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mardi 29 juillet 2014

Sganarelle ou le cocu imaginaire, Molière

Je n’ai pas freiné assez tôt à la fin des Précieuses Ridicules et, de fait, j’ai dérapé dans Sganarelle. Après le tête-à-queue final j’étais déjà dans la scène V ; tu comprendras très certainement qu’on ne quitte pas le circuit à la scène V, et ce, qu’elle que soit la pièce du Mestre. 
Après avoir vérifié la jauge de ma pile à combustible et m’être assuré que les déflecteurs ontho-ioniques étaient tous parfaitement positionnés en mode “translation subspatiale quantigraphique” - oui, il ne faut pas plaisanter avec l’état de ses déflecteurs ontho-ioniques, il s’agit de ne pas cramer la cervelle des deux premiers rangs de spectateurs, je vous rappelle que la course à “le Molière” est publique, il y a des spectateurs sur le bord de la piste -,  j'effleurais alors l’holo-icône “Play” du tableau de bord de mon Dream-Rider Mark IV à tubulures tripoïdales tangentielles et reprenais ma course bi-hémistichienne (pour ne pas dire alexandrique) à la scène V, donc.
Ah, que Le Molière est une belle course... se déploya alors dans mes capteurs tête-haute du cockpit une tirade d'anthologie que je vous conseille de bien méditer, chères hypno-spectatrices blondes (si possible) et à forte poitrine (ce serait mieux) :

Scène V
La Femme de Sganarelle, seule.

Il s’est subitement éloigné de ces lieux,
Et sa fuite a trompé mon désir curieux ;
Mais de sa trahison je ne fais plus de doute,
Et le peu que j’ai vu me la découvre toute.
Je ne m’étonne plus de l’étrange froideur
Dont je le vois répondre à ma pudique ardeur :
Il réserve, l’ingrat, ses caresses à d’autres,
Et nourrit leurs plaisirs par le jeûne des nôtres.
Voilà de nos maris le procédé commun :
Ce qui leur est permis leur devient importun.
Dans les commencements ce sont toutes merveilles ;
Ils témoignent pour nous des ardeurs non pareilles ;
Mais les traîtres bientôt se lassent de nos feux,
Et portent autre part ce qu’ils doivent chez eux.
Ah ! que j’ai du dépit que la loi n’autorise
A changer de mari comme on fait de chemise !
Cela serait commode ; et j’en sais telle ici
Qui comme moi, ma foi, le voudrait bien aussi.

Bon, ne pleurez pas, les filles, la trompettophobie n’a pas de genre, mâles zé fumelles en ont l’octroi, à égalité...
En plusse ça finit bien… la comédie de la vie, en somme.

Encor’ merci à l’ami Jean-Baptiste P.





Cornuto !

lundi 28 juillet 2014

Les Précieuses ridicules, Molière

Mmmm… que ça fait du bien, Molière.

Ce faquin de Staline m’avait meurtri l’âme dans le bouquin précédent, j’ai passé  presque vingt quatre heures prostré, sans rien lire ; je me suis même abîmé dans la saison 1 de House of Cards (avec Keyser Söze,’tain !), te dire où j’en étais.
Heureusement, les soirs de grand spleen, j’ai mes Oeuvres Complètes de l’ami Jeanbapt : il n’y a pas meilleure panacée. Elles ne sont jamais bien loin, les quelques tomes que je possède depuis 631138519 secondes (environ) sont judicieusement égarés dans toute la casbah et j’ai une méthode infaillible pour m’écouvillonner la cervelle au Molière, veux-tu que je te l’explique ?
Bien.
Tu prends une pièce de Molière, pas trop épaisse et sur du papier bible si possible pour commencer, puis tu en froisses légèrement un coin de manière à obtenir un petit cône effilé que tu enfonces délicatement dans ton oreille droite… tu pousses lentement en effectuant un petit mouvement de rotation… tu pousses, tu insistes encore un peu… et tu attrapes le bout qui devrait dépasser de ton oreille gauche maintenant (bien sûr, tu auras veillé à bien te nettoyer les oreilles avant, sinon c’est dégueu). Voila. Ensuite tu saisis fermement la pièce qui dépasse désormais de tes deux oreilles, et tu imprimes un mouvement de droite à gauche ; je te laisse le soin du rythme, ça dépends de la pièce, mais l’effet est certain, ta neurone en ressortira toute neuve !  
Hein ? 
Bien sûr que c’est féminin neurone, en tous les cas, la mienne est une fille !
Bon, ne discute pas avec moi et apprête-toi à lire un mec qui jaspine beau :

Scène VI
Marotte (la bonne), Cathos et Magdelon (les deux précieuses)

Marotte.
- Voilà un laquais qui demande si vous êtes au logis, et dit que son maître vous veut venir voir.

