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dimanche 16 août 2015

100% Laclos, N°8

Le voila le vieux salopard qui a bouffé mes vacances !
Michel Laclos  (1926-2013).

Quarante grilles du Maître dans cette huitième compile estivale du Fig-Mag.
Quatre semaines de tablature acharnée, compulsive et déraisonnable. Et ouais, on parle bien là d’une très longue et constante addiction à un «auteur», quand bien même serait-il verbicruciste.

Si peu tant est que l’on aime la langue de nos anciens - forte prédilection pour celle de Molière, en ce qui me concerne -, s’investir dans une grille 20x20 de Laclos c’est s’immerger dans la plastique des mots, ces briques sémantiques qui sont la base de ce que les homininés un tantinet évolués ont jamais fait de mieux : proposer une description plus ou moins concensuelle du réel par le biais de la communication.
Et quoi de plus glissant, de plus complexe ou insaisissable et pourtant de plus convenu qu’un mot, hum ?

Un Laclos c’est un hymne à la polysémie par le truchement d’un extraordinaire sens de la définition. Car oui, Laclos se détache totalement des autres verbicrucistes par la «qualité» d'icelles. Elles sont toutes en finesse, érudites, malicieuses et pudiquement grivoises ; elles trimballent immanquablement des parfums à la Eugène Sue, des pointes de folie à la Quenaud & Pérec et la gouaille d’un Boudard.
L’ami Michel se joue de nos reflexes ontologiques pour souventes fois prendre à contre pied nos raccourcis convenus et faire cohabiter moultes définitions dans le même mot (trois cents pour IO, par exemple).

Ok, tu veux du concret, en voici :


Pigeon voyageur = TOURISTE
Allemand dans la résistance = OHM
Règle imposée par la droite = IOL
Endroit à l’envers = UEIL
Bleu sur les fesses = LEVIS
Le bleu de la mer = MOUSSAILLON
Donnait des coups de fils = ESTOC
Fauteur de guerre littéraire = FEU
Demeure très fraîche = INAMICALE
Ont un double langage = VENTRILOQUES
Auto-stoppeurs = FREINS
Le père du mec = DAB
Panier garni = CRINOLINE

Et ça : Mal dit = AÏE
Ou encore ça : À pris un coup de cane ? = EET

Et celle-là, absolument jubilatoire quand tu la trouves :
“Son envers n’y est pas reçu” en 3 lettres = ENA
Et cette autre, sûrement des plus remarquables :
“Ouverture du feu par derrière” en 8 lettres = EISPOTUA
(il y a des esprits définitivement rigides qui ne la comprennent pas, même quand on donne la soluce !)

Hé, je me souviens d’une fois où pour m’acquitter de la définition : “Que du blanc pour Rimbaud” en vingt lettres, il a fallu que je pose vingt fois la lettre “E” sur la même ligne, et si encore une fois tu ne comprends pas de quoi il est question c’est que tu n’a jamais lu “Voyelles” de Rimbaud ; et à ce moment là, de deux choses l’une : ou tu te procures la poésie idoine en sorte de goûter le sel de la plaisanterie crucificatoire, ou les grilles de Laclos te seront à jamais étrangères (désolé).
Tu comprends maintenant que MÔssieur Laclos est un auteur éminemment respectable ; un “fils du DAB”, un "MEC" qui ne possédait que le certificat d’étude et qui pourtant nous tient en haleine depuis plusieurs décennies…

Y a pas, faire un Laclos c’est suivre en même temps une leçon de français, de philo, d’histoire et de sémantique tout en jubilant. C’est une communion avec la langue française à la hauteur d'un Lacrimosa du réquiem de Mozart… Une jouissance mystique !

Avertissement gratuit aux gens de la “Dépêche du Midi” et du “Fig-Mag” :
Je sais, le maître est mort depuis deux ans, mais sachez que dès qu’il n’y aura plus ses grilles dans le Fig-Mag du vendredi ou dans le programme télé dominical de la Dépêche, il n’y aura plus de contribution de ma part à ces deux glorieuses publications hebdomadaires, et pour montrer que ce n’est juste pas vénal, je m’engage à reverser annuellement la centaine d’euros correspondante au denier du culte !  

À bon entendeur salut, et à dimanche prochain.


©Georges Nespresso



What else ? en six lettres :



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