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lundi 22 juin 2015

Le désenchantement du monde, Marcel Gauchet

De toute éternité, ou, du moins, depuis qu'il fait société, l’homme a été religieux ; pour Marcel Gauchet c’est anthropomorphique, nous sommes avant tout des Homo religiosus.
For de ce constat, la logique voudrait qu’après avoir passé des centaines de milliers d’années à s'accroupir devant les dieux de la lune, du soleil, du feu, des arbres, des orages, etc., on ait trouvé des religions plus “savantes” et abouties dans les monothéismes. Ben, on se goure si on pense cela, car c’est l’inverse qui se produit ; les monothéismes sont une sorte de dégradation de la puissance du surnaturel ; le dernier stade de la déréliction religieuse étant le christianisme car il est «la religion de la sortie de la religion».
Ce n’est donc pas une des dernières surcouche sophistiquée qui amènerait à toujours plus de religion, c’est au contraire, par le biais de JC (Jean-Claude), dieu accessible qui s’incarna en homme (grossière erreur !), le moyen endogène de s’extraire du fait religieux ; le basculement de l’hétéronomie vers l’autonomie ; autrement dit, le passage d’une situation où les dieux gouvernaient par rapport à une genèse et un récit fondateur issu du passé, à un monde ou l’homme prend son destin en main et se projette vers l’avenir ; nous nous émancipons de la transcendance religieuse.

Souviens-toi qu’en gros, la religion nous formate selon quatre principes : la tradition, la domination, la hiérarchie et l’incorporation.
Bien, mais ça veut dire quoi ?
Ça dit juste que l’individu lambda défère à la fable d’un passé fondateur par le biais d’une hiérachie et s’agrège à la société pour le bénéfice d’icelle. Simple et efficace... depuis la nuit des temps.
Le truc de l’ami Marcello c’est de démontrer que tout ce bel édifice hecto-millénaire va se casser la gueule avec le surgissement du jeanclaudisme, il y a deux mille quinze ans.
Note que tout le bintz avait déjà commencé à vaciller vers 800 avant J.C., de la Perse à la Chine, de l’Inde à la Grèce et à la Palestine ; c’est la période axiale de l’histoire universelle ; le moment où les hommes finissent par s’approprier le récit de leurs origines et où ça commence à merder gravos pour les Dieux.
Comme je ne suis pas un chien, je te rapporte ici le coeur de la démonstration :

Écart de l’ici-bas et de l’au-delà, subjectivation du principe divin, universalisation de la perspective de vie : ce sont les résultantes fondamentales de la subversion religieuse, logée dans l’intimité même de l’articulation collective, qui percent et cristallisent au sein du discours social lors de la surrection spirituelle de l’époque axiale.
Etc.

Pfiouuu… 400 pages de ce calibre, ‘tain de Dieu, mais tu l’auras enfin compris, le monde des humains s’est désenchanté dans le sens que lui donne Max Weber ; il perd sa magie.
D’après Marcel Gauchet c’est inéluctable et déjà mondialisé...

La thèse est osée aux vues de la folie qui gribouille nos J.T. quotidiens, et j’ai bien peur que la tabula rasa universelle que promet «notre» très jeune laïcité n’est pas pour tout de suite pour tout le monde, mais peut-être ne s'agit-il que de sanglants durcissements circonstanciels, des sortes de crispations ou de soubresauts de quelque chose (Dieu ?) qui se sent mourir et qui ne le veut pas.

Pour ma part, je vois dans ce livre monumental une proposition de salut qui ne passerait pas par l’apocalypse de Saint-Jean ; une sotériologie laïcarde, disons.
Je te l’accorde cependant, mon curé, ton imam et son rabin ne vont pas goûter cette impitoyable mise au pilon de tous les enchantements qui les subjuguent.

Une dernière précision nonobstant, il s’agit d’un texte exigeant, il ne se laisse pas dominer comm’ça, hein ? Il faut consulter moultes autres sources pour bien tout comprendre, tout capter, ou du moins, en perdre le moins possible ; ouais, mon cadet, le propos est complexe et sophistiqué, des notions minimales sur les travaux de Max Weber, de K. Jaspers, Louis Dumont ou Lévi-Strauss sont les bienvenues pour rendre ce désenchantement du monde jubilatoire, sans dec !

