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lundi 31 décembre 2012

Rifteurs, Peter Watts

(Suite du  Starfish de novembre.)

Éventuel lecteur, là, il va falloir t’accrocher au joystick !
Ouais, ouais, je te vois arriver : 
- Pas de problème, j’aime la SF, j’ai lu tout mon Asimov et tout mon Bradbury, ceci-celà... chuis blindé... envoie le bois !
- Innocent, te répondrais-je, tu aimes la SF ? Ce n’est pas suffisant pour goûter la substance Wattsienne. Et de loin !
La Hard-SF des années 2010, la voilà ! Et ça ne se laisse pas faire, ça gigote, faut batailler, faut insister, faut wikipédier, sinon tu passeras à côté de l'essentiel, tu vas survoler... et te faire chier. Ce mec est goûteux dans les interstices, chais pas trop bien es quoi il est docteur le Peter, mais c’est minimum biologie&cervelle. Totalement synchrone avec ce qu’on entend chez Jean-Claude Ameisen le samedi matin et les articles les plus pointus du www..pourlascience.fr.

Sans faire ma bêcheuse, disons que le front d’onde quantique (en effondrement permanent) qui représente  le nombre de lecteurs homo sapiens sapiens capables de bander pour ce genre de SF ne dépasse pas quatre-cinq sur l’échelle des lecteurs que je côtoie régulièrement.
Tu ne me crois pas ?
Ok, voici la description qu’il fait d’un mini-holocauste dans une guerre des temps futurs ; c’est terriblement précis, élégant, et parfaitement monstrueux quand on réalise que ce sont des gens qui brûlent.
(Je te laisse deviner quel mot j’ai dû wikipédier et surtout quelle acception j’en ai gardé.)
...
La zone avait déjà été isolée. Il ne servait plus à rien de paniquer, les sages réflexes de fuite ne pouvaient plus rien donner. L’alerte n’avait été donnée que depuis quelques secondes et tout était déjà presque consommé.
Traversant les nuages, un bégaiement de laser turquoise précis descendit tracer une transversale de dix kilomètres. De minuscules aliquotes de sable et de chair se carbonisèrent à son contact. Des gouttelettes dans l’air saturé interceptèrent les rayons en transit qu’ils rendirent visibles aux yeux humains ; des fils d’argon si brillants et si beaux que vous risquiez une cécité subite et complète en les regardant. Rapides, de surcroît ; le spectacle de lumière prit fin avant même les premiers cris de douleur.
Le principe était simple : tout brûle. En fait, tout brûle avec un spectre spécifique, subtiles interactions de bore, de sodium et de carbone luisant sur leurs longueurs d’onde particulières, harmonie lumineuse unique à chacun des objets enflammés. En théorie, même la combustion de vrais jumeaux donnerait deux spectres distincts, du moment qu’ils n’avaient pas eu de leur vivant les mêmes préférences alimentaires.
L’opération en cours n’avait bien entendu nul besoin d’une résolution aussi fine.
Prenez cette parcelle de terrain stratégique. Est-ce un territoire ennemi ? Tracez une ligne à travers, mais en vous assurant qu’elle s’étend en zone sûre d’un côté comme de l’autre. Bien. Maintenant, échantillonnez tout du long. Transformez la matière en énergie. Lisez les flammes. Les extrémités de votre ligne sont les bases, les zones de vérités : leur lumière est celle d’un sol amical. Soustrayez ces longueurs d’ondes à ce que vous lisez au milieu. Appliquez à vos chiffres les stratégies habituelles pour prendre en compte les hétérogénéités dans l’environnement local.


Une vraie recette de cuisine, non ?




Souriez, vous allez être flashés...

samedi 29 décembre 2012

Voltaire, Ecraser l’infâme (t. 16)

Yes !

La voila l’âme de la révolution... les racines du mal, le coup de pied au cul.
Rapelle-toi, farangous-tignous, que les curetons, les nantis et les monarques  n’ont pas eu beau spiele sous la plume de François-Marie Arouet.
La rébellion par la rhétorique.

