Un intellectuel en politique
Décidément, je n’en démords pas : qu’est-ce que c’est bien de lire une bonne biographie.
Ne ris pas, farang-indécrottable, je t’assure que pour mézig c’est aussi jouissif que s’abîmer dans le Cycle de Tschaï de papa Jack Vance ou le Dernier Royaume de tonton Pascal Quignard, surtout quand les deux plumes qui ont créé cette petite merveille de sept cents pages appartiennent au couple Badinter et que le sujet de leur minutieuse et aimable attention s’appelle Marie Jean Antoine Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet.
Toi aussi, tu pensais que Condorcet n’était qu’un nom de lycée ou une rue dans le 9e (Métro Poissonnière), hein ? Ah, putain ! On était loin du compte ! L’ami Jean Antoine Nicolas c’était pas du bidon...
Dans les années 1770 il est cul et chemise avec du beau monde, du gros calibre. C’est bien simple, je les appelle la bande des 4 : Voltaire, Turgot, d’Alembert et Condorcet ; le quadriumvirat de l’intelligence des années 1770-1780, le dernier feux des Lumières ; les ennemis jurés des Necker, des Malesherbes, des curés, des mauvaises manières des aristo et de la gabegie en général. Ce sont des “libéraux” qui à l’instar d’un Tocqueville, lorgnent attentivement sur ce qui se passe en Amérique.
Affirmatif, l’ami Nicolas est déjà un très grand monsieur, très grosse tronche, une sommité géométrique et philosophique, quand il débute en politique (1774).
Calcul intégral, économie, contribution au Supplément de l’Encyclopédie, éducation, les poids et mesures, la fiscalité, la législation, la justice (je comprends mieux qu’il ait aussi intéressé Badinter♀), etc. ; rien ne le rebute il excelle dans maints domaines.
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1781, Epître dédicatoire aux nègres esclaves...
Mes amis,
Quoique je ne sois pas de la même couleur que vous, je vous ai toujours regardés comme mes frères. La nature vous a formés pour avoir le même esprit, la même raison, les mêmes vertus que les Blancs. Je ne parle que de ceux de l’Europe ; car, pour les Blancs des colonies, je ne vous fais pas l’injure de les comparer avec vous ; je sais combien de fois votre fidélité, votre probité, votre courage ont fait rougir vos maîtres. Si on allait chercher un homme dans les îles d’Amériques, ce ne serait point parmi les gens de chair blanche qu’on le trouverait… Votre suffrage ne procure point de places dans les colonies ; votre protection ne fait point obtenir de pensions, vous n’avez pas de quoi soudoyer des avocats : il n’est donc pas étonnant que vos maîtres trouvent plus de gens qui se déshonorent en défendant leur cause, que vous n’en avez trouvé qui se soient honorés en défendant la vôtre… Je sais que vous ne connaîtrez jamais cet ouvrage, et que la douceur d’être béni par vous me sera toujours refusée. Mais j’aurais satisfait mon coeur déchiré par le spectacle de vos maux, soulevé par l’insolence absurde des sophismes de vos tyrans. Je n’emploierai point l’éloquence, mais la raison ; je parlerai non des intérêts de commerce, mais des lois de la justice.
Vos tyrans me reprocheront de ne dire que des choses communes, et de n’avoir que des idées chimériques : en effet, rien n’est plus commun que les maximes de l’humanité et de la justice ; rien n’est plus chimérique que de proposer aux hommes d’y conformer leur conduite.
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Ponte de l’Académie des Sciences, il est élu à l’Académie Française en 1782 ; il demeure cependant bon comme le pain, droit comme la justice, modeste comme… comme… merde, j’en trouv’ pas dans mon horizon politico-événementiel, dis-donc ! Faudrait trouver un mec de l’Académie qui outre sa puissance éditoriale littéraire et journalistique serait capable de t’expliquer ce qu’est un objet de Thorne-Zytkow tout en ferraillant dans toutes les arènes politiques pour les plus nobles causes qu'il soit permis de défendre.
T’en vois beaucoup des hommes de ce calibre, toi ? Il te vient un nom à l’esprit ?
Nous plongeons dans l’intimité d’un humaniste surdoué et d’un véritable républicain à l’heure où ce n’était pas encore la mode ; il sera de tous les combats : abolition de l’esclavage, égalité des femmes, éducation gratuite et universelle… Pfiou ! Il ne lui aura manqué que l’éloquence, quel dommage !
Cependant, le bon Condorcet va vite passer pour un mouton enragé dès 1789. Ouais, ses copains aristo ne vont pas bien aimer sa haine des curés et de la noblesse, car il a choisi son camp et n’en démordra jamais… jusqu’à en mourir (mars 1794) en s’empoisonnant dans sa cellotte, frustrant ainsi l’ogre Robespierre qui voulait le masicotter avec les autres grossium de la Gironde : Brissot, Bussot, Vergniaud, Louvet, Pétion, etc.
Bon, tu l’auras compris, farang-montagnard, ce pavé des amis Badinter m’a véritablement subjugué, sans compter que j’adore cette période de notre histoire francaouite et que rien ne m’est plus agréable que d’entrecroiser les personnages de cette époque formidable.
Je veux tout connaître de nos pères fondateurs.
Alors, bien sûr, je vais maintenant m'intéresser de plus près à des calibres comme Vergniaud, Desmoulins, à ces salauds de Marat, Hébert et son Père Duchesne, etc., car à force de les côtoyer à travers les Michelet, les Lamartine, les Mona Ozouf et autres Max Gallot, je décide maintenant qu’il me faut en avoir le coeur net, qu’il me faut tout savoir de ce morceau d’histoire… de mon histoire.
Y a pas, ça me possède, ‘tain !
Tant pis pour vous.
Merci à toi, Ô aimable Condorcet, Ô lumière d’au moins cinq de mes nuits, et merci à monsieur et madame Badinter, ce fut un bonheur.
©Hécate |
1767 : Du problème des trois corps.
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