Quoi qu’il en soit, Marcello et moi sommes ravis de t’annoncer que ça y est, les Dieux sont morts... 
Vive les Femmes !



Longinus grattant le Chritzme






Aïe, Putain de Dieu, Longinus, je t’ai demandé de me gratter pas de me piquer...

mardi 16 juin 2015

Les Frères Karamazov, Fédor Dostoïevski

On sait tous que si à cinquante balais t’as pas lu Dostoïevski, t’as raté ta vie... tu peux te jeter à Garonne, ça fera chier personne !

Tu parles si j’étais tranquille quand la Grande me demanda de lui passer “Les Frères Karamazov”…
Cherche, cherche, cherche, dans les mètres linéaires de la bibli… 
Nib ! 
Nada ! 
Pas de Frères Machinazov à l’horizon, ‘tain ! 
Là, un doute me saisit, je n’aurais jamais lu les Frères Karamazov ?  J’ai heureusement retrouvé les énormes «Crimes et châtiments» du grand homme, et, vue la couche de poussière, ils attendaient que quelqu’un les rouvrent depuis vingt piges, minimum. Je lui ai immédiatement proposé de commencer par «Crimes et Châtiments», tu penses bien, mais ce n’était pas ça qu’elle voulait, la gueuse ! Elle n’en démordait pas, c’était “Les Frères Karamazov” ou elle ne répondait plus de rien quant à l’utilisation intempérée de ma carte bleu. Hélas, et je le sais depuis longtemps déjà, je vis sous la botte d’une clique d’Hittler femelles, et ça n’a pas coupé, ma pusillanimité, tant parentale qu'existentielle ou plus trivialement ontologique, si tu préfères, m’a immédiatement commandé la conduite à tenir. Ni une, ni deux, j’ai affuré cette énorme chose par le biais d’une entreprise, peu recommandable tant éthiquement que fiscalement, je te l’accorde, mais qui a le soin d’être efficace, et à la suite de quoi je me suis tapé la semaine en mode “slave paléo-soviétique”... et sans respirer !

Pfiouuuu…

Je confirme que ce bouquin est giganteste, phénoménal… the polar absolu !
Ouais, on ne t’avait peut-être pas prévenu, farang désenchanté-du-monde, mais tu auras ici à te confronter à une véritable Hercule-Poirotade de premier ordre : lequel des trois (ou quatre) frères Karamazov a tué et volé le vieux ?
Ok, j’ai rapidement réussi à me convaincre (à peine quelques centaines de pages) que Dmitri était un coupable trop idéal et que ce n’était peut être pas lui, malgré les apparences, qui avait fumé le dabe ; les deux (ou trois) autres frérots peuvent être candidats ; mais peut-être me trompé-je ? …
T’inquiète, je te laisse découvrir le fin mot de ce mystère par toi-même, il faudra juste que tu persévères jusqu’à la page 717 pour avoir le nom du véritable coupable… ah, ha, ah… et encore tu seras loin du dénouement car la tension culminera au moment du procès, qui s’étale de la page 757 à la page 868 !

Quoi qu’il en soit, il s’agit bien là d’une formidable peinture de “l’intime” slave des années 1880, d’une fresque sur les hommes et la profondeur de leurs turpitudes existentielles, qui laisse lentement apparaître la puissance des courants, tant moraux, religieux que philosophiques, qui traversent et modèlent en profondeur ces gens et cette société. 
Immersion totale dans les maladies mentales - et des avanies qui en découlent - de la famille Karamazov...

Bien sûr, et avant d’en terminer, il faut remercier les acteurs principaux de ce polar-monde.

Le père :
Fédor Pavlovitch Karamazov

Les fils :
Dmitri Fèdorovitch (Mitia),
Ivan Fèdorovitch,
Alexis Fèdorovitch (Aliocha),

Pavel Smerdiakov.

Les autres :
Le vieux Grigori Vassilievitch,
Catherine Ivanovna,
Agrafena Alexandrovna Svietlova (Grouchenka),
Le Staretz Zossima,
Le petit Ilioucha,
Etc.

Un des plus beaux «classique» qui me soit passé entre les pognes.
À lire lentement pour ne rien en perdre, mais à lire absolument !


Eviva España...



Brochette à la Karamazov...

jeudi 11 juin 2015

Qui a tué Arlozoroff ? Tobie Nathan

Connais-tu Tobie Nathan, farang-pantecôtiste ?
Non ?
Pourquoi ne suis-je qu’à moitié étonné ?