Magdelon.
- Apprenez, sotte, à vous énoncer moins vulgairement. Dites : “Voilà un nécessaire qui demande si vous êtes en commodité d’être visible.”

Marotte.
- Dame ! je n’entends point le latin, et je n’ai pas appris, comme vous, la filofie dans le Grand Cyre.

Magdelon.
- L’impertinante ! Le moyen de souffrir cela ? Et qui est-il le maître de ce laquais ?

Marotte.
- Il me l’a nommé le marquis de Mascarille.

Magdelon.
- Ah ! ma chère, un marquis ! Oui, allez dire qu’on nous peut voir. C’est sans doute un bel esprit qui aura ouï parler de nous.

Cathos.
- Assurément, ma chère.

Magdelon.
- Il faut le recevoir dans cette salle basse, plutôt qu’en notre chambre. Ajustons un peu nos cheveux au moins, et soutenons notre réputation. Vite, venez nous tendre ici dedans le conseiller des grâces.

Marotte.
- Par ma foi, je ne sais point quelle bête c’est là : il faut parler chrétien, si vous voulez que je vous entende.

Cathos.
- Apportez-nous le miroir, ignorante que vous êtes, et gardez-vous bien d’en salir la glace par la communication de votre image.


Toujours aussi délicieuses et pleines de malices les pièces de l’ami Poquelin.
Ça fait un bien fou entre les oreilles !

©La folie des grandeurs


Zig… zig… zig.. zig.. zig. zig. ziig ziiig ziiiiiiiiiig...

L’ivrogne et la marchande de fleurs, Nicolas Werth

Retour dans le marigot stalinien.
Le 30 juillet 1937, Nikolaï Iejov signe l’ordre n° 00447 et s’enclenche alors “l’Opération koulak” que nous connaissons sous l'appellation de Grande Terreur…

Vingt ans après la Grande Révolution Socialiste d’Octobre, le régime soviétique perpétra le plus grand massacre d’État jamais mis en oeuvre en Europe en temps de paix : en seize mois, d’août 1937 à novembre 1938, environ 750 000 citoyens soviétiques furent exécutés après avoir été condamnés à mort par un tribunal d’exception à l’issue d’une parodie de jugement. [...]

Derrière l’écran de fumé des procès de Moscou, le petit père des peuples organise secrètement une vaste entreprise d’ingénierie et de purification sociale. Des centaines de milliers gens assassinés et plus encore de déportés. Le zèle des bourreaux est extraordinaire et les quotas d’arrestations seront très rapidement revus à la hausse.

Les archives sont celles du NKVD, les chiffres sont précis et ahurissants, tandis que les témoignages d’interrogatoires nous propulsent dans un univers kafkaïen.
L’ivrogne était un ivrogne et la marchande de fleurs vendait des fleurs : quoi de plus dangereux qu’un ivrogne terroriste et une fleuriste séditieuse, hein ?
...

Je vois bien que l’ami Nicolas Werth est une référence dans le milieu des écrivains de l’histoire, mais j’espère que c’est la dernière fois que je mets le nez dans des horreurs pareilles ; je suis fatigué, épuisé, dégoûté ; je ne veux plus avoir à faire avec tous ces monstres !


Welcome to Goulag Paradise


Son climat vivifiant, sa gastronomie allégée, ses camps de vacances… Cet été, n’hésitez pas : choisissez la Sibérie.
Trois formules : pension complète 10 ans, 15 ans ou 20 ans. Sans réservation.

jeudi 24 juillet 2014

L'art délicat de rester assis sur une balançoire, Emmanuelle Urien

Emmanue mon amour, ça sent le vécu à plein nez ton histoire.

