Brrr...
Y m’fout la trouille cet Emmanuel-Joseph Sieyès.
Celui-là aussi a plié l’échine sous les fourches caudines des jésuites dans sa jeunesse et il finira même ses études dans un froc ; l’abbé Sieyès, l'appelleront souvent ses détracteurs !
Cela dit, les jésuites ont fabriqué des têtes redoutablement bien faites en ce siècle qui jetait déjà ses premiers éclats de lumière (Montesquieu, Voltaire, Diderot, Condorcet, etc.) ; brindilles enflammées qui allaient immoler l'ancien régime sur le bûcher de la Révolution.
Car oui, Sieyès déteste viscéralement la noblesse, et utilisera tout ses moyens intellectuels pour l’abattre.
Il votera la mort «sans phrase» de Louis Capet.
Mais ce n’est pas que ce personnage autiste et ascétique Sieyès, c’est aussi et surtout un remarquable «calculateur» ; ces processeurs massivement parallèles, sa culture et son éducation en font un joueur extrêmement efficace et pertinent dans la partie qui se déroulera entre 1789 et le 18 Brumaire (1799).
Songe, farang-jacobin, qu’il est un des rares malins à passer entre les gouttes de la Terreur, et il a même survécu à Robespierre et Napoléon, te dire le roué personnage auquel nous avons à faire.
Ombrageux, succeptible à l’excès, presque un pur esprit, il calcule, s’avance, se retire, revient ; c’est l’homme qui marquera la décennie qui va de la constituante jusqu’au consulat.
Il précède déjà la révolution, il l’ouvre même avec des publications telles que : Qu’est-ce que le Tiers Etat ?
...
« Qu'est-ce que le Tiers-État ? Le plan de cet Écrit est assez simple. Nous avons trois questions à nous faire:
1) Qu'est-ce que le Tiers-État ? Tout.
2) Qu'a-t-il été jusqu'à présent dans l’ordre politique ? Rien.
3) Que demande-t-il ? À y devenir quelque chose. »
...
Que de «futurs» dans ces quelques phrases.
Sieyès anime et accompagne la révolution avec les Mirabeau, Talleyrand, Duport, Condorcet, etc., ou combat ceux dont il se garde, à l’instar de son ennemi intime Robespierre.
L’excellent Jean-Denis Bredin insiste même sur la similarité de ce ying et de ce yang que sont Sieyès et Robespierre ; leur parcours laborieux leur a imposé ascèse et rigueur, et malgré les ragots afférents à quelques turpitudes fessières cachées, ces deux là n’aimaient pas se mélanger à leurs semblables, ils n’ont vécus que pour l’idée géométrique qu’ils se faisaient des hommes ; c’étaient des sociopathes !
Bon, ça finira de façon pathétique pour cézigue, après les 100 jours, il sera exilé à Bruxelles comme régicide, de 1815 à 1830… petite vengeance de la seconde restauration, disons.
Cela dit, bien que figure nécessaire et incontournable de la Révolution, ce n’est pas un homme aimable ; il demeurera pour moi toujours entaché de ce fond de curetonaille opportuniste et malodorant et vous souffrirez que je reste solidaire de ma subjectivité, malgré tous les efforts (600 pages) de l’ami Jean-Denis Bredin.
Merci, nonobstant, cher et rigoureux historiographe, pour ce monument dont il ne faut pas rater une seule des innombrables notes en bas de page.
Je le mettrai en pature sur mon bureau dès demain matin, mais je sais déjà qu'il ne fera pas florès auprès de mes coreligionnaires ; tant pis pour eux...
De toutes les façons, il ne faut pas démarrer la «Révolution» par Sieyès, ce n'est pas un personnage assez sympathique pour susciter l’enthousiasme ; il y a un parcours initiatique obligé pour ce faire : tu démarres par les milliers de pages de Michelet, ensuite tu t'appuies les énormes Girondins de Lamartine et seulement après tu te plonges dans les détails des personnages emblématiques par le biais d'une foultitude d'écrivains passionné(e)s...
Là ça devient une véritable histoire au long cours, une épopée des temps pré-modernes.
Là tu te feras délicieusement piéger...
Sieyès
|
La taupe de la Révolution...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire