Un Charlie Hebdo de la meilleure facture que celui d’hier et dont un remarquable article de Guillaume Erner m’a étrangement renvoyé au non moins remarquable blog du Vieux Bill® et surtout à ce qu’il y écrit en ce moment.
Je profite aussi de ce commentaire pour ouvrir une parenthèse : “(“, et faire mon mea culpa, rapport à Gui-gui Erner, pardon, à (Gui)2, pour les lecteurs Texas-Instrument (je sais, les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître...mais tous ceux qui vécurent la transition «règle à calcul / TI 58W» savent de quoi je parle) ; ouais, il y a quelques mois, j’avais mal apprécié de ne plus trouver Marc Voinchet aux manettes des Matins de France Culture, et je l’avoue franchement, je l’ai eu à la caille pendant un petit moment, pas toi ? C’est que je l’aimais mon Marco, moi.
Et puis finalement, passé la contrariété d’un changement d’habitude, j’ai apprivoisé la voix et les manières de ce nouveau zèbre ; l’ami Guillaume se défend comme un chef, et force m’est d’en convenir, Les Matins sont vachement bien draïvés ; fin de la parenthèse sus-ouverte, “)”.
Sur ces entrefaites, Ô surprise, une nouvelle signature dans Charlie : Guillaume Erner… Mais il est partout c’est animal ! Et c’est tant mieux car si Charlie c’est bien, avec la touche Guillaume Erner, c’est mieux.
Puisque j’en en ai fini avec cette interminable préambule, je te rapporte ci-dessous l’article en question en supposant que tu ne l’as pas déjà lu, ou que tu louperas l’occasion de le lire.
Charlie Hebdo d’hier, donc, bas de page 6.
Rubrique : Progrès social
Le Haut-Rhin à l’assaut du cancer du RSA
Puisque l’on ne parvient pas à lutter contre le chômage, pourquoi ne pas lutter contre les chômeurs?
Ce mois-ci, la lutte contre le cancer a enregistré un progrès important, la lutte contre le cancer de l’assistanat. C’est ainsi que le conseil départemental du Haut-Rhin a décidé de demander aux bénéficiaires du RSA de travailler sept heures par semaine en échange de cette prestation. Enfin, «travailler», c’est un grand mot, puisque l’on a tendance à dire que «tout travail mérite salaire». Or, ici, ce travail ne donnerait droit à aucune rémunération. Je dis bien aucune, puisque le RSA n’est en rien un salaire, c’est un droit. La différence : un salaire est conditionné, un droit ne l’est pas. Or le RSA appartient à ces dispositifs censés venir en aide aux pauvres, aux «bons» pauvres comme aux «mauvais».
Pour nos camarades du Haut-Rhin, le versement du RSA devrait être conditionné à du bénévolat. Encore que le terme ne soit pas vraiment adéquat, puisque, d’ordinaire, les bénévoles sont des volontaires qui se mettent au service de la communauté. D’où l’alternative suivante. Si l’on requiert des pauvres qu’ils produisent un travail utile à la communauté, on recréé peu ou prou un statut familier : celui de la fonction publique. En effet, ceux que la collectivité rémunère en raison de leur utilité sociale ont un nom : ce sont des «fonctionnaires». Le conseil départemental du Haut-Rhin est-il trop pudique pour dire qu’il compte augmenter le nombre de fonctionnaires ? À moins que les bénéficiaires du RSA ne soient condamnés à effectuer sept heures de travail inutile. Dans ce cas, il s’agirait d’une nouvelle manière de casser des cailloux à Cayenne, d’ailleurs, là, ça ne ne se passerait pas à Cayenne, mais à Colmar, puisque c’est une idée, je vous le rappelle, du conseil départemental du Haut-Rhin. Et ce travail inutile viserait principalement à rappeler à ces pauvres qu’ils sont des salauds de pauvres.
La chasse aux pauvres.
Soyons magnanimes : on n’a pas attendu cette décision courageuse du Haut-Rhin pour assimiler les pauvres à des assistés devant sortir de leur état. En réalité, la totalité des mécanismes d’assistance conçus depuis la Révolution française partent implicitement de ce postulat, et c’est pourquoi d’ailleurs leur montant est si bas. Le RSA permet peut-être de vivre, il ne permet pas de le faire confortablement. Ce n’est pas un hasard, mais un calcul délibéré : rien, dans les mécanismes d’aide aux moins aisés, ne doit les encourager à demeurer dans leur situation. Si l’on double la modestie de la pension par une obligation de bénévolat, on créé en quelque sorte une double peine.
Et cette double peine pose d’autant plus problème que le travail qu’elle implique semble n’avoir aucune utilité collective. Alors, certes, les économistes néoclassiques tiennent le travail pour «désutile». Par ce terme, ils signifient que Homo economicus, en l’absence de rémunération, cesse généralement de travailler. Mais ils ne veulent en aucun cas dire que le travail ne sert à rien ni à personne. Si tel était le cas, cela impliquerait que le travail peut parfaitement être dénué de productivité - exemple, casser des cailloux à Colmar. Un travail qui ne servirait pas à produire, mais à occuper les gens ? C’est là que le Haut-Rhin rejoindrait la Corée du Nord.
Ce que ce conseil départemental propose est l’inverse de ce que proclamait l’économiste Adam Smith, l’un des premiers théoriciens de l’économie libérale, lorsqu’il parle du boulanger. Selon Smith, le boulanger tire sa subsistance de la rencontre de son égoïsme - il veut nourrir les siens - et d’un besoin collectif - les autres veulent se nourrir. En d’autres termes, c’est parce que le pain a une utilité sociale que le boulanger peut en vivre. Voilà pourquoi l’invention du Haut-Rhin a toutes les chances de rejoindre le cortège des vraies-fausses bonnes idées contre le chômage.
Mais s’il fallait poursuivre la chasse aux pauvres, on pourrait aller plus loin : d’autres mécanismes pourraient venir raffiner l’invention. Dans ces conditions, pourquoi ne les taxerait-on pas ? Comme cela, ils se débrouilleraient peut-être pour devenir riches.
Guillaume Erner
Hein ?
Merci ami Guillaume et encore bravo à Charlie et à France.Cul d’avoir sélectionné ce parfait demi d'ouverture.
©L’Obs |
Guillaume Erner...
On peut aussi introduire les moustiques Tigre dans les maisons de retraite et euthanasier les chômeurs de longue durée, etc. Euh, je plaisante !
RépondreSupprimerAppreciate youu blogging this
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