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jeudi 13 novembre 2014

Vergniaud, de la tribune à l’échafaud, Elsa Gribinski

Voila l’homme de la révolution.

Lamartine avait donné le ton : Vergniaud c’est l’Aigle de la révolution, son oeil et sa voix.
La figure de proue de la Gironde ; le mec dont l’éloquence était capable de retourner l’auditoire d’une Assemblée législative ou d’une convention nationale. Mais ce n’est pas que cela Vergniaud, c’est aussi un ami de Condorcet, c’est un pur héros de la Révolution, il ne flanchera pas en 93 et se livrera à la géhenne en chantant La Marseillaise.
Le procès des quarante députés de la Gironde qui ouvre la Terreur ne compte que vingt-et-un gagnants ( Brissot, Vergniaud, Gensonné, Guadet, Viger, Lasource, Duperret, Carra, Faucet, Ducos, Fonfrède, etc.), et il occupa les audiences du Tribunal révolutionnaire des 24 au 30 octobre 1793. Ce fut une mascarade ; la pantomime tourna court car encore une fois, l’éloquence de Vergniaud eût pu faire basculer les jurés, et voyant venir le coup, les méchants Saint-Just, Robespierre et Fouquier-Tinville qui régnaient déjà en petits maîtres ce 31 octobre 1793 (10 brumaire de l’An II) préférèrent la jouer plus courte : Tchac… Tchac… Tchac !

Les Girondins, l’intelligence et le moteur de l’élan révolutionnaire, n’ont jamais su que se tirer une balle dans le pied, et la camarade Elsa Gribinski ne manque pas de le rappeler à la page 437 :

Au siècle suivant, Hugo, posant longuement son regard sur l’année quatre-vingt-treize, distingue, sous la Plaine, le Marais, « stagnation hideuse laissant voir les transparences de l’égoïsme » : « Ils avaient tous les courages de la lâcheté ; ils préféraient la Gironde et choisissaient la Montagne ; [...] ils versaient du côté qui réussissait ; ils livraient Louis XVI à Vergniaud, Vergniaud à Danton, Danton à Robespierre, Robespierre à Tallien. [...] Chanceler, c’était trahir. Ils étaient le nombre, ils étaient la force, ils étaient la peur. De là, l’audace des turpitudes. De là, le 31 mai, le 11 germinal, le 9 thermidor ; tragédies nouées par des géants et dénouées par les nains. »

Ce Vergniaud ? Un homme formidable qu’il me tardait de rencontrer et d’écouter depuis si longtemps et, maintenant que la chose est faite, je ne crains pas de le dire, la gente dame Elsa Gribinski nous offre à travers cette minutieuse étude du personnage, et surtout, de ses discours (presque tous !), un des plus beaux livres connexes à la période 1789-1793, Frankreich...
Un déroulé des évènements absolument remarquable de ces quatre années tectoniques dans un texte qui obéit à un schéma récurent ; une mise au point contextuelle extrêmement précise de quelques pages en guise de révélateur, suivi de la parfaite rhétorique d’un discours enflammé ou d’une lettre sentencieuse de Vergniaud tenant lieu de fixateur ; et on progresse ainsi par bonds successifs dans l’univers d’un homme qui fabriquait de l’Histoire.

C’est simplement superbe et poignant, et ma mie Elsa m’a remarquablement hameçonné pendant quelques hecto-minutes.

Farang-Fouquier-Tinvillien, je ne saurais trop t’inciter à me voler ce livre, mais hélas, je connais la rectitude morale qui t’empêchera de perpétrer cet horrible forfait et te laissera ignorant, et curieusement satisfait de cette triste condition. Quel dommage !

Merci Elsa, merci pour cette merveille, je sais maintenant que nous sommes toutes les deux amoureuses de Pierre Victurnien.

Pierre Victurnien Vergniaud





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