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samedi 31 mai 2014

L’École des femmes, Molière

Quel bonheur à chaque fois de retrouver l’ami Jean-Baptiste Poquelin.

Bon, tout le monde connaît le thème de l’École des femmes ; il s’agit de l’éternelle affaire de la fesse infidèle, de l’impitoyable téléonomie du concept de “reproduction” qui transforme nombre de maris en cocus.
En l'occurrence le bourgeois Arnolphe s’est réservé pour ses vieux jours un jeune tendron dans la personne d’Agnès qu’il garde soigneusement séquestrée, pure et naïve, sous la surveillance d’un couple de vilains (Alain et Georgette).
Bien sûr arrivera ce qui devait arriver et le jeune Horace aura raison de tous les subterfuges du vieux pédophile égoiste et soupçonneux...
Une pièce non pas tant sur le fait d’être cocu que sur la peur de le devenir (trompettophobie). Une maladie, que dis-je, une pandémie  heureusement non létale…

Une lecture jubilatoire à chaque fois ; un tel plaisir que je vais t’en rappeler quelques bribes par bonté d’âme.
Acte II, scène V.
L’alerte a été chaude, le proto-cocu, Arnolphe, interroge sa belle promise Agnès pour savoir s’il les porte ou pas ; sa tompettophobie est alors à son paroxisme.

Arnolphe
Outre tous ces discours, toutes ces gentillesses,
Ne vous faisait-il point quelques caresses ?

Agnès
Oh tant ! Il me prenait et les mains et les bras,
Et de me les baiser il n’était jamais las.

Arnolphe
Ne vous a-t-il point pris, Agnès, quelque autre chose?
(la voyant interdite.)
Ouf !

Agnès
Hé ! il m’a…

Arnolphe
Quoi ?

Agnès
Pris…

Arnolphe
Euh !

Agnès
Le…

Arnolphe
Plaît-il ?

Agnès
Je n’ose,
Et vous vous fâcherez peut-être contre moi.

Arnolphe
Non.

Agnès
Si fait.

Arnolphe
Mon Dieu, non !

Agnès
Jurez donc votre foi.

Arnolphe
Ma foi, soit.

Agnès
Il m’a pris… Vous serez en colère.

Arnolphe
Non.

Agnès
Si.

Arnolphe
Non, non, non, non. Diantre, que de mystère !
Qu’est-ce qu’il vous a pris ?

Agnès
Il…

Arnolphe (à part.)
Je souffre en damné.

Agnès
Il m’a pris le ruban que vous m’aviez donné.
A vous dire le vrai, je n’ai pu m’en défendre.

Arnolphe (reprenant haleine.)
Passe pour le ruban. Mais je voulais apprendre
S’il ne vous a rien fait que vous baiser les bras.

Agnès
Comment ? est-ce qu’on fait d’autres choses ?

Arnolphe
Non pas.
Mais pour guérir du mal qu’il dit qui le possède,
N’a-t-il point exigé de vous d’autre remède ?

Agnès
Non. Vous pouvez juger, s’il en eût demandé,
Que pour le secourir j’aurais tout accordé.
...


On choppe immédiatement la banane, non ?
Écoute-moi bien, i-farang, de loin en loin, lire une pièce de Molière, c’est comme une gorgée de Perrier-rondelle bien glace (que le verre y transpire), quand t’as la soiffe du diable…

L’ami Jean-Baptiste est toujours ultra-moderne, et le restera tant que les hommes et les femmes gigoterons des fesses dans cette vallée de larmes, et, c’est ainsi qu’Allah est grand et que Jean-Baptiste Poquelin est son prophète.
Amen.



Nono, Dédé, Horace et Agnès
surpris par Arnolphe.





Mfffff'ky…Harrr-harg’my... glluubsss-band !
(Sky... my... husband !)

vendredi 30 mai 2014

L’identité malheureuse, Alain Finkielkraut

Je t’avais averti, farang-nihiliste, il faut boire l’ami Finkie jusqu’au bout.
Après l'admirable “La défaite de la pensée” que nous relûmes il y a quinze jours pour nous mettre en jambes, voici donc l’ouvrage de toutes les polémiques de l’an deux mil treize du royaume de France, le sceau infâme flétrissant à jamais la chair scélérate de l’horrible néo-réactionnaire qu’est Alain Finkielkraut… bref, la meute hurle d’indignation, il s’agit de clouer Cassandre au pilori, si j’ai bien suivi.

