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lundi 31 août 2015

Le journal de Jeanne, Mario Mercier

Bon, je m’en doutais depuis longtemps, le gars Mario Mercier est totalement fou ! Génial, mais fou. Ce type m’a scotché il a longtemps avec «L’Odysée fantastique d’Arthur Dément» (1976), et voilà que plusieurs décennies après je mets la pogne sur ce Journal de Jeanne (1969).
En fait, je croyais qu’à part la formidable odyssée d’Arthur, l’ami Mario ne donnait que dans le chamanisme et l’ésotérisme de mauvais aloi… Brrrr, j’étais pas pressé.
Pis y m’arrive ce truc dans les esgourdes, sûrement intercepté sur France-Cul : il existe un deuxième roman de Mario Mercier, aussi barré que son Odyssée ceci-cela et lisible par tout un chacun, même si ce “chacun” n’est pas un adepte forcené du chamanisme. Le journal de Jeanne, donc. Le texte en est même largement antérieur ; comme quoi cézigue n’a pas toujours été possédé par l'existentialisme ésotérique. Non, il s’agit plutôt de sa facette Sade-Lautréamont-Poe, avec une touche du Moine de Lewis (pas celui de Artaud) ; un texte extrêmement fantastique et fantasmé, dont l’intrigue se déroule à la lisière molle d’un univers cruellement parallèle et fascisant.

Ce petit chef d’oeuvre est classé à tort dans la littérature érotique, voire pornographique, et c’est une grosse connerie : viendrait-il à l’esprit de quiconque de trouver quoi que ce soit d’érotique dans le «Salo ou les 120 jours de Sodome» de Pasolini ? Non, bien sûr ; la folie poétique et une certaine extravagance esthétique du sadisme ne sont pas les apanages caractéristiques des bouquins et des films de fesses.
Le journal de Jeanne se situe plutôt dans le registre du fantastique flamboyant ; le lire c’est entrer dans un monde à la Giger, la couleur en plus.

Bon, je vois bien que tu ne me crois pas, que le doute t’habite, aussi me faut-il te convaincre avec ces quelques lignes tirées au hasard :

...
9 mars.

Me voici de retour chez moi après un bref arrêt dans une grande ville pour y effectuer quelques emplettes. C’est avec un vif soulagement que j’ai quitté ce royaume de viande crue, de pierres et d’argent. Son rut artificiel éclabousse encore mes oreilles. Sa marée d’avortons et de vivants morts a failli m’absorber. De peu, j’étais moi aussi condamnée à la temporalité de la bêtise et à la finalité du quotidien. Si je n’avais pas eu les moyens financiers suffisants pour leur faire face et les oublier, je tâterai en ce moment de leurs excréments.
Je hais le collectif.
(page 32)

Singulier, non ?

Cela dit, et bien que ça ne l'empêche pas d'être génial, je n’en démords pas : l’ami Mario à vraiment un énorme problème avec la gent féminine ; vraiment, ça tourne pas rond dans son caleçon...



©Giger



Jeanne… Oh, Jeanne...

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