L’ami Tobie est un extraordinaire homo-sapiens qui a déjà eu le temps de devenir psychologue, ethnopsychiatre, écrivain, conférencier, und so weiter… Un pur intellectuel qui s’est retroussé les manches ; il est par exemple excellent dans cette conférence de l’Université de Nantes : Est-il possible de rendre l’autre amoureux  ? (c’est un peu long, mais c’est piégeant car le bonhomme et son sujet sont passionnants).  

En l'occurrence il a revêtu sa casaque d’historien pour nous embarquer dans cet incroyable galop ou s’entre-mêlent les lieux et les années ; Jaffa-Tel-Aviv, la nuit du 16 juin 1933 ; Tel-Aviv années 2000 ; Jérusalem, le 15 juin 1933 ; Berlin 1933 ; New York 1927, etc., et tout cela sur fond de troisième Reich, de Palestine et d’immigration juive.

Tobie Nathan nous invite à bord de l’enquête d’un journaliste français des années 2000 (2010 ?) qui se rend à Jérusalem pour tenter de comprendre pourquoi un vieux juif pédé et un peu loufoque, Monco, vient de se faire dessouder à l’ambassade de France.
Très vite, et en tirant sur le petit bout de ficelle qui dépasse, il se retrouvera embringué dans le tourbillon de la vie d’Arlozoroff et de Magda Goebbels.
Et tout prend une putain d’allure quand tu comprends que les personnages dont il est question ici ont fait l’Histoire ; Arlozoroff, juif allemand très à gauche et sioniste, s’est vraiment démené comme un diable pour qu’un jour il existe un État juif en Palestine ; la belle Magda, la salope nazie, a réellement été son amante avant de devenir l’égérie du Führer et de toute sa clique de psychopathes ; il est tout aussi probable que ce ne soit pas l’aile droite des sionistes qui fit abattre Arlozoroff et que Abraham Stavsky eut bon dos… mais chut, tout cela est ficelé façon polar, faut pas se poiler
Cela étant, nul homme informé ne peut plus ignorer que les nazis décidèrent de manger leurs semblables et qu’ils s'attablèrent avec grand appétit et sans vergognes aux banquets cannibales des temps modernes.


Accessoirement, je me demande ce que serait maintenant Israël si Arlozoroff avait vécu, si ce gauchiste allemand avait réussi à faire vivre sereinement juifs et arabes sur le même territoire… J’ai quand même un doute, il était déjà bien trop tard dans les années 30 pour que toute cette histoire finisse moins mal que prévue.  


Quoi qu’il en soit, bravo et merci à l’ami Tobie Nathan, pour ce voyage historique aux pays des monstres.


Magdalena





Je vous demande de ne pas vous y fier...

dimanche 7 juin 2015

Le premier roi du monde, L’épopée de Gilgamesh, Jacques Cassabois

Au début, j’étais un peu septique... dans quel état allaient me parvenir les douze tablettes d’argile retraçant l’épopée de Gilgamesh ? Et oui, le plus vieux livre du monde, le premier, du moins, qui nous soit parvenu du fond des âges… ‘tain, tu te rends compte ? 

On parle là du « Le Premier Livre » ! Ça force le respect, non ? 

Donc, je flippais un peu, rapport aux stagiaires qu'embauche la poste en ce beau mois de juin ; il y en a quelques uns qui n’ont indubitablement pas la fibre malle-postière ; y te bourrent ça en vrac dans la B.A.L., quand ils ne te balancent pas le pacsif chéri à même le gazon, à la merci des intempéries et des pissats de chats !

Bon, je m’étais fait du mouron pour rien et c’est encore la magique palabre de Jean-Claude Ameisen qui m’en avait trop laissé accroire ; en fait, le bouquin était normal : papier, colle et encre, pas en argile… Il a donc correctement boite-à-lettré sans dégâts particuliers. Ouf !

La première épopée jamais écrite fut celle-ci, celle de Gilgamesh, «La quête de la vie sans fin » (passe cette heure avec JiCé : frissons garantis).
C’était il y a 4600 ans, dans l’antique cité-état d’Ourouk, plus de 1500 ans après la fondation de la civilisation mésopotamienne, entre le Tigre et L’Euphrate.