Bien, à nous deux !
PLOUF

Première impression : l’eau est bonne, je suis toujours dans l’univers que j’aime et la similarité de certaines démonstrations, à trente piges d’écart, est frappante. En fait, j’ai rechaussé mon bon vieux Finkie comme de vieilles pantoufles confortables et je salue encore une fois cette vigie pointilleuse de notre démocratie, ce zélote de la laïcité, cet observateur de la lente agonie de l’école républicaine. Cependant, cette fois-ci on sent bien que le ton est plus inquiet, qu’il veut nous amener plus loin, que la barre est plus haute. Tout y passe et tout est bon pour ce contempteur de la déconstruction post-moderniste ; la famille, l’Europe, les femmes, la galanterie, les cailleras de banlieue, l’immigration, le romantisme, la sociologie, etc.
Tous les illustres anciens sont convoquer pour étayer sa thèse, d’Aristote à Renan, de Voltaire à Annah Arendt en passant par Kant et Pascal. Tout lui fait ventre pour démontrer de façon éloquente la démission de notre société en général et de l’éducation nationale en particulier face à la nécessité de consentir à une identité nationale “commune”.

En outre on apprendra avec stupéfaction que nous avons perdu notre aidos (pudeur, civilité, égard, modestie…) et que nous souffrons d’oikophobie (détestation de la maison natale). Ce bougre nous pousse dans nos derniers retranchements de pseudo-bobos quant aux conséquences de la disparition de cette fameuse identité nationale, voire européenne :
Le temps est venu pour l’Europe de n’être ni juive, ni grecque, ni romaine, ni moderne, ni rien. “Il n’y a pas d’être européen (Julien Benda 1933).
...

Finkie c’est aussi un style inimitable : Globalement considérés, ses bouquins sont toujours une démonstration qui fonctionne à partir d’un substrat scolastique étayé par des allers-retours entre thèse et antithèse sur le mode du dialogue :
Barrès contre les Lumières, Roger Caillois contredit Lévi-Strauss, Annah Arendt versus Alain Badiou, etc.

En bon pédagogue, il en revient toujours aux sources et juxtapose les points de vues divergents pour nous fabriquer une rhétorique violemment anti-posthumaniste, il rouleau-compresse la sociologie de Bourdieu & Co. ; il casse la gueule au politiquement correct, disons.
Un livre à la fois nostalgique et exalté qui pique aux entournures ; on en prend tous pour notre grade, personnellement (et à l'instar de Thierry Pech, je suppose) j'ai très mal encaissé les pages 124 et 125. Bref, il met un coup de pied dans la fourmilière des raisonnements obvies que nous ressassons à longueur de temps et, que l’on soit d’accord ou pas avec lui, force est de constater qu’une réflexion sur l’identité, qu'elle soit nationale ou ce que l'on voudra, ne doit pas obligatoirement être l'apanage des cuistres, des imbéciles ou des fascistes.


Un livre à lire absolument avant de la ramener connement et de hurler avec les loups.


Finkie n’est pas mon ami, c’est pour cela que je sais que Finkie reste mon ami.


Caillera du 2 - 2





Ziva, Finky, fé pa ta tepu... 6non on va niké ta rasss !

lundi 26 mai 2014

La France d’Alphonse Boudard, Pierre Gillieth

Sa France à Boudarluche, c’est celle qu’il a vécue et qu’il a écrite dans ses bouquins. Son oeuvre étant quasiment autobiographique, c’est donc une tranche d’histoire, un beau morceau du XXe qu’on visite, style et jactance en plus ; toute une époque en noir et blanc...

Une autre époque, cependant, car il ne faut pas être dupe non plus, l’ami Boudard, mépriserait la majorité des gens qui l’aime maintenant. Cézig nous prendrait pour des gros nazes, des caves à deux tunes, de tristes turbinards de chez Panhard & Levassor, des fiotasses qui savent mêm’ plus comment faut causer à une gagneuse pour qu’elle aboule la fraîche sans barguigner, ‘tain ; des gros branleurs, quoi !

Mais tout cela n’est pas bien grave car qu’on aime ou pas l’univers Boudard, force est de constater que l’artiste possède une plume magique et ce livre en offre un dernier survol.

Et pour en finir avec Monsieur Alphonse, j’espère que Pierre Gillieth et Père Hugo ne penseront pas que je pousse l'outrecuidance un peu loin en translittérant ici "le questionnaire de Proust d’Alphonse".


Quel est, pour vous, le comble de la misère ?
Être pauvre et vieux.

Où aimeriez-vous vivre ?
N’importe où.

Votre idéal de bonheur terrestre ?
Je n’ai pas d’idéal.

Pour quelles fautes avez-vous le plus d’indulgence ?
Les miennes.