C’était magnifique, je ne me suis jamais sentie aussi salope !
Ah, putain de Dieu, ça fait du bien !
Hé, les filles, faut absolument rester convaincues que les mâles seront toujours des enfoirés, que leur cervelet réside au mieux dans leurs couilles, et hélas, qu’ils ont encore l’Histoire et les us pour eux.
Nous pouvons cependant bien les faire chier un max, ces fumiers !
Nous pouvons nous venger. Gnargh, gnargh, gnargh...
Mais nous serons toujours malheureuses.
Galatée sera encore un moment consubstantielle à Pygmalion ; c’est comm’ ça, chère Emmanue…

Ceci dit, je voulais mieux connaître les deux succubes occitans qui ont écrit “Du temps de cerveau disponible” à quatre mains : pour le camarade Causse je n’ai trouvé que des choses écrites en anglais un chapitre sur deux, je ne peux donc pas suivre, trop sélectif, trop perfide ; j’ai laissé tomber… j’ai sûrement tort. Par contre, on m’a proposé des trucs plus facilement lisibles pour une âme simple comme la mienne chez la gente dame Urien.
J’ai immédiatement amazoné, tu penses bien !

Ch’uis pas déçue, l’amie Emmanue nous venge toutes de nos rêves bleus : à mort le mâle, que le cul lui pèle et que le Diable le patafiole ! Qu’il chope une bonne vulvite, cet enculé de merde ! Et une sévère ! Qu’il se fasse puissamment bourré le fion ton connard de prince charmant… Qu’il crève avec sa chienne de maîtresse, cette putain, cette voleuse de mon bonheur aveugle ! Pis qu’est-ce qu’elle a de plus que moi cette salope, hein ? Elle a des plus gros nibards ? Elle est blonde ? Qu'ils crèvent !
- Ah, attendez, il y a Marcos Dorselus qui vient de me répondre sur Meetic : à le lire il serait sévèrement membré… Encore un qui a tout compris… connard ! Fumier !
ENCULÉ ! ! !

Ne rions pas, ch’uis réellement malheureuse, je veux que tout le monde crève avec moi !
Bon, à trois on arrête de respirer, d’accord ?
- Un,
- Deux,
- Trois…

… Huuummm… gassscc… Pfeummm… Argh !

- Vous êtes mortes ?...


Emmanue, chère âme, c’est quand le bonheur ?



Schrödinger





Je vous demande de crier moins fort..

mercredi 23 juillet 2014

Tennessee Williams, Toutes ses Nouvelles (1928-1977)

Ô Merveille… Ô stupeur...

Je ne connaissais l’ami Tennessee Williams que de réputation, un nom qui tournicote, comme ça, dans l’inépuisable vastitude des “choses” qui restent à lire ab-so-lu-ment avant de mourir. Des “choses” comme Shakespeare, Jim Harrison, Averroès, Alphonse Allais, Foucault, Derrida, Plutarque (ah, ah, ah…), Musso (non, j’déconne), etc. 
La liste serait presque infinie.

Cela dit je l’avais sottement catalogué dans la case des théâtreux, à cause d’un tramway nommé Désir, et j’ai encore un peu de mal avec cette engeance, disons que lire du théâtre ne fait pas encore partie de mes tropismes. Mais n’aie aucune crainte, farang-du-pont-d’Avignon, je me soigne et le bon Docteur Tennessee Williams vient de me délivrer la meilleure des ordonnances avec cette superbe compile.
Soixante-treize nouvelles en comptant “Le vieil homme dans son fauteuil”. 

Soixante-treize snapshots de l’Amérique entre 1928 et 1977.
Soixante-treize façons de désirer.
Soixante-treize coups de poignards dans ton coeur.
Soixante-treize animaux qui trifougnent dans ta poitrine, avec leurs petites griffes acérées ; ch’te dit pas les dégats !
Pour ma part, je suis définitivement mort à la page 176 avec la nouvelle “Malédiction” (1945) ; quand le jeune Lucio et la chatte Nitchevo tombe amoureux l’un de l’autre jusqu’à aller se noyer ensemble dans la rivière ! Le coup fatal, Ch’uis mort avec eux, ‘tain ! Pour faire plus crédible, j’ai attrapé Mon-Fils-Pougne et j’ai tenté de nous noyer dans la baignoire… il a refusé, ce salop m’a griffé ! Bon, il n’avait pas lu Malédiction, y pouvait pas comprendre ! Ce n’est qu’un reptile, après tout…

