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dimanche 30 août 2015

Le tour de France par deux enfants, (cours moyen) G. Bruno

Quel incroyable livre, mes cadets ; mais c’est simplement magnifique !
Et avec la distance, ça prend une saveur… mais une saveur !
« Y a pas, Angela, un jour vous nous rendrez l’Alsace et la Lorraine ! »

J'avais désormais dans les pognes le livre de lecture de l’école de la Troisième République. Oui, le vrai, l’unique, sorti dès la fin des événements militaro-navrants de 1871 et qui eut droit de cité jusque dans les années 1970. Te dire le succès de l’ouvrage ! Te dire aussi le plongeon dans l’ambiance d’une Nation, d’un Pays, mutilé par l'impéritie de Napoléon III et par la goinfrerie prussienne de Otto von Bismarck et de sa marionnette Guillaume Ier ; Sedan, etc.

Bref, prépare-toi à reprendre l’Alsace & la Lorraine, chère tête blonde, c’est la toute jeune Troisième République qui te le demande ! C'est le point de départ, la racine de cette odyssée.

Alors voila, il s’agit de deux petits orphelins, André (14 ans) et Julien (7 ans), et dont le père, veuf, serrurier et se voyant mourir, leur fait promettre de redevenir Français. Et ouais, ils habitent dans la mauvaise partie de la Lorraine, ils sont désormais prussiens, ‘tain… ça lui a pas plu au dab ! André et Julien sont deux bons petits gars, il ne leur viendrait pas à l’idée d’aller contre les dernières volontés du pater familias, et dès qu’icelui est enterré, les voilà qui organisent leur fuite vers le pays du lait et du miel, la Terre Promise : Frankreich, nous voila !
Oui, il existe un tonton, en froid depuis plusieurs années avec leur daron, qui les accueillerait certainement, là-bas, à Marseille.

Commence alors cette formidable pérégrination de nos deux jeunes héros dans la France des années 1870 ; un proto-Tour-de-France, en somme.
Ville départ : Phalsbourg (Lorraine, Prusse).
Première étape : Épinal (Vosges, France).
Bien sûr, ils ne parcourent pas l’étape dans la journée, loin s’en faut, et ils vont déjà avoir leur content d’aventures avant d’y arriver. Quant à parvenir à Marseille, c’est pas demain la veille ! T’imagines bien qu’ils ne partent pas avec les fouilles bourrées de kopecks, va y avoir de la démerde, forcement. Mais attention, jamais de conneries ou autres indélicatesses que la morale réprouve ; c’est pas des petits rom chapardeurs ou des kaïra du 9.3. avec kalach en pogne, ‘tain ! Non, c’est carrément l’inverse ; chaque chapitre, et il y en a CXXVII, débute par une petite maxime telle que :

«Ce qu’il y a de plus beau au monde, c’est la charité du pauvre.»
«Le frère aîné doit instruire le plus jeune par son exemple et, s’il le peut, par ses leçons.»
«La prétendue baguette des fées était moins puissante que ne l’est aujourd’hui la science des hommes.»
«Le pays le plus heureux sera celui où il y aura le plus d’accord et d’union entre les habitants.»
«Les routes, les fontaines, l’éclairage sont des choses dont chacun profite : il est donc juste que chacun les paie pour sa part
«Soumettons-nous à la loi, même quand elle nous parait dure et pénible
«Un grand homme de l’Amérique disait : - Si l’on demande à quelqu’un quel pays il aime le mieux, il nommera d’abord le sien ; mais, si on lui demande ensuite quel est le pays qu’il voudrait avoir comme seconde patrie, il nommera le France.»
Etc.

Ici et maintenant, ça laisse rêveur, non ?
Mais tu l’auras compris, farang-houellebecqien, elle était pressée la jeune République, et quitte à faire du copier-coller des vieilles messes judéo-chrétiennes d’antan, il s’agissait de vite fabriquer une morale républicaine qui justifierait les épousailles fusionnelles de concepts tels que  «Nation» et «Patrie» dans un petit bouquin exaltant et facile à diffuser dans toutes les écoles.
Il faut aussi te figurer que nous allons découvrir toutes les merveilles agraires, artisanales et industrielles qui font la France d’alors : des hauts fourneaux de Lorraine en passant par la manufacture d’armes de Saint-Ètienne et les mûriers de vers à soie du Dauphiné, puis en suivant la route Napoléon (souvenons-nous que dans un premier temps ils doivent se rendre à Marseille), nous découvrons toutes ces merveilles d'ingénieries patriotiques. La France des artisans, des pêcheurs, des paysans, des commerçants, des camelots, des P.M.E. et de l’industrie lourde naissante. Un parcours initiatique pour nos deux jeunes gens et qui ne s’arrêtera pas à Marseille (ouf) car le tonton étant marinier (ou charpentier de marine), il est parti à Bordeaux. Le tour de France continuant, nous empruntons à sa suite le Canal du Midi, toujours en participant à d’autres aventures d’une moralité irréprochable ; puis nous embarquerons sur un véritable navire qui appareillera de Bordeaux pour remonter le Golfe de Gascogne et ainsi tenter de rallier Dunkerque, non sans avoir fait naufrage dans l'intervalle !

Et pour ajouter encore à l'intérêt de cette pépite, dans les débuts de leur périple, le petit Julien à affuré, fort élégamment, un livre qui va les suivre partout. Il s’agit de la vie des grands hommes qui marquèrent notre beau royaume de France. Sache qu’ils ne s'endormiront plus sans avoir consulté le pedigree de tous les glorieux ancêtres qui marquèrent les contrées traversées.
Je suppose que tous les petits français qui ont lu ce bouquin firent comme je viens de le faire, et qu’ils attendirent avec impatience que ces deux petits merdeux traversent leur pays natal afin de découvrir que même chez eux, la France, la Sainte Patrie, pouvait se targuer d’avoir trouvé quelques gloires qui la firent plus grande et plus belle. Moi, par exemple, je suis très satisfait de Riquet, La Pérouse et Cujas… 
Et ouais, ce coup d’éplucher les Grands Zommes de chaque région est un coup de génie ; on y trouve tous notre compte, que tu habites les Quartiers Nord, le Mirail, les Minguettes, ou les 4000, il y a forcement un mec dont tu seras fier d’être le follower.

C’était un bouquin tout simplement génial... serais-je un de ces nouveaux réacs dont on nous rebat les oreilles ?

Ce dont je suis sûre, c’est que d’une façon ou d’une autre je vais le bailler ce livre pour que si un jour, n’en déplaise aux Dieux des métastases, je me retrouve grand père, c’est ce livre que je lirai à mes petits nenfants (en plus du cycle de Tchaï... et des textes d’Olympe de Gouges, si ce sont des p’tit’-fillottes, cela va sans dire).

Encore merci à l'ami Steph pour avoir consenti à ce que pareille merveille tombât momentanément dans mon escarcelle ; merci !

Alsace Lorraine





Je vous demande de nous les rendre...

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