Il est pas fou, Diderot, de nous raconter les rêves de d’Alembert ? Sont-ce des façons d'inquiéter les braves gens, je te le demande ?
Il avait des idées “révolutionnaires” cézigue, ça fout même la trouille dans la dernière partie, quand Bordeu (le docteur) fait l’apologie des pires licences qu’ils soient loisible d’imaginer en 1769 !
Mais, basta, je commence par la fin, là…
Plouf... Plouf...
Évidement, ça reprend l’Entretien entre D’Alembert et Diderot, qui se prolonge par Suite de l’entretien entre D’Alembert et Diderot, puis on passe au vif du sujet, Le Rêve de D’Alembert, et tout cela se termine par Suite de l’entretien précédent.
Il s’agit de dialogues imaginaires qu'il met dans la bouche de gens qu’il côtoyait au quotidien et qu’il aimait ; cela dit, il aimait tout le monde l’ami Denis, mais en mettant en scène Mlle de Lespinasse, d’Alembert, le Dr Bordeu, et, sous prétexte d’un rêve, il nous entraîne dans ce qu’il faut bien appeler des exercices de l’esprit. Bien sûr c’est le vitalisme matérialiste animant déjà son Encyclopédie qui souffle dans ces pages, il explore toutes les pistes qu’offrent les sciences modernes pour convaincre ses contemporains de sortir “Dieu” de l’équation… vaste programme car les crétins tonsurés qui avaient l’oreille de Louis XV étaient aussi ouverts et éclairés que ne l’est présentement le triste sire Abou Bakr al-Baghdadi ! Quand ces mecs là sont aux manettes, faut pas aller tirailler les Dieux par la barbichette, expliquer des trucs qui vont à l’encontre des navrantes stupidités de son temps et de son lieu ; surtout ne jamais écrire sous son véritable nom des lignes dans le genre de celles-ci :
[...] Qui sait les races d’animaux qui nous ont précédés ? qui sait les races d’animaux qui succéderont aux nôtres ? Tout change. Tout passe. Il n’y a que le tout qui reste. Le monde commence et finit sans cesse. Il est à chaque instant à son commencement et à sa fin. Il n’en a jamais eu d’autre, et n’en aura jamais d’autre. Dans cet immense océan de matière, pas une molécule qui ressemble à une molécule ; pas une molécule qui se ressemble à elle-même un instant. Rerum novus nascitur ordo (Un nouvel ordre des choses naît), voilà son inscription éternelle…
Tu comprendras, farang-ecclésiastique, que les puissants, tenant leur pouvoir de Dieu et de tout le tremblement de Sa permanence, ont du tiquer quand ils ont lu que le monde ne s’était pas créé en 35h (©Martine Aubry), etc.
Dans les dernières pages il finit même en visionnaire de la bio-ingénierie du futur par le truchement de Bordeu qui se fait le concepteur d’une chimère dénommée «chèvre-pied», véritable leçon inaugurale à l’optimisation stochastique évolutionnaire. Sans parler des sous-entendus à peine masqués sur des mœurs vraiment très, très post-soixante-huitardes qui pourraient avoir cours dans le futur...
Enthousiaste convaincu, curieux et visionnaire cézigue Diderot.
Il a presque toujours été obligé d’avancer masqué car les censeurs de l’establishment avaient tous pouvoirs sur les «esprits forts» de leur siècle ; il n’avait pas la fortune d’un Voltaire, il était tenu de rester à Paris, fallait bien qu’il trouve des subterfuges pour continuer à ramener sa grande gueule !
Quoi de mieux que des dialogues imaginaires autour du rêve d’un grand homme de son temps (d’Alembert)...
Encore bravo et merci pour tout, cher géant.
©Chèvre-pied stochastiquement évolué |
Et fous troufez fa drôle...
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