[...]
Alors, il lui arriva soudain, et pour la dernière fois de sa vie, d’accomplir un acte généreux et pitoyable : un acte divin.
A l’entrée d’une ruelle, juste un peu plus loin, il vit tout à coup la silhouette boitillante et légèrement tordue de son amie perdue - la chatte, oui, Nitchevo !
Il se tint absolument tranquille et laissa son amie s’approcher, ce qu’elle fit avec la plus grande difficulté. Leurs regards étaient comme des cordes qui les rapprochaient lentement, malgrè la résistance de leurs corps. Elle était gravement blessée. Elle pouvait à peine remuer. Et cependant elle approchait, dans une lente consumation d’elle-même. Et pendant tout ce temps, elle gardait les yeux fixés sur lui. Ses yeux d’ambre le regardaient avec leur dignité habituelle, avec cette dévotion absolue, comme si elle le retrouvait après une absence de cinq minutes et non pas après ces journées et ces journées de faim, de malheur et de froid.
Lucio se baissa et prit sa chatte dans les bras. Il chercha pourquoi elle boitait et vit qu’elle avait une jambe écrasée - certainement depuis plusieurs jours déjà. La plaie s’était infectée et avait virée au noir. Elle dégageait une horrible odeur. Dans ses bras, son corps n’était plus qu’un petit fagot d’os et le ronronnement qu’elle essayait de faire pour le saluer était moins qu’un bruit perceptible.
Comment cela avait-il pu arriver ? Nitchevo ne pouvait pas le lui dire - et lui non plus n’aurait pu raconter à sa chatte ce qui lui était arrivé. Il ne pouvait pas lui décrire le contremaître qui grognait dans son dos, la calme arrogance des docteurs, ni la logeuse, sale et blonde, qui se satisfaisait d’un homme après l’autre. Le silence et les caresses parlaient pour eux deux.
Lucio savait que la chatte ne vivrait plus longtemps. Elle le savait aussi. Ses yeux aussi étaient fatigués : cette petite flamme vivante, lumière de la vie, commençait à vaciller, emportant le secret héroïque de la survivance. La petite flamme s’éteignait. Ses yeux se remplissaient de tous les secrets et tristesses qui sont les seules réponses aux questions incessantes du monde. La solitude surtout, la faim, l’inquiétude, la douleur. Il y avait tout cela dans ses yeux.  Ils n’en pouvaient plus. Ils voulaient se fermer sur le monde, ne plus rien voir.
Il la porta, en descendant le long de la petite rue pavée, vers la rivière. Rien de plus facile. Toute la ville menait à la rivière. L’air été devenu noir, et la lumière du soleil ne se reflétait plus sur la neige. Le vent envoyait les nuages de fumée sur les toits, comme des moutons sans défense. L’air était glacial, obscurci de fumée noire. Le vent hurlait, comme une corde de métal tendue à l’extrême.
Tout au bord de la rivière, sur la jetée, un camion gronda, chargé de lingots de métal : c’était le fer, sorti des forges de l’usine, qui disparaissait dans la nuit, alors que la terre détournait ce côté de son visage, et tendait doucement l’autre à la gifle brûlante du soleil.
Lucio parlait à la chatte, au bord de la rivière qui glissait devant eux.
- Bientôt, murmura-t-il. Bientôt, bientôt, très bientôt.
Elle ne se débattit qu’un court instant : dans un moment de doute, elle lui griffa l’épaule et le bras. Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonnée ? Puis l’extase passa, elle retrouva la foi. Ils disparurent l’un et l’autre dans la rivière, loin de la ville, comme la fumée que le vent emporte loin des cheminées.
...

Le camarade Tennessee Williams m’appert comme la brique idéale qu’il faut placer entre un Jack London et un Oscar Wilde ou entre un Dostoïevski et un Malcolm Lowry, si tu vois (sinon, dépêche-toi de te renseigner, malheureux !).

Un explorateur du désir, de la vie et de la mort. Un saltimbanque des sentiments, quoi.
Rappelle-toi que je l'ai senti passé ! 
Impossible de sortir indemne d'un bouquin pareil !






