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lundi 15 septembre 2014

Les Ombres errantes, Pascal Quignard

Sois-en tout de suite convaincu, farang-jean-claude ameisenien, du Pascal Quignard, tu risques d’en becter pas mal dans les méga-secondes qui suivent.
Ouais, je viens de me risquer dans le “Dernier royaume”.

Quelle ballade, mes amiches ce tome 1, quel choc ces Ombres errantes ! Je connaissais cézig au travers de chose plus "classique", du genre "Tous les matins du monde".

Là, c’est fou… et extrêmement savant. Mille pépites lumineuses, poétiques, phisolophiques entre-choquées ; mille trains d’idées qui se croisent en courts paragraphes, tourbillonnent d’aphorismes en poèmes.
C’est des fois sécos, abrupt, érudit, mais pas une latinade ou quelques exotiques savanteries qui ne soient minutieusement expliquées, contextualisées. C’est la valse des idées claires, c'est un hymne au temps, à l’art, à la culture, au sexe, à l’histoire, et à la houle des petits détails qui nous façonnent ; un hymne à l’individu conscientisé, à celui qui choisit de suivre la trace des ombres errantes, la piste qu’elles laissent d’un livre l’autre, un hymne à la lecture, cette exigeante mais divine communion.

...

Au mois d’août 1999 je débarquai six caisses d’Épineuil sur la rive de l’Yonne et deux sacs postaux en jute gris qui étaient remplis de livres.
Je les tirai sur la pelouse.
L’été commençait bien. Il fallait espérer qu’on ne vît personne.
Pas un homme. Pas un enfant. Même pas les guêpes.
Même pas les scarabées énormes et hagards quand on lit dans la chaise longue en toile tirée sur la pelouse ou traînée plus loin sur les fleurs dodues et blanches des trèfles.
Même pas les mulots qui trottinent sur la poussière des planches sèches du grenier quand on s’endort.
Même pas les moustiques femelles qui vous piquent brusquement tandis qu’on rêve.
Même pas, à l’intérieur des rêves, pis que les moustiques femelles, la mémoire.
Même pas le langage lui-même.
Il n’y avait pas un avion qui traversât le ciel.
Pas le moindre son de transistor que portât l’air.
Pas un souvenir de moteur de tracteur.
Pas une tondeuse à gazon.
Pas un coq qui côche.
Pas un chien.
Pas un bal.
Pas la moindre affectation de gaieté autour de moi qui me donnât le désir de me suicider toutes affaires cessantes. Le bonheur montait. Je lisais. Le bonheur me dévorait. Je lus tout l’été. Le bonheur me dévora tout l’été.

Et aussi un hymne à l’écriture…

Éprouver en pensant ce qui cherche à se dire avant même de connaître, c’est sans doute cela, le mouvement d’écrire. D’une part écrire avec ce mot qui se tient à jamais sur le bout de la langue, de l’autre avec l’ensemble du langage qui fuit sous les doigts. Ce que l’on appelle brûler, à l’aube de découvrir.
...

Bon, j’arrête de radoter, sinon je vais recopier le bouquin !

C’était magique. 

L’ami Pascal ? Un parfait passeur de savoir et d’humanité.

Pour en finir, laisse-moi te dire que je suis absolument épaté que ce bouquin ait kidnappé le Goncourt 2002… Chapeau, les bouffis du Drouant, le cognac final devait être bon et la part des anges vous aura judicieusement tourné les méninges… et tant pis si Jorge Semprun n’aime ni le cognac et ni la musique des sphères.



©Lecteurs.com_Edilivre



Read or not to read, that is the question...

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