Il a dû en faire chier du beau monde avec ces pièces, ses essais, ses pamphlets. Le caillou dans la godasse des infâmes.
Ceci dit, il a souvent payé le prix de son esprit et de son ironie, il avait sa cellote réservée à la Bastille cézig et quand il y échappait, c’était l’exil.

Bon, je vais la faire courte : il faut que tu lises cet épisode, au moins pour retrouver brièvement Candide&Pangloss (non, ils ne vendent pas de fringues et n’organisent aucun fashion show rue François 1er, connard ! ).

De fait, je viens de dépoussiérer ses “Lettres philosophiques” pour les insérer dans les Ave de mon chapelet de lecture... Je te conseille de faire de même.

Merci à Jean-Baptiste Borel pour ce seizième tome des Rebelles, c’est celui que je préfère, et c’est la faute à qui, hum ?...




Je vous rappelle que Voltaire n’est pas seul, il a un associé...

Certaines n’avaient jamais vu la mer, Julie Otsuka

Oh, que c’était bien !
Oh, que c’était étrange et poignant !
Merci les filles (J&F) pour cette petite merveille, pour cet éclairage soudain sur la vie de ces femmes japonaises (années 20-30 ?) qui traversèrent l’océan pour aller se marier avec des compatriotes inconnus déjà émigrés aux Etats-Unis.
L’histoire impressionnante de ces filles est servie par un style incomparable. Oncques ne lut jamais pareil usage du nous, putain-con ! C’est la voix du groupe, toutes se retrouvent incarnées dans cette itération systématique du nous, dans cette multiplicité complice.
Sans dec’, c’est quasi magique, la structure du récit en est bouleversée... tous les je et tous les elle sont transformés en  rafales de nous !
C’est très particulier, très réussi, presque révolutionnaire.

Nous en sommes encore toutes bouleversées !

Cette Julie, là, elle est extra.

Vraiment, Asayo, Yasuko, Masayo, Masamichi, Hanako, Matsuko, Toshiko, Shiki, Mitsuyo, Nobuye, Tora, Futaye, Atsuko, Miyoshi, Satsuyo, Tsugino, Kiyono, Setsuko, Chiye, Misuzu, Suteko, Shizue, Katsuno, Fumiko, Misuyo, Chiyoko, Iyo, Kimiko, Haruko, Takako, Misayo, Roku, Matsuyo, Sumiko, Chiyuno, Ayumi, Nagako, sont toutes mes amies.

Merci pour ce gisement d’Humanité.


J. Otsuka

私はこの本を読むように頼む ...

mercredi 26 décembre 2012

Le Corbillard de Jules, Alphonse Boudarpince

Troisième épisode des vacances de la vie.

Phonphonse réussit à éviter le pire à la fin de Bleubite. Exit Gaspard et le pitaine Herlier. Zont rendu leur extrait de naissance ces deux vaches, ces nuisibles !
Non, là cézig il escorte le cercueil de son pote Jules (éviscéré à la surprenante par une mine teutonne) dans une traversée improbable de la France en plein désoccupation. Périple assez surréaliste à travers la campagne livrée aux purges vengeresses et au marché noir débridé.
Là on en croise de la crapule made-in-libération, du revirement de toque instantané, de la vocation soudaine au maquisara épurateur.
L’occas pour notre marlou parisien de quitter les F.F.P de Fabien. L’en a class de la dialectouille Stalinienne notre titi du faubourg, de la résurrection de Thorez ou des phrasibuleries à la Duclos.

Le verbe toujours putassier mais la philo de la vie en contrepoint, à chaque page... un pur délice à consommer au moindre couvre-feu.

Comm' d’hab, cette petite perle :
(pour la situasse, il s’agit de son instructeur qui tante une approche inattendue...)