Quels sont les héros de roman que vous préférez ?
Filochard, Riboudingue et Croquignol.

Quel est votre personnage historique favori ?
Armand Fallières.

Vos héroïnes favorites dans la vie réelle ?
La Grosse Mimi, la Grande Catherine et la Petite Loulou.

Vos héroïnes dans la fiction ?
Bécassine, la Mère Michel et le Grand Meaulnes.

Votre peintre favori ?
Adolf Hitler.

Votre musicien favori ?
Louis-Ferdinand Céline.

Votre qualité préférée chez l’homme ?
La discrétion.

Votre qualité préférée chez la femme ?
Réponse passible des articles 282, 285, 287, 289, 290, 59 et 60 du Code Pénal.

Votre vertu préférée ?
La paresse.

Votre occupation préférée ?
Ne rien faire.

Qui auriez-vous aimé être ?
Louis XV dans le Parc aux Cerfs.

Le principal trait de votre caractère ?
Mauvais.

Ce que vous appréciez le plus chez vos amis ?
Qu’il me fassent marrer.

Votre principal défaut ?
La Littérature.

Votre rêve de bonheur ?
Tenir un clandé.

Quel serait votre plus grand malheur ?
Aller voter.

Ce que vous voudriez être ?
Sans relations avec le percepteur.

La couleur que vous préférez ?
Le gros rouge et le petit blanc.

La fleur que vous aimez ?
La fleur de l’âge.

L’oiseau que vous préférez ?
Le chat.

Vos auteurs favoris en prose ?
Léo Hamon et le général Gamelin.

Vos poètes préférés ?
Landru, le docteur Petiot et Déroulède.

Vos héros dans la vie réelle ?
Les miens sont fatigués.

Vos héroïnes dans l’histoires ?
Marie Besnard, Brigitte Bardot et la Madelon.

Vos noms favoris ?
Bébert, Tatave, Gégène et Popol.

Ce que vous détestez par-dessus tout ?
Le poireau dans la soupe.

Caractères historiques que vous méprisez le plus ?
Une certaine idée de la France, etc.

Le fait militaire que vous admirez le plus ?
La drôle de guerre.

La réforme que vous admirez le plus ?
La n°2. Celle de mon livret militaire…

Le don de la nature que vous voudriez avoir ?
De me transformer en courant d’air au moment adéquat.

Comment aimeriez-vous mourir ?
De plaisir.

État présent de votre esprit ?
Disponible.

Votre devise ?
Pas vu pas pris.



Ah, putain de dieu, Boudard, tu vas me manquer !


© Boudarluche






Salut les potes...

samedi 24 mai 2014

La maladie de l’islam, Abdelwahab Meddeb

Ami Abdelwahab, je te connais, ou, du moins je ne te découvre pas avec cet essai ; tu fais parti des rares dont j’entends la voix quand je les lis. Ouais, figure-toi qu’il m’est très désagréable de te rater, le vendredi sur France Cul, quand les contingences s’en mêlent.
Au passage, farang-sottement-évangéliste, je te recommande fortement de glisser une oreille dans cette merveilleuse : Cultures d’islam… mais j’en reviens à ce livre écrit dans l'urgence après le désastre du 11 septembre 2001 :

Abdelwahab identifie parfaitement la maladie dont souffre l’islam ; elle est séculaire et devenue endémique, elle possède sa propre dynamique mortifère ; depuis Ibn Hanbal (780-855), en passant par Ibn Taymiyya (1263-1328), pour en arriver à Mohammed ‘Abd al-Wahhâb (1703-1792) on réalise, par le truchement de cette vision historique, la catastrophe que fut la lente plongée vers le wahhabisme et tous ses avatars (dont l’intégrisme dans l'acception qu’on lui prête ici et maintenant), nous assistons à l’extinction programmée des lumières de l’islam qui cèdent à la culture du ressentiment et de la haine ; haine de la poésie, du corps, du beau, de la femme, de l'autre et finalement de soi… la frustration érigée en système de valeurs politiques et religieuses. 

Un témoignage lucide sur ce désastre qu’est la faillite de la pensée, quand les mâles Alpha sont des malades mentaux et qu’ils prennent les manettes de nos pensées et de l'Histoire. Ils auraient pu réussir à conjurer leurs démons, nos frères en islam, rayonner sur le vaste monde, s’ouvrir ; ça doit être terrible à accepter cette obscurité actuelle, ce tropisme du repli.