Ah qu’on a tous en nous quelque chose de tennessee...

samedi 19 juillet 2014

Du temps de cerveau disponible, Causse&Urien

Alors là, ami (Gui)2, tu m’as sciée !

- Tiens, S(Biiip), j’ai un truc à te faire lire…
Et l’ami Guigui me colle ce bouquin dans les pognes… pas moyen de se défiler, chuis prise aux pattes !
Pour l’historique, sache juste que ce très jeune homme déboula frais émoulu d’une école d’ingénieure, il y a… fichtre, tant que ça ? ! et qu’outre mal les conjuguer dès lors qu’il affrontait les deux auxiliaires, souventes fois il les confondait ! Ça donnait des courriels qui lui valurent maints sarcasmes de la tribu des “vieux”. Et cependant il a progressé, sous nos yeux, il est resté un “ingénieur émérite”, certes, et un irremplaçable camarade, bien sûr, mais il a poussé le bouchon jusqu’à présenter des courriels pratiquement convenables, et finir par m’avoir à la surprenante :
- Tiens, S(Biiip), j’ai un truc à te faire lire…

‘tain, (Gui)2, d’où sors-tu cet OVNI ?

Bien sûr, c’est trop court, façon novella, moins de cent pages, mais c’est ébouriffant ! C’est exactement ça ! Nos amis Causse&Urien tiennent là un canevas extraordinaire ; déconnez pas, faut nous pondre un cinq cents pages, minimum, à votre manière. Très, très bonne SF (Social-Fiction), on frôle le Georges Orwell de 1984 avec votre petite merveille, et quelques chapitres n’eussent point déparés dans un tome de William Gibson. Vous dire comme je vous trouve bons, chers Manu et Emmanuelle, toulousains qui plus zoutre !
Aussi, (Gui)2 et moi mettons-nous un genou à terre devant vous, ôh, émules de Tschaï, et ployons respectueusement le cou devant vos seigneuries toutes emmanuellées… putain con.
Nous en voulons plus, tout simplement.
C’était excellent ! Sans dec, y a des trucs à faire avec ce concept de temps-cervelle. Vous êtes sur la voie, surtout ne vous arrêtez pas !

Je vais laisser nonobstant planer le mystère ; tu sais déjà, farang-juilletiste, que je ne déflore jamais une belle histoire, ch’uis pas celle que tu penses, j’ai mes pudeurs.

Merci à mes amis Guigui, Emmanue-zé-Manu, merci à la toulousitude, en somme.




Je vous demande juste d’être vacants...

Chroniques de La Montagne (1962-1971), Alexandre Vialatte

Tome 2 des Chroniques de La Montagne.
Le film des années soixante par le petit bout de la lorgnette.
Et rappelle-toi que la lorgnette de Vialatte est kaléidoscopique et dotée d’un doubleur de foclale Barlow x2 !
Tu parles si l’ami Desproges avait raison d’encenser cézigue ! Je comprends maintenant d'où lui venait ce goût du décalé pittoresque, cette façon d’injecter du poulpisme, du porte-manteaurisme ou du trop raide escaliérisme dans des femmes en proie à la mollitude.

Une régalade absolue !
Je sais des Padres Hugo et des Frères Patriçounet qui vont se disputer la préséance de ces Chroniques ; obligé, l’ami Alexandre a trempé sa plume dans le miel et le citron… et ce n’est jamais cynique ; comment fait-il ?
C’est magique, cet animal voit le mal partout, tiens, voila ce qu’il pense de la réforme de l’ortrografe : (p 349, chronique 623 du 16 mars 1965)

