !
Mais non, en fait, c’était juste un pentest ontologique, dis-donc ; rien que le Ron Hubbard local qui voulait savoir si l'agent Winston pouvait accéder aux secrètes phalanges des Thétans, le club très fermé des p’tits gars qui manipulent les autres… non, j’déconne, mais c’est pas loin.
Finalement, c’est pas un rebelle le Winston, c’est juste un jésuite de la Règle.

Hélas, malgré un déroulé de l’intrigue fort convenable et quelques rebondissements assez surprenants, la mayonnaise ne prend pas ; c’est trop lisse, trop neutre, trop aseptisé.
Les personnages manquent de caractère et le roman est trop court d’au moins deux cents pages.
Ça se becte en deux heures.

Ceci dit, bon vent et bonne chance à l’ami Régis Curien.






Aïe !

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