- Je ne te dérange pas, camarade ?
Lui aussi, il s’y est mis au tutoyage, au camarade. Pourtant, moi, je ne suis pas inscrit au Parti, je ne devrais pas y avoir droit. Mais il suppose, pour le moins, sympathisant puisque je suis dans une unité F.F.P... presque acquis, néophyte... que je vais, à ma démobilisation, courir pour m’inscrire aux bonnes adresses du P.C., prendre ma carte. Je suis encore bien pomme, encore bleubite, je le vois pas venir sur le vrai terrain...  J’envisage pas qu’il voudrait bien, en définitive, me sucer la poire, se pelotonner dans mes draps, m’offrir son trou de balle à égoïner. Je le trouve simplement collant, ce zèbre, trop loukoum, trop suave. Je n’imagine pas, à ce moment-là, qu’un communiste comme lui, fiévreux, débordant de prosélytisme, puisse en même temps en refiler à pleine jaquette. Je suis farci d’idées toutes construites, reçues, incontrôlées. On passe une vie entière à se débarrasser des clichetons, des icônes, de tous les grigris. On avance qu’en débroussaillant, en se déplumant peu à peu... hélas, au propre comme au figuré.

...


Elkabbach ! Je vous demande de vous taire...

lundi 24 décembre 2012

Bleubite, Alphonse Boudarluche

Ch’t'ai déjà affranchi, mon Boudard je l’affure par le fourgue de la bande à Michou l’Élégant, Hugolpince qu’on l’surblaze. Mais on a déjà causé de cette clique de maquisards bolcheviks. L’est un peu chiftir en bodure Hugolpince, il attire à lui les vieilleries délicieuses, et, en bon camarade, il fait tourner.   

Deuxième opus de la série “Les vacances de la vie”. Il suit “Les Combattants du petit bonheur”.

Peu après l’occup et ses précédentes tribulations maquisardes, le gentil margoulin Phonphonse se jette sur les talons des nazis sous le brassard des F.F.I. pour commencer sa croisade vengeresse. Et vu le pedigree des deux ruffians qui le drive, ça tourne vite vinaigre. Il y a Gaspard, un psychopathe évadé de zonzon et le capitaine Herlier, un ancien de la Gestapo judicieusement recyclé dans l’héroïsme maquisard de fin 44.
De margoules en crapuleries, le trio va tenter de rejoindre les troupes du Colonel Fabien qui ferraillent à l’Est. Toutes ces péripéties picaresques finiront sur la Nationale 3, Gravelotte-Metz où effectivement, c’est bien tombé !

Deux petites doses de pur Bourdarluche pour la route :
(ici, portraiturage de la bite à Gaspard)

- Fumez bandes de tantes ! C’est du belge !
Volte-face biroute en pogne. Il dirige son jet vers le Dodge... Il lissebroque haut... dru... glorieux... puissant !
- Et vive ma gaule ! Je vous encule tous !
Voila... Net et sans bavure... La stupeur passée, les G.I.’s se fendent de plus belle. Ils l’acclament... Bravo ! Hip ! Hip ! Hip ! Hourrah !... Eféfay ! Hourra Eféfay ! Calmement, il range sa chopotte, se reboutonne. Il peut l’exhiber, je reconnais... il est monté, l’adjudant Gaspard, impossible de ne pas tomber dans l’expression toute faite... comme un véritable bourricot !
[...] En érection ça doit effaroucher plus d’une gonzesse et pas que les fillettes pucelles... les mères de famille aussi, je suis sûr... jusqu’aux putes, il nous le dira par la suite... Certaines le remboursent dès qu’il leur présente son objet. Ça surprend un braquemart pareil sur ce mec plutôt petit, malingre, rabougri. Son blaze, d’ailleurs, lui va quart de poil. En argot, je précise pour les lecteurs tout à fait caves, les demoiselles snobs du Ranelagh, les provinciaux, les séminaristes... un gaspard c’est un rat.