[…] L’homme rêve de s’occuper de choses réconfortantes.
Parmi ses rêves les plus réconfortants, il y a celui de simplifier l’orthographe. Il lui vient sur les bancs de l’école au moment du pluriel des noms à trait d’union, et certains le gardent toute leur vie. Même après le service militaire. Je sais des gens sérieux, barbus, quinquagénaires, qui prennent de la tisane après le repas du soir, et qui voient rouge à l’idée d’écrire choux avec un x au lieu d’un s, ou de mettre deux m à comment. Une réforme est en cours, qui va les satisfaire. On aura le droit d’écrire téatre exactement comme ça se prononce, et aussi : “ Coment alez-vous ?” L’ennuyeux, c’est qu’on ne saura pas quand ce droit aura le droit de s’exercer car on conservera l’orthographe compliquée pour le vocabulaire scientifique et technique : on écrira “la thermodynamique” tout à fait comme auparavant ; et le cinématographe s’écrira de deux façons suivant qu’il sera considéré comme un divertissement de famille, un vulgaire article du SMIG ou un progrès de la science et de l’industrie. Le veau deviendra un “vau”, peut-être même un “vo”, mais son cuisseau sera toujours un cuisseau, bien distinct du cuissot de chevreuil.
Ces simplifications vont donner bien du mal. Mais ne soyons pas pessimistes. Il n’y aura qu’à apprendre deux orthographes pour une, de même que, pour suivre la messe, qui se disait autrefois dans un latin barbare où personne ne comprenait goutte, il n’y a plus aujourd’hui qu’à apprendre le basque, l’alsacien et le bas-breton. Nous sommes au siècle de la vitesse. Quand on veut compter les moutons, on dénombre les pattes et on divise par quatre. Tout se simplifie scientifiquement.
Je ne saurais donc trop conseiller de se mettre dès maintenant à l’étude compliquée de l’orthographe qu’on a simplifiée…

Tu le vois, Monsieur tricote sur l’air du temps… un délice, mille et une pages de bonheur dans la célèbre et incontournable “Bouquins” de Bob Laffont. (Merci Bob !)

Bon, maintenant place au tome 1 (1952-1961)... Ouais, je sais, je les ai pris dans l’ordre d'atterrissage et le tome Deux est arrivé avant le Un, ‘tain ! Ce n’est cependant pas bien grave, je suis désormais en vacances, mille pages ne risquent plus de me prendre une semaine, si je zappe la séquence “tapisserie et réfection du plafond de la chambre”, je le becquetterai en deux jours, dans le hamac, tranquille, et dans moins d’une quinzaine les deux tomes seront ouvert à la compétition. Je vois trois gros clients : Patriçounet, Hugo et Michou. Le problème étant que ces grosses feignasses mettent au moins un mois pour lire des bouquins de ce calibre. Ah les cons ! Y vont se les disputer ! Quel pestacle ça va être !

Alexandre Vialatte, je ne suis pas prête de t’oublier, c’était giganteste et magique !
Je t’aime, bien sûre, laisse-moi esterminer deux-trois trucs de la PAL et je suis de nouveau à toi..

Pst : Ok, Desproges à surement pompé son Vialatte, mais avoue, c'eût été peut-être moins plaisant s'il avait transpiré sur du Guy Des Cars, non ?



Soeur Anne, je me demande si vous ne voyez rien venir ?...

J’étais un chef de gang, Lamence Madzou

Le gars Lamence sévissait dans la banlieue sud de Paname dans les années 80-90 et rappelle-toi qu’il n’avait pas le scrupule républicain ce jeune monsieur. Plutôt spécialisé dans l’ethno-racisme et la crapulerie. Blacks contre blacks, Fight Boys contre Zoulou ; ces cons ont carrément reconstitué des tribus : tu parles d’un progrès ! 
Ceci dit, Lamençounet était un gros malin, il a eu vite fait de devenir le mâle alpha de son club et… Hi-ha : à lui la belle vie, les nike, les Lacoste, les bastons à Châtelet, Gare du Nord ou Gare de Lyon, le racket, les Audi avec chauffeur, la dope et les gonzesses. Pfiuouuu… La grosse régalade, hein ?

La notoriété présente cependant un défaut de taille si tu n’es pas officiellement référencé comme citoyen francaoui… Quand notre bon Lamence s’est fait pécho par la poulaille, il s’est retrouvé vit’fait avec les bracelets aux pognes et le cul calé dans un Airbus pour le Congo, et aucun missile russe sol-air n’a croisé sa trajectoire : il a eu la chance d’enfin connaître Brazzaville. Bon, je te laisse (re-)découvrir par toi-même l'ambiance qui régnait au Congo au milieu des années 90. Finita la dolce vita, rencontre avec le dur, l’aléatoire, la guerre, la vraie !

