Bon, cessez de me refiler vos bouquins,
au détour d'un couloir, comme des conspirateurs.
- Tiens, lis ça. Tu vas voir !
Mais putain, j'ai le diabète
des livres, merde ! Si vous me tentez, comm'ça, sans arrêt, je
vais mourir. Pis, j'ai une vie, une famille, un pavillon de banlieue,
du repassage et un Lévinas en retard et il faut ab-so-lu-ment dégager le bordel du
garage... Et toi, là, faux-frère, tu me colles « Juste une
ombre » dans les pognes, avec la mine du chat qui vient de
bouffer la mésange. J'ai perdu TOUT mon lundi ! MERDE ! Un
zombi, de six à dix-huit. J'ai vu les filles partir au boulot et au
lycée à la page 63, renversé du café sur la page 77, empégué
la 254 avec du gras de jambon et un peu de pinard, à midi, froissé
les pages de 376 à 404 (sieste foudroyante derrière un rhum-café),
les filles sont revenus à la maison vers la page 479 et j'ai fini
pile pour l'apéro de 18h ; page 501.
Un lundi, en plusse ;
voyez où passent les forces vives d'une nation !
Anarchisses !
Je vous demande de
m'oublier...
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