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mercredi 19 novembre 2014

Robinson Crusoé, Daniel Defoe

Une très curieuse histoire que je vais te raconter là.

D’abord, Robinson, je l’ai escaladé par la face suisse et le sherpa s’appelait J.-R. Wyss.
Il s’agissait de toute une famille qui s’échouait sur l’île, avec clebs, bétail et toute la basse-court. C’était une tribu très industrieuse, et elle est à l’origine d’une des premières colonies de la fédération helvétique, et ce, grâce à une organisation sans failles et surtout grâce à la rigueur toute protestante de sa foi. Ça, de la bondieuserie, t’en bouffe !

Ensuite, la puberté à peine débordée, c’est le vieux Bill qui s’occupa de mon éducation para-littéraire et son truc à lui, ce vieux coyote, c’était Tournier… Et Tournier ceci, et Tournier cela, bref, je me suis retrouvé avec Vendredi où les limbes du pacifique dans les pognes.

Bon.

Passent quelques décennies, et l’aut’ nuit, donc, alors que je traînais ma prostate chez les filles, je regardais avec nostalgie la mini-bibli qu’elles ont agrégé en ce “lieu” aux fils des années, et là, entre un Spirou et un Harry Potter : le vrai Robinson Crusoé (folio junior édition spéciale). Un truc de quand la petite devait zoner en six ou cinquième. Je feuillette, c’est annoté ; elle a dû trimer dessus, je souris avec indulgence... et brusquement TILT : je me rends compte que je n’ai jamais lu le vrai Robinson Crusoé !!!
Tu parles d’un choc, heureusement, j’étais assise.

Je n’ai alors fait qu’écouter mon enthousiasme, au début du moins ; les tribulations océaniques du jeune et presque rebelle Robinson ; deux ans d’esclavage chez les barbaresques, l’évasion, et ensuite la tempête, le naufrage, le premier atterrissage, l’île, la nature hostile, tout çà…
Et puis, au fur et à mesure du massacre, je me suis calmé.
Ok, le récit démarre en 1709, et je veux bien admettre que Les Lumières propres à ce siècle n’avaient pas encore éclairé tous les recoins, mais à partir du moment où le Crusoé est sur son île ça devient beaucoup moins exaltant. Il flingue tout ce qui bouge, remercie la providence et le Seigneur pour l’avoir foutu dans cette merde toutes les quatre pages et finalement traitera Vendredi comme un animal domestique.
Ce type est un parfait connard, c’est l’archétype du loup de Wall Street ou de la grosse tête qui a décidé qu’il fallait éventrer le Canada pour que Gaïa crache son pétrole… c’est un pur salop !
Il traite mieux son flingue que son chien où ses chèvres ; Vendredi ne sera jamais qu’un meuble ; ce mec n’a rien appris durant ses vingt-sept piges de réclusion, il ressortira de l’aventure droit dans ses bottes et repartira vers l’Angleterre comme s’il n’avait pas évolué d’un iota. Ch’serais mêm’ pas étonné qu’il ait repiqué dans un quelconque trafic d’esclaves, peu après...

Finalement, je n’ai pas bien apprécié le “vrai” Robinson ; ce "vrai" chrétien ne m’est pas sympathique.

Désolé, mais c’est le vieux Bill qui avait raison, le Vendredi de Tournier est largement supérieur au Robinson de Defoe. Le Robinson de l’ami Michel est plus plastique, plus ambigu et finalement bien plus épicurien ; ses rapports à la nature, à Vendredi, au temps, etc., le font évoluer vers de plus en plus d’humanité. À la fin, Il ne partira pas de son île et restera “chez lui”, en son royaume.
Quel contre-pied, mon cadet !


©Miss Bean





Vendredi, je suis ta mère…

2 commentaires:

  1. Tiens, c'est vrai, jamais lu non plus. Robinson fait parti de ces livres que l'on croit connaître par coeur alors que l'on en connait que les adaptations cinématographiques pas toujours très fidèles.
    Ca m'a fait ce coup là avec "La planète des singes" de Pierre Boulle, très différents de ses adaptations au cinéma.
    Sinon, la robinsonnade est un thème que j'apprécie beaucoup (micro sociétés, luttes d'influence entre rescapés...). Dans le genre, j'ai beaucoup apprécié "L'île" de Robert Merle et bien sûr "Sa majesté des mouches" de William Golding.

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  2. Ah, tu vois, ma vieille Pougne, que le vieux Bill fait pas que raconter des conneries…

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