Abdelwahab est un savant parfaitement bi-culturé, il nous entraîne dans une dialectique inter-civilisationnelle, un va-et-vient entre Kant et Ibn Taymiyya, entre Frédéric II et al-Kâmil, entre Ibn al-Muqaffa' et Voltaire ou Tocqueville ; un grand écart entre "orient" et "occident" ou, plus précisément, entre chrétienté et islam ; quelle agilité, quelle prise de perspective, quelle analyse, c'est étourdissant !

Et, bien qu’étant un constat amer sur la "défaite" de l’islam, ce livre est un objet nécessaire ; la pensée de Abdelwahab Meddeb devient une balise culturelle, son érudition force l’admiration.
Le discours est argumenté, clair, intelligent, pétillant et on comprend que l’islam du XXIe est en panne de nouveaux Avicenne ou Averroes !
...
Il a manqué à l'islam un Dante qui se serait éveillé à l'audace de la pensée pour accompagner par son oeuvre écrite le fait politique tel qu'il s'est manifesté dans la réalité de l'histoire. Je rêve de ce génie que l'islam n'a pas suscité : il aurait présenté un pôle d'opposition à Ibn Taymiyya. (p 111)
...
En appelant au retour à leur propre tradition, les agitateurs semi-lettrés oublient que l'échec démocratique à pour cause l'atavisme despotique qui est au fondement de la tradition qu'ils invoquent. (p 112)
...

Heureusement qu’il existe encore des Malek Chebel et des Abdelwahab Meddeb  pour nous interpeller sur le fait que la culture islamique peut exister différemment, qu’elle a déjà été un phare de la sagesse et de la poésie à la mesure de l’homme et qu’il serait temps d’en ressusciter les feux… qui sait ? Toutes les étoiles du ciel de l'islam ne peuvent s'éteindre par la volonté d'une poignée de crétins maniaques, regarde la Tunisie actuelle ; peut-être le foyer de tous les espoirs ? ou peut être pas...


Encore une fois merci, ami Abdelwahab, pour cet essais totalement maîtrisé, d’une logique imparable, d’une plume savante, fine et dure comme une lame d’acier de Damas ; un réel plaisir d’apprendre et de comprendre cette savante leçon… une enquête formidable sur la puissance et la misère de ces millions de frères.


Qasim Amin (1865-1908)





Tahrîr al-Mar’a (la libération de la femme)...

jeudi 22 mai 2014

La peur, Gabriel Chevallier

Pfiouuu, mon cadet ! Ce livre !

On est dans la veine d’un “Croix de bois” de Roland Dorgelès ou d’un “Orage d’acier” d’Ernst Jünger, mais ici, point de héros, simplement le suivi au jour le jour d’un poilu de 14-18 (Jean Dartemont), ici,  juste les insignifiants, les chiffres, le petit peuple des tranchées passé au hachoir pendant cinq ans, par millions…
Une litanie de toponymes connus de tous : Chemin des Dames, Cerny, Ailles, Craonne, des noms terribles…
Et, tout au long de ces pages de misère, de poudre et de tripes mélangées, la peur, ignoble et omniprésente.  

Je ne connais pas d’effet moral comparable à celui que provoque le bombardement dans le fond d’un abri. La sécurité s’y paie d’un ébranlement, d’une usure des nerfs qui sont terribles. Je ne connais rien de plus déprimant que ce martelage sourd qui vous traque sous terre, qui vous tient enfoui dans une galerie puante qui peut devenir votre tombe. Il faut, pour remonter à la surface, un effort dont la volonté devient incapable si l’on n’a pas surmonté cette appréhension dès le début. Il faut lutter contre la peur aux premiers symptômes, sinon elle vous envoûte, on est perdu, entraîné dans une débâcle que l'imagination précipite avec ses inventions effrayantes. Les centres nerveux, une fois détraqués, commandent à contretemps et trahiraient même l’instinct de conservation par leurs décisions absurdes. Le comble de l’horreur, qui ajoute à cette dépression, c’est que la peur laisse à l’homme la faculté de se juger. Il se voit au dernier degré de l’ignominie et ne peut se relever, se justifier à ses propres yeux.
J’en suis là…

Le corps geint, bave et se souille de honte. La pensée s’humilie, implore les puissances cruelles, les forces démoniaques. Le cerveau hagard tinte faiblement. Nous sommes des vers qui se tordent pour échapper à la bêche.
Toutes les déchéances sont consommées, acceptées. Être homme est le comble de l’horreur.

Une dernière petite phrase d’une lucidité obscène :


Je vais te dresser le bilan de la guerre : cinquante grands hommes dans les manuels d’histoire, des millions de morts dont il ne sera plus question, et mille millionnaires qui feront la loi.
...