Au début le Gilgamesh est un vrai casse couilles, toutes les exactions qui sont l’apanage des puissants et des demi-dieux lui sont permises, il ravage sa cité et ses gens, bref, il tyrannise son peuple.
Les Dieux vont décider de le calmer : ils créent Enkidou, une sorte de golem qui sera son rival. Ce qu’ils n’avaient pas prévu, ces connards pathétiques, et en cela ils sont bien aussi cancres que les Dieux actuels, c’est que Gilgamesh et Enkidou deviendraient potes comme cochons ! Ch’ais même pas s’ils n'étaient pas un peu pédés, ces deux zigues.
Cela dit, il s’agit d’un véritable progrès pour le lumpenprolétariat d’Ourouk car les deux burnes se mettent en tête d’accomplir une partie des douze travaux d’Hercule bien avant l’heure, lachant ainsi les basques du peuple.
C’est donc le temps des défis et des quêtes impossibles, genre : niquer sa race à l’australopithèque Houmbaba et détruire la forêt de cèdres sur laquelle il règne, puis abrailler d’horribles façons le Taureau Céleste qu’avait envoyé la Déesse Ishtar, etc.
Moultes siècles plus tard, les grecs désignerons cette maladie sous le terme d’hubris.
Enttention, farang-babylonien, l’hubris est considéré comme une insulte aux Dieux, tout ce bordel et cette rébellion ne peuvent plus durer, et pour punir Gilgamesh les Dieux font mourir Enkidou.
Tu le comprendras, le Gilgamesh va l’avoir à la caille, l’est pas content le semi-dieu, devient comme fou et se jette à corps perdu dans la recherche de la vie éternelle. Il sait que les Dieux l’accordèrent à Outa-napishti, l’ancien roi de la ville de Shouroupak ; un homme qui déjà sauva la création d’un primo-déluge datant peut-être de l’holocène et qui vit maintenant, et pour l’éternité, aux commencements du monde, ‘tain !
Il va courir, grimper, arpenter sans cesse ni répits pendant des lunes, il affrontera les loups, les coyotes et les méduses, puis les Hommes-scorpions aux Monts-Jumeaux, franchira la douloureuse passe “des cent mille pensées”, traversera la mer sur le bac d’Our-Shanabi, et parviendra au pays d’Outa-napishti. Hélas, l’éternité n’est pas pour lui, et le mieux qu’il ramènera sera une herbe de “longue vie”, qu’il se fera voler au dernier moment par un perfide serpent… pleure ! pleure ! pleure !...

Un récit des origines, une épopée épique qui mobilisera toutes les ardeurs de Gilgamesh, et, au bout du bout, confirmera qu’il ne faut rien attendre des Dieux ; si éternité il doit y avoir, c’est nous qui l’inventerons, tout seul.
Tu veux que je te dise, je suis maintenant sûr que si le premier livre qu’écrivirent jamais les humains nous interpelle déjà sur la vie éternelle, alors le dernier livre des hommes sera écrit par ceux qui auront vaincu la mort...
Transcendance en approche sélective.


Bravo et merci aux anciens qui inventèrent l’écriture et surtout, la façon de la faire voyager à travers le temps par le truchement des livres.

(Et si tu possèdes une once de curiosité par rapport à une version moins déconnante de l'épopée de Gilgamesh, vas voir ...)





Et l’Homme créa Dieu...

jeudi 4 juin 2015

Georges Courteline

Théâtre, Contes, Romans et Nouvelles, Philosophie, Écrits divers et Fragments retrouvés.

Rien que çà ! Je subodore qu’il n’a pas dû en échapper lerche du Courteline dans ce pavetard de l’indispensable collection Bouquins de Robert Laffont - affuré d’occas pour 10 sacs. Tu vois, nous les farangis-impécuniensis, on peut passer une semaine de mille pages très cool pour le prix d’un paquet de clopes. Quel autre média peut-il offrir de telles traversées ?