(et là, le motif de son engagement dans les F.F.I.)
...
Jeunot, tout vous est prétexte pour déconner à pleines marmites. La cause est entendue, n’importe laquelle... toc ! c’est la bonne ! Dans mon quartier... le XIIIe, c’était avant-guerre plutôt l’ambiance en casquette... Commune de Paris... L’Internationale et les meetings antifascistes. Les permanences Doriot-Déat n’avaient pas eu gros succès... non plus la légion contre le bolchevisme. L’idée me serait pas venue d’aller tâter l’aventure en uniforme vert-de-gris sur les bords de la Volga. Le Maréchal grand-papa gâteux, je le trouvais pas non plus très bandant... j’aimais pas son genre voilà tout. Peut-être court comme explication... n’allant pas très loin, ni profond... j’admets. Rétrospectif je devais me creuser à la Camus... vous baver des majuscules... ça me poserait parmi les élites. Je loupe l’occase délibéré. A dix-huit piges on s’engage beaucoup plus facile qu’à quarante, voila tout.


N’empêche, même à la déconne, Phonphonse est plus qu’un écrivain de première bourre, c’est aussi un phisolophe,  et tant mieux si son style te troue le cul, farangus-fascistus.





Je vous demande de collaborer...

dimanche 23 décembre 2012

Georges Bernanos, Face aux imposteurs (t. 15)

En découvrant ce nouvel épisode des Rebelles, ma première réaction a été : - Bon, Jean-No, tu veux ma mort ?

Je la trouve de plus en plus singulière cette série des Rebelles.
Bernanos ! Putain ! Ça calme.

Georges ? Je me suis appuyé Le journal d’un curé de campagne, il y a un an ou deux.
Pourquoi ?
Je voulais savoir si c’était aussi chiant et vilain que ce que j’en avais entendu médire.
Ben, non, justement, je m’étais trouvé de vagues affinités avec ce curé ivrogne, avec cette campagnerie labourée de sillons noirs et glaiseux, avec cette France profonde étouffée de religion, avec cette opiniâtreté dans le péché. Pis c’était drôlement bien écrit, Nonos a l’amour des phrases bien faites, une sorte de “ligne claire” dans la dialectique roupanière ; faut toujours respecter l’adversaire quand il est bon...

Alors non, je ne suis pas tant surpris que cela d’avoir aimé ce quinzième opus des Rebelles.

On y rencontre le bonhomme Georges ; naïf, boy-scout, encuraillé jusqu’aux yeux, mais d’une sincérité désarmante, désintéressée et poignante... C’est un putain de vrai chrétien ! Un de ces enragés qui n’obéissent à aucune chapelle, prêts à renverser l’autel pour coller aux basques du petit Jésus, de l’honneur et de la France Éternelle.
Qui plus outre, Nonos est un véritable poilu, l’a pas barguigné en 14-18, l’a offert sa poitrine en première ligne pour sa patrie chérie, pour la France.
Rebelle, oui, mais rebelle à son camp, rebelle aux crapuleries bourgeoises et Vichystes.
Rebelle et lucide, son discours tient la route. Voila comment il juge le clergé espagnol en 1938 :

L’Espagne de Franco ne se bâtit pas dans la lumière de Dieu. Elle se consume sous le soleil de Satan, au feu de la plus abjecte imposture.


Bien sûr que tu avais raison Jean-No, c’est un magnifique rebelle que tu nous a présenté ici, un insupportable catho comme je les aime, purs et injustes.



Georges, je suis ton père...

samedi 22 décembre 2012

Le jeune Staline, Simon Sebag Montefiore

Tu vois, farangvik-menchevik, je m’en était douté, ce premier tome sur Staline est une véritable merveille. Ça se lit avec le même plaisir que Le Comte de Monte-Cristo de Dumas.
Plus de sept cents pages totalement captivantes qui fourmillent de détails sur la jeunesse du sanguinaire Pancho Villa Georgien :
Iossif Vissarionovitch Djougachvili, dit “Sosso”, ou encore “Koba”, et bien sûr, “Joseph Staline”.

Dans ce volume on couvre la période qui va de sa naissance (1879) à son accession au pouvoir (1917).Mais déjà, le parcours est à la mesure du futur, Il aura tout fait avant de devenir le monstrueux Tsar Rouge que tout le monde connaît.

