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vendredi 31 juillet 2015

Les Complaintes, Jules Laforgue

Les Complaintes du père Laforgue ça fait bientôt deux ans que je me les envoie, une à une, à la laborieuse.
La plus part du temps, c’est comme si tu lisais des textes de chansons… je te l’accorde, c’est plus dans la veine Hubert Félix Thiéfaine que Michel Sardou quand même ; n’oublions pas que nous sommes dans la deuxième moitié du 19e, en plein dans le courant des poètes maudits et qu’à la suite de Baudelaire, les Lautréamont, Rimbaud, Verlaine et Laforgue tiennent le haut du pavé spleeno-poétique.
Cela dit, merci les notes en fin de recueil et l’incontournable préface de Jean-Pierre Bertrand !
Encore une fois, accroche-toi si tu commets la folie de lire ces Complaintes sans t’y référer.

Un truc encore : ch’ais pas pour toi, farang-dyslexique, mais mézigue, la poésie il est impératif que je la lise à haute voix, où au moins que je puisse la marmonner, et du coup toutes les salles d’attente me sont interdites ; ouais, on ne peut pas toujours y réciter comme on le voudrait : par exemple, si tu attends une coupe de cheveux, un détartrage dentaire, la vidange de ta bagnole ou un toucher rectal, impossible d'attendre en déclamant un bouquin de poésie et surtout pas celle des poètes maudits, sinon les autres attendeurs vont te regarder bizarrement au début, et appeler la police dans un deuxième temps… Tu vois le coup ?

Je t’en délivre cependant une des plus baudelairienne de ces Complaintes (confer: «À une passante», Les fleurs du mal)

COMPLAINTE
De la bonne défunte


Elle fuyait par l’avenue,
Je la suivis illuminé,
Ses yeux disaient : «J’ai deviné
Hélas ! que tu m’as reconnue !»

Je la suivais illuminé !
Yeux désolés, bouche ingénue,
Pourquoi l’avais-je reconnue,
Elle, loyal rêve mort-né ?

Yeux trop mûrs, mais bouche ingénue ;
Oeillet blanc, d’azur trop veiné ;
Oh ! oui, rien qu’un rêve mort-né,
Car défunte elle est devenue.

Gis, oeillet, d’azur trop veiné,
La vie humaine continue
Sans toi, défunte devenue.
-Oh ! je rentrerai sans dîner !

Vrai, je ne l’ai jamais connue.



Les Complaintes de Jules ?
Les ricanements d’un clown triste.

Merci l’ami.


©L’Assaut




- Je vois le forcené, Chef… Il menace les clientes avec un livre de Laforgue.
- Laforgue ? ! Flinguez-le...

1 commentaire:

  1. Je ne connais pas du tout cet auteur mais cette complainte que tu nous donnes à lire est une petite merveille. J'aime beaucoup la répétition de vers à peine modifiés. Cela donne au texte un rythme particulièrement entraînant, presque envoûtant.
    Cela me rappelle un peu "Artémis", un sonnet de Nerval (j'adore les poèmes de Gégé) dans lequel il utilise à donf' la répétition et l'allitération.

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