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jeudi 23 juillet 2015

Le désert des Tartares, Dino Buzzati.

J’en suis désormais convaincu, il n’y a que deux catégories de livres :
il y a les cinq cents (500) livres qu’il est nécessaire de pouvoir embarquer pour passer cinq cents (500) jours sur une île déserte - sinon, merci, ce sera sans moi ! -, ceux qui te font des choses bizarres ici, voire (©Giger), quand ils t’agrippent les yeux, et il y a les autres, ceux qui ne sont qu’une variante éternellement resucée de la première catégorie.
Tu l’auras donc compris, ce désert tartaresque fait parti des livres qu’il est important de lire au moins une fois (île déserte ou pas).

Une parabole sur la vacuité de nos vies, une allégorie de l’attente ayant pour attracteur étrange le «fort Bastiani», cette toile d’araignée dans laquelle s’engluent les âmes sinon faibles, du moins irrésolues.
Il s’agit d’un fort perdu sur la frontière nord, dans une zone grise, face à un désert glacé où il ne se passe jamais rien et où rien ne se passera jamais. Les hommes en poste là n’ont plus que la routine militaire à opposer à ce no man’s land quasi métaphysique et à rêver du moment où ils pourront s’y soustraire. C’est d’ailleurs ce qu’ils font généralement ; quelques mois, voire quelques années, à vainement surveiller ce glacis, et ils décampent… mais pas tous. Il y a toujours quelques moucherons qui restent prisonniers de la toile et qui finissent inévitablement par se perdre dans le huit-clos de fort Bastiani.
En l’occurrence, le lieutenant Giovanni Drogo est l’archétype du héros nietzshéen ; c’est un homme figé dans l’attente, un homme qui croit se battre contre le temps… et tu le sais bien maintenant, lecteur-IPV6, cette lutte contre «l’instant» est forcement vaine et ne peut déboucher que sur le désespoir et le renoncement.
Et ainsi, la fin du lieutenant Drogo sera dramatique et surprenante.

En première impression, j’aurais dit qu’on frôle un univers à la Kafka, mais on le frôle juste, car en dernière analyse, je pense qu’on est bien plus près d’un quelque chose - un presque rien - qui ressemble à «Fin de partie» de Beckett.
(Ça, c’était pour faire mon malin, mais je t’invite nonobstant à une relecture rapide de Fin de partie… et on en reparle des inconvénients qu’il y a à rester trop longtemps «immobile»)

À lire donc, et avant que les tartares n’attaquent !


À voir aussi le film éponyme de Valerio Zurlini (1976), avec Jacques Perrin et Jean-Louis Trintignant. Ça a un peu vieilli, mais le texte de Buzzati n’est jamais trahi. C’est superbe.








Sancho, y sont où ces putains de Tartares...

1 commentaire:

  1. Pas lu, mais je me souviens avoir adoré "Le K" et les autres nouvelles du recueil.
    Je l'inscrit sur ma liste, déjà longue. Manque de bol je vais passer mes vacances à la montagne : ça manque d'îles...

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