Poète, intellectuel (autodidacte, c’est un lecteur insatiable), séminariste, agitateur, révolutionnaire, détrousseur, bandit de grand chemin, pirate de haute mer, journaliste marxiste-léniniste, chef de gang, séducteur impénitent, géniteur inconséquent, déporté, évadé... Ce mec est un tourbillon sans aucune moralité. Mais quelle énergie !
La plume, la bite et le Mauser, au service du marxisme, de la vanité, de la violence et de la paranoïa.

Forcement, et on le sait, tout ça va très mal se terminer... pour des dizaines de millions d'autres.

Ok, je ne peux pas m’arrêter en 1920, il me faut la suite.







Souriez, vous allez être fusillés...

mardi 18 décembre 2012

Lénine, Hélène Carrère d’Encausse

Pffouuu...
Pourquoi est-ce que je m’inflige des trucs comm’ çà, hum ?

Je n’ai jamais eu d’illusions sur Lénine, ou alors pendant six mois quand j’avais treize ans, quand une pionne de cinquième a tenté d'initier les jeunes puceaux que nous étions au marxisme-léninisme, entre un Edgard Poe et un LedZep. Perso, j’ai préféré Trotski entre Boris Vian et Zapa, mais c'était plus tard, j’avais au moins quinze ans ; j’étais quasi-émancipé, j’avais une mobylette...

Bien sûr, on savait (plus ou moins) que c’était un monstre, un sanguinaire, ce Lénine, mais j’avais mal capté l'ampleur de l'escroquerie. Le mortifère satrape Staline m’avait éclipsé l'impitoyable théoricien Lénine.
Tout lui a fait ventre, sauf la démocratie, ça y peut pas, c'est pour les faibles, ça lui file des aigreurs. En 1917, il donne le ton quand il s'assoit sur le vote des russes et pulvérise l'Assemblée constituante, kidnappant la révolution :
… en période révolutionnaire, la “volonté de la majorité” ne compte pas ; “ce qui importe, c’est une minorité mieux organisée, plus consciente, mieux armée, qui sait imposer sa volonté à la majorité, et vaincre”.

Tout est dit, et à chaque fois qu’un groupe se donne les moyens d’appliquer ce “théorème”, tu te retrouves avec une jolie dictature bien saignante sur les moignons.

C'est un acrobate ce mec, il rebondira sur toutes les doctrines qui l’arrangeront ; la Commune de Paris, Marx, Engels, Jaurès, et il développera surtout un appétit pathologique pour le pouvoir.
Un fou furieux, mais pas que. Un esprit retord, une volonté de fer, une fourberie incommensurable ;  entre 1917 et 1924  il forge un appareil d’Etat qui se révélera être une parfaite machine à broyer des humains !

Ah, oui, farang bolchevique, t’en apprendras des choses avec cette excellente bio de la belle Hélène, cinq cents lourdes pages passionnantes qui m'ont vraiment convaincu qu'il faut en savoir plus. 
Moi, c'est l'autre qui m'intéresse maintenant, le petit père des peuples, le voyou magnifique, le Staline... 
Celui-là, il me tarde d’approfondir son cursus de mafieux paranoïaque.




Je vous demande de le croire, vous n'avez encore rien vu...

samedi 15 décembre 2012

La révolution Romantique (t. 14)


Mouais, c’est pas le mieux de la série.

Pour moi, un vrai romantique, il est forcément allemand... c’est comme les arbitres internationaux, faut qu’ils soient anglais, sinon c’est que des ch’tio merdaillons en culottes courtes ; allez vous rhabiller, jeune homme !

Et puis, Chateaubriand en Rebelle, même romantique, ça m’a un peu gonflé.

Il y a cependant quelques beaux morceaux de bravoures alexandriniques:
 


Vous me demanderez si je suis catholique.
Oui ; - j’aime fort aussi les dieux Lath et Nésu.
Tartak et Pimpocau me semblent sans réplique ;
Que dites-vous encor de Parabavastu ?
J’aime Bidi, - Khoda me paraît un bon sire ;
Et quant à Kichatan, je n’ai rien à lui dire.
C’est un bon petit dieu que le dieu Michapous.
Mais je hais les cagots, les robins et les cuistres,
Qu’ils servent Pimpocau, Mahomet ou Vishnou.
Vous pouvez de ma part répondre à leurs ministres
Que je ne sais comment je vais je ne sais où.


