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vendredi 14 décembre 2012

Karoo, Steve Tesich

Alors là... Comment dire ? … Je… Arghhh !

[ légère digression me donnant de l'air ]

Hum, hum...

On commence à le savoir maintenant, hein, fidèle farang, je suis excessif dans mes commentaires ; y a pas grand chose que je n’aime pas, tout ce qui est écrit me fait ventre. Une sorte de curiosité pathologique, d’avidité malsaine : dès qu’un “livre” traverse mon horizon événementiel, faut que je le possède, que je m’en gorge et, depuis peu, que j’en fournisse un distillat souvent trop exalté dans ma chère 4269 de la Carène. Je ne suis donc pas un critique littéraire fiable et, ventre-saint-gris, comment saurais-je faire cela, d'ailleurs ?
Cependant, je suis bien obligaresse de constater qu'il y a des romans qui me travaillent “en profondeur”.  
Le Au-dessous du volcan de Malcolm Lowry, la Vie animale de Justin Torres, ou Les chaussures Italiennes de Henning Mankell m’ont totalement subjugué... Y a pas à chier, on ne ressort pas indemne de ces bouquins, il y a quelque chose de subtil qui change en nous, un centre quelconque qui bouge et nous oblige à trouver un nouvel équilibre, nous sommes marqués, déstabilisés, modifiés... quant à savoir si c’est en mieux ou en moins bien, c’est une autre histoire. C’est tellement chiant de perdre l’équilibre, ça oblige à des gesticulations désagréables, mais souventefois ça fait faire un pas, en avant...

M’fin, brèfe, maintenant il faut que j’allonge la liste à ce Karoo.

Ce texte est énorme et multi-couches.
Insertion au forceps de la condition humaine dans un roman, pas moins.

Gloire et chute d’un menteur pathologique : Saul Karoo, mais surtout c’est la dissection d’un mode de vie et d’une époque, d’une humanité.
Tesich nous installe dans le cockpit d’un avion en flamme, Doc Karoo. Faux écrivain, faux mari, faux père, vrai-faux alcoolique (!), faux ami... fausse vie confortable, mais vraie chute inéluctable. On assiste à la vaine lutte du pilote, à ces pathétiques tribulations tout au long de cette trajectoire fatale.
Tout est terriblement pertinent et effrayant. Tous ces masques, tous ces semblants, toutes ces putasseries (sordides ou glorieuses) ; toute cette schizophrénie qui nous possède, qui nous domine et qui nous fait agir comme des pantins manipulés et manipulateurs. Cette lucidité aveuglante sur la téléonomie du mensonge car, oui, notre milieu ambiant est le mensonge, il impose la cadence, les formes ; c’est le vent qui sculpte l’âme des hommes. S’il existe un Dieu, c’est bien lui, le Mensonge ; celui-là, vous pouvez y croire, il existe, nous l'avons tous en nous. Il nous entoure, nous fait vivre et nous gouverne. Il préside impunément le salop!

Pareil pour la construction du livre, ce diable de Tesich fait un truc que j’ai rarement vu dans un roman, il nous désubjectivise en plein vol. Oui madame ! Nous sommes le “je” jusqu’à la page 468, et Paf ! le “il” surgit de la page 469 à la fin (p. 600~). C’est fini, plus de “je”, nous venons d’être siège-éjecté du bolide à l’insu de notre plein gré, putain ! Nous assistons au crash final d’un “moi” qui n’est plus le notre ; nous sommes saufs, désolidarisés de la catastrophe, nous ne subirons pas les dernières indignités de Karoo, nous n’en serons que les spectateurs distanciés... Merci bien ! Brrr...

Je ne suis pas l’ami de Saul, il m’a trop montré de moi...(et de toi aussi, connard !)  mais je suis désormais un inconditionnel de Tesich.

Merci Doc, pour ce moment inconfortable et casse-gueule ; c'était  instructif...

À lire ABSOLUMENT ! (forcez-vous, merde !)

la chute d'Icare, dessin d'élève




Je vous demande de vérifier votre parachute...

2 commentaires:

  1. Merci à Chritz et surtout à Corinne pour cette petite merveille... Ouais, je me figure bien que le Chritz ne lit pas de bouquins de ce calibre, il n'y a pas assez de références pélagiques ou Tom-Sharpiennes ! Et puis, en général, les mecs du "modem" lisent des trucs plus tièdes...
    Hip hip hurray à gente dame Corinne, et encore Merci.

    Serviteur.

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    1. Le Chritz'm a effectivement du mal avec les bouquins des blondes, ces origines animales le cantonnent en effet dans des romans plus halieutiques, salmonifères de préférence. Fils à Papa apercevra le vrai monde du Chrits'm quand il lira les premiers chapitres d'un Raoul Dhombres, d'un Tony Burnand voir d'un Franck Sawyer. Ce jour viendra quand "ces zigues à son père" sera incarné en ver de terre sur un hameçon, il comprendra qu'il aurait mieux fallut qu'il s'y intéresse plus tôt avant d'avoir a en découdre avec salmo trutta !
      ... ou s'il n'enlève pas un "n" à ma compagne ...
      Bien à lui
      "modem like"

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