Pourquoi ce texte m’émeut-il ?
Parce que j’ai l’âge d’avoir bien connu un des rescapés de cette boucherie infernale ;  Soldat Etienne R. (nous on l’appelait pépé Alix), classe 99 (1899), ça veut simplement dire qu’il avait vingt ans en 1899 et qu’en 1914 il était bon comm’ la romaine pour se taper toutes les festivités en première ligne… cinq ans, et il a survécu le bonhomme ! Il a survécu à cette horreur et il a ensuite raconté… et rappelle-toi que c’était poignant, penzidémesque : je me souviens de la sainte horreur qu’il avait, encore cinquante ans après, à voir un uniforme… il maudissait tous ceux qui en portaient, y compris les débonnaires gendarmes planqués dans un petit bled francaoui des années soixante, te dire la défiance qu’il conservait… te dire sa haine des képis !

Gabriel Chevallier a lui aussi dû être un pépé formidable, après…



Kuillaume zwei






Nach Paris !




Antigone, Jean Anouilh

Tu te souviendras, farang-freudien, que Sophocle (495-406 A.V. J-C) journaliste au Courrier de Thèbes, a déjà écrit que c’est “tuyau de poêle” & compagnie dans la famille Labdacides.
Il aimait beaucoup trop sa maman le petit Oedipe, et il n’aimait pas assez son papa. Après avoir maladroitement éliminé ce dernier(Laïos), ce petit con a sauté sur la première (Jocaste), et lui a collé quatre mômes. Deux filles, Antigone et Ismène, et deux lascars, Étéocle et Polynice. Non, un truc à ruiner une réputation ! Sans compter que ces deux petits merdeux d’Étéocle et Polynice vont s’entre-étriper pour la possession du canapé de la téloch dès que le dabe se barre chez l’ophtalmo (à tatons, ce maladroit s'étant crevé les yeux avec une fourchette à barbecue ) ; faites des gosses, tiens !

Bien sûr, on sait tous ce qu’il advint : les deux cailleras se bastonnent à mort et c’est Créon, le tonton, qui rafle la mise ; c’est maintenant lui qui se goinfre de pizza devant les matchs de foot, bien pépère dans les pantoufles de son beauf (‘tain ! c’est pas compliqué, cézig Créon c’était le frère de Jocaste, sois à c’qu’on te dit, merde !)... brèfe, la guéguerre finie, on pensait s’la couler douce, et non, dis-donc ! Un problème inattendu va surgir, ouais, c’est la grève des pompes funèbres et la mignonne petite Antigone l’a drôlement à la caille qu’on laisse le cadavre de son frérot se dessécher au soleil, à la merci des vautours, des hyènes et des méduses.
C’est là qu’il faut se souvenir qu’il s’agit d’une tragédie, et quelle tragédie... car malgré les prévenantes admonestations de tonton Créon, cette chipie s’obstine à vouloir légalement (religieusement) inhumer sa charogne de frangin… elle est la proie de cette idée fixe et son appétence au malheur obligera tonton Créon à la sacrifier alors qu’elle aurait pu faire un beau mariage avec Hémon, le fils du grand manitou… que de la Haute, du vieux Paris, le sénario idéal pour une major amerloque... mais là, non, la gourgandine va s’obstiner, tout sacrifier à ces dieux, tout gâcher, obliger son petit monde à aller au bout de sa logique. Ça s’appelle simplement merder dans les grandes longueurs… ou l’élégante absurdité du sentiment religieux ; c'est presque romantique.
Sans compter qu’à la fin, Hémon, se suicidera avec elle et qu’Eurydice, sa mère (la gagneuse de Créon) se tranchera la gorge… quel pastis, un véritable gâchis cette histoire !


Cette Antigone à la sauce du Chef Anouilh est vraiment succulente, c’est pur bonheur à déguster, sache-le. 


Créon
...
 Que te rappelles-tu de tes frères, d'abord ? Deux compagnons de jeux qui te méprisaient sans doute, qui te cassaient tes poupées, se chuchotant éternellement des mystères à l'oreille l'un de l'autre pour te faire enrager ?

Antigone
C'étaient des grands...

Créon

Après, tu as dû les admirer avec leurs premières cigarettes, leurs premiers pantalons longs ; et puis ils ont commencé à sortir le soir, à sentir l'homme, et ils ne t'ont plus regardée du tout.

Antigone
J'étais une fille...  


C'est simplement délicieux.





Famille Tuyau de poêle :
Je voudrais, heu… le père ?... le fils ?…