Alfred de Musset, La Coupe et les lèvres, “Dédicace”, 1832





Je vous demande de ne pas recommencer...

vendredi 14 décembre 2012

Karoo, Steve Tesich

Alors là... Comment dire ? … Je… Arghhh !

[ légère digression me donnant de l'air ]

Hum, hum...

On commence à le savoir maintenant, hein, fidèle farang, je suis excessif dans mes commentaires ; y a pas grand chose que je n’aime pas, tout ce qui est écrit me fait ventre. Une sorte de curiosité pathologique, d’avidité malsaine : dès qu’un “livre” traverse mon horizon événementiel, faut que je le possède, que je m’en gorge et, depuis peu, que j’en fournisse un distillat souvent trop exalté dans ma chère 4269 de la Carène. Je ne suis donc pas un critique littéraire fiable et, ventre-saint-gris, comment saurais-je faire cela, d'ailleurs ?
Cependant, je suis bien obligaresse de constater qu'il y a des romans qui me travaillent “en profondeur”.  
Le Au-dessous du volcan de Malcolm Lowry, la Vie animale de Justin Torres, ou Les chaussures Italiennes de Henning Mankell m’ont totalement subjugué... Y a pas à chier, on ne ressort pas indemne de ces bouquins, il y a quelque chose de subtil qui change en nous, un centre quelconque qui bouge et nous oblige à trouver un nouvel équilibre, nous sommes marqués, déstabilisés, modifiés... quant à savoir si c’est en mieux ou en moins bien, c’est une autre histoire. C’est tellement chiant de perdre l’équilibre, ça oblige à des gesticulations désagréables, mais souventefois ça fait faire un pas, en avant...

M’fin, brèfe, maintenant il faut que j’allonge la liste à ce Karoo.

Ce texte est énorme et multi-couches.
Insertion au forceps de la condition humaine dans un roman, pas moins.

Gloire et chute d’un menteur pathologique : Saul Karoo, mais surtout c’est la dissection d’un mode de vie et d’une époque, d’une humanité.
Tesich nous installe dans le cockpit d’un avion en flamme, Doc Karoo. Faux écrivain, faux mari, faux père, vrai-faux alcoolique (!), faux ami... fausse vie confortable, mais vraie chute inéluctable. On assiste à la vaine lutte du pilote, à ces pathétiques tribulations tout au long de cette trajectoire fatale.
Tout est terriblement pertinent et effrayant. Tous ces masques, tous ces semblants, toutes ces putasseries (sordides ou glorieuses) ; toute cette schizophrénie qui nous possède, qui nous domine et qui nous fait agir comme des pantins manipulés et manipulateurs. Cette lucidité aveuglante sur la téléonomie du mensonge car, oui, notre milieu ambiant est le mensonge, il impose la cadence, les formes ; c’est le vent qui sculpte l’âme des hommes. S’il existe un Dieu, c’est bien lui, le Mensonge ; celui-là, vous pouvez y croire, il existe, nous l'avons tous en nous. Il nous entoure, nous fait vivre et nous gouverne. Il préside impunément le salop!

Pareil pour la construction du livre, ce diable de Tesich fait un truc que j’ai rarement vu dans un roman, il nous désubjectivise en plein vol. Oui madame ! Nous sommes le “je” jusqu’à la page 468, et Paf ! le “il” surgit de la page 469 à la fin (p. 600~). C’est fini, plus de “je”, nous venons d’être siège-éjecté du bolide à l’insu de notre plein gré, putain ! Nous assistons au crash final d’un “moi” qui n’est plus le notre ; nous sommes saufs, désolidarisés de la catastrophe, nous ne subirons pas les dernières indignités de Karoo, nous n’en serons que les spectateurs distanciés... Merci bien ! Brrr...

Je ne suis pas l’ami de Saul, il m’a trop montré de moi...(et de toi aussi, connard !)  mais je suis désormais un inconditionnel de Tesich.