Il a évidemment constaté le changement de paradigme…En enfer on n’a plus les mêmes priorités, je te l’affirme ; très vite convaincu qu’il était plus francaoui que congolais !
Deux ou trois ans plus tard, retour inespéré vers la patrie des Charles (Trénet, De Gaulle, etc.) ;  Oh, douce France...
Depuis lors, l’ami Lamence est devenu un gentil travailleur social, qui gagne sa croûte comme toi et moi et qui compte le nombre de jours où il faut aller au charbon avant les vacances. Peut-être est-il heureux ?

Je subodore nonobstant que les mecs qui ont ce genre de parcours restent assez rares ; tous n’auront pas la capacité de se sauver. Nos ergastules modernes sont pleines de ces couillons totalement paumés.
Hé, les gars, vous êtes simplement baisés, et je me branle de la couleur de votre peau, de vos codes ethniques ou de votre religion ; vous n’avez juste rien compris… lisez au moins ce bouquin, ça vous donnera peut-être des idées…

Bravo et courage à l’ami Lamence dans son nouveau parcours.


Vivier de l'académie




Ziva, nike la franse...

mardi 15 juillet 2014

Mémoires Particuliers de Mme Roland

Ah ! Manon (soupir énamouré…), l’incontournable Mme Roland, l’égérie des Girondins. Impossible de ne pas te croiser dès lors qu’on tournicote autour de la révolution.

Pour la version courte, farang-trop-pressé, qu’il te suffise de savoir que Manon Roland est née Jeanne Marie Phlipon en 1754 et qu’elle montera à l'échafaud le 8 novembre 1793.
Mais comme je n’ai pas le temps d’être bref (©Vialatte), il te faudra bien souffrir quelque chose de plus consistant :

Pouf, pouf...

Petite fille surdouée, elle tombe immédiatement en bigoterie (le seul univers intellectuel à sa portée étant la religion). Très tôt férue de Bossuet, abreuvée de la vie des Saints et de tous les testaments de la création, elle mène une vie et des études quasi jansénistes. Elle va cependant se sauver en faisant ses humanités au travers des Plutarque, Rousseau, Voltaire, etc. qu’elle lit de son propre chef. Un peu plus tard, jeune fille blonde à forte poitrine, son succès est immédiat auprès de la gent masculine qu’elle fuit pourtant, traumatisée par sa première vision du loup. Brèfe, elle épousera le fameux et sinistre M. Roland de la Plâtrière, de vingt ans son aîné, et mènera une vie dévolue au service du grand homme (contributeur à l’Encyclopédie) jusqu’en 1790 ou le couple, après avoir laborieusement musardé entre Amiens et Lyon, va infailliblement succomber à l’appel de la Révolution et viendra se fixer à Paname. Le falot M. Roland deviendra Ministre de l’intérieur jusqu’aux massacres de 92 (les septembriseurs) tandis que la blondinette Manon tiendra salon et jettera de l’huile sur le feu des passions qui agitent nombre de jeunes gens de la première Assemblée ; Brissot, Pétion, Robespierre, Buzot, etc. L’incontournable club de Mme Roland, donc. Bien sûr, elle va tomber follement amoureuse de Buzot, c’est en filigrane dans ses mémoires, et pour finir sera lourdement punie d’avoir joué aux apprentis sorciers avec ses bédits gamarades. Le peuple n’est pas souvent ce qu’on voudrait qu’il soit, il n’a en général pas lu Plutarque et les Montagnards de ces temps là étaient de rudes gaillards sponsorisés par les massicoteuses Bic !

TSCHAC !

Je te l’ai déjà dit, cette Manon m’a envoûté… Ah ! Que n’ai-je été un Buzot ou un Roland ; je ne me serai pas enfui, moi ! Je serai monté à l'échafaud avec ma Manon, ‘tain !
Car oui, vraiment, je suis tombé sous la coupe de cette donzelle ; je n’ai pas peur de le dire, j’aime Manon Roland. Je l’aime d’un amour… heu... bon, ok, je l’aime moins que Mona Ozouf, d’accord, mais je peux bien avoir un béguin de temps à autre, non ?

Très singuliers ces Mémoires Particuliers, un voyage dans l’Histoire, par dessus le temps.

Merci, chère Manon.



Ma'am' Roland





Avant toutes choses, je vous demande de lire votre Plutarque...