L’ami George nous plonge dans un tourbillon de personnages et de situations croquignolesques : les cocus magnifiques et pathétiques à la Feydeau, les femmes dignes du piloris tant elles sont enfourbies de la malignité que leur confère une société encore dotée de réflexes archaïques, les turpitudes kafkaïennes de la toute puissance administrative, qui, soit dit en passant, sont toujours parfaitement actuelles avec le magnifique Absolument dé-bor-dée ! de la très contemporaine et très courageuse Aurélie Boullet - je suis sûr que Courteline aurait apprécié la faute d’orthographe patronymique à “boullet” -, et, bien sûr, nous n'échappons pas aux gaietés surréalistes de la vie militaire alors que Jules Grevy était Président de la IIIe ; rappelons-nous qu’à l’époque, si tu tirais le mauvais numéro, t’en prenais pour cinq piges des «Gaietés de l’Escadron»…

Bref, cette compilation de Courteline est un délire de cruautés au deuxième degré appliqué d’une plume de maître à la connerie humaine.
Ça se lit extrêmement vite, son théâtre se joue en un acte, ses contes sont météoriques, sa philosophie a la fulgurance des aphorismes et tu ralentiras à peine dans les romans ; même pour un lecteur un peu rossard et procrastinateur comme toi, ça peut s’envisager sur un mois, pas plus.

Et comme je t’aime bien, farang-post-structuraliste, je veux bien faire l’effort de te refourguer quelques pépites philosophiques dont tu trouveras l’intégralité à partir de la page 800 :

L’homme est un être délicieux ; c’est le roi des animaux. On le dit bouché et féroce, c’est de l’exagération. Il ne montre de férocité qu’aux gens hors d’états de se défendre, et il n’est point de question si obscure qu’elle lui demeure impénétrable : la simple menace d’un coup de pied au derrière ou d’un coup de poing en pleine figure, et il comprend à l’instant même.


La tendance qu’éprouve l’homme à trouver spirituel un propos bêtement méchant, pour peu, seulement, qu’il mette en cause une personne de connaissance, n’est pas un des moindres indices de son excellent naturel.


La vraie pudeur est de cacher ce qui n’est pas beau à faire voir.


Le médecin exerce sur moi une double action dont je ne suis pas maître : il m’effraie et ne me rassure pas. S’il me dit : « Vous avez telle maladie », je le crois ; s’il me dit : « Je vous guérirai », je ne le crois plus.


On ne s’en lasserait pas.

Bravo et merci à l’ami George pour cette kolossal régalade ; demain sur mon bureau pour les amateurs.







- Jusqu’à la gauche ! hurla le capitaine Marjalet.

lundi 1 juin 2015

Le polygone étoilé, Kateb Yacine

Très dur à cataloguer le bouquin de l’ami Yacine.

Je n’ai pas fait d’études littéraires assez sophistiquées pour appréhender tout ce que sous-tend un texte aussi complexe et échevelé, mais je suis sûr que André Breton y aurait retrouvé sa couvée ! C’est presque de l’écriture automatique, il y a cette appétence maladive à sauter du coq à l'âne d’une ligne à l’autre… ça file le tournis !
Une écriture horripilée, éclatée ; des fragments curieusement réassemblés de vieux mythes algériens sis entre pré et post colonisation, à la croisée de l’oral et de l’écrit.

Très déstabilisé mézigue, j’ai failli renoncer... mais heureusement, c’est bourré de «fulgurances» poétiques et très souvent on déboule en plein dialogues de théâtre, comm’ça, au détour d’une page. 
J’ai alors repris ma respiration, serré les miches en comptant jusqu’à عشرة et j’ai plongé dans la folie douloureuse des aventures d'un éternel expatrié.

J’ai suivi Lakhda et ses camarades dans leur départ furtif vers Marseille… La France.
Nouvelles misères sous d’autres cieux, nouvelles errances d’une ville l’autre, d’un chantier l’autre. La mémoire qui fluctue jusque dans les noms, un chaos d’identités déchirées, nulle part chez elles, ni en Algérie, ni en France, ni ailleurs.

L’histoire d’un déraciné professionnel, à la recherche de Nedjma, l’amante archétypale d’un roman précédent énigmatiquement évoquée dans le long et merveilleux poème de la fin (p 169-176).

Un livre qui déchire ça race et qui ne se lira pas avec les yeux mais avec les trippes : hélas pas à la porté d’âmes simples qui ont besoin de récits cubiques et bien bordés.

Tu es frappé au sceau des poètes maudits, ami Kateb Yacine.


Kateb Yacine




...
-Veux-tu que je t’enseigne la grammaire ou la poésie ?
- La poésie.
...
(p 175)