Merci Doc, pour ce moment inconfortable et casse-gueule ; c'était  instructif...

À lire ABSOLUMENT ! (forcez-vous, merde !)

la chute d'Icare, dessin d'élève




Je vous demande de vérifier votre parachute...

mercredi 12 décembre 2012

Visa pour Shanghai, QIU Xiaolong

De nouveau à Shanghai dans le sillage de l’inspecteur-poète Chen qui va cette fois chaperonner une sympathique et accorte jeune femme du F.B.I., Catherine Rohn, sur fond de triades féroces, de meurtres rituels et d’immigration clandestine.

Dans l’ordre, c’est le deuxième roman du camarade Qiu Xiaolong, il suit “Mort d’une héroïne rouge” et on est vite rassuré de voir que toute la petite clique de ses amis qui c’était mise en place lors du premier opus, retrouve, ici encore, son orbite rassurante autour de notre inspecteur chinois favoris ; Yu, Peiquin, le vieux chasseur, Petit Zhou et bien sûr, le nébuleux secrétaire du Parti : le camarde Li.

Bon, t’inquiète, bien que la Catherinette yankee soit gironde, c’est pas elle qui réussira à lui mettre le grappin dessus, non. Il y a quelque chose de slave dans le caractère de l'inspecteur Chen, faut qu’il soit malheureux en amour, qu’il ait la quéquette triste, pour être bon flic et bon polète.

Et, comme toujours, une petite piqûre de rappel sur les réalités de la Révolution Culturelle, on continue d’en redécouvrir les bienfaits dans quelques pages édifiantes. Rappelle-toi que les “jeunes instruits” des années 60 n’avaient pas beau spiele ; allez, zou ! Tout le monde à la campagne et vive la rédemption agricole et la rizière expiatoire... Rigolait pas le Grand Timonier !

Ceci dit, dans les livres de Qiu Xiaolong, il faut être attentif à ce délicieux fumet qui émane de nombre de phrases appétissantes quand il décrit les repas chinois. 
Et vas-y que je m’empiffre de boulettes de viandes parfumées, de soupes de canard, de brochettes farcies, de nouilles sautées aux calamars, de petits pouces de bambou frits dans ...  Oh Putain, j’ai faim !

Non, sans dec, vous pourrez m’expliquer ce que vous voudrez sur les Chinois, moi j’dis qu’un peuple qui pratique la tortore à ce niveau ne peut pas être tout à fait mauvais...




Je vous demande de ne plus saliver...

mardi 11 décembre 2012

Triple Crossing, Sebastian Rotella

Une histoire de la frontière.
Une histoire entre les frontières.
Entre le Mexique et les US ; entre Tijuana et San-Diego.

Ça parait bien net, précis, dit comme ça, mais cette rigueur géographique est brouillée par les narco-traficants et les mafias de toutes obédiences. Le crime organisé, lui, ne s’encombre pas de pudeurs topologiques... il en profite, tout simplement.
 
A cheval sur ces deux mondes, le jeune Valentin Pescatore, mi flic mi-voyou et surtout funambule de l’impossible, nous plonge dans cette nouvelle condition (in)humaine.
 
Ça débute avec la chasse nocturne aux émigrants clandestins montant coûte que coûte à l’assaut de la frontière, hypnotisés par la lumière de l’Américan way, chassés par la misère...  

On s’infiltre ensuite en pleine guerre des gangs Mexicains en suivant le groupe Diogène de Méndez (brigade anti-corruption).
Puis on se retrouve au coeur de l’Amérique Latine, la Triple Frontière, au barycentre de tous les trafics entre le Brésil, le Paraguay et l’Argentine ; gros sous, intérêts imbriqués, et le plomb qui vole bas !
 
C’est précis, détaillé, hyper-renseigné.
La rigueur journalistique d’un Morgan Sportès et le sens du rythme d’un Déon Meyer...
Gros potentiel ce garçon.

C'est un premier roman, et c’est (presque) parfait.

Merci Don Sebastian ! On en veut encore du piment chicano...





Gringos ! Yé bou démandé dé né pas abousser dé cetté soupositorio...