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mardi 14 octobre 2014

Le moine, Matthew G. Lewis

Je viens de comprendre que mon book-dealer du marché dominical de Saint Aubin (Toulouse.con), est la proie d’un tropisme assez singulier : en effet, Nounours ne jure que par le roman gothique. Je l’avais mal pigé, il y a quelques années, quand il me refila sous la cape “Manuscrit trouvé à Saragosse”, de Jean Potocki, l’oeil attentif à repérer d’éventuels espions bulgares qui auraient pu intercepter cet échange hautement radioactif, tout en marmonnant dans mon oreille : “ Regarde ce que je t’ai mis de côté, fils… Chut, ne discute pas et prends-le !”.

Et voila que le week-end dernier il me refait le coup avec Le Moine de Lewis !
- Tiens, fils, j’ai un truc pour toi, tu comprends, je préfère que ce soit toi qui le lise…
- Hum, Le Moine ? Je l’ai déjà lu et…
- Malheureux, tu as sûrement lu celui d’Artaud, il a trop exagéré le côté érotique, non, le vrai Moine, c’est celui de Lewis... Tiens, je te le fais à quatre euros.

Le bouqin étant en réalité à quatre euros cinquante ; je lui ai refilé cinq balles. Moi aussi je connais mes protocoles du don et contre-don…

Cela étant et comme d’hab, cet amoureux des livres avait raison (il a toujours raison !), ce Le Moine de Lewis est une “tuerie”, diraient des âmes plus juvéniles ; écrit en 1796, on voit bien qu’il a fait des petits, celui de Artaud n’étant pas le moindre, et si on a un peu lu, on voit aussi qu’il a fait école, qu’il a fait genre, pour le meilleur et pour le pire, et ne cherche pas plus loin que Dan Brown pour le pire…

L'estraordinaire de ce livre se révèle dans la subtilité d’un récit à la Cervantes qui se déplierait peu à peu dans l'incongruité et le malaise d’une nouvelle d’Edgard Poe ou une poésie du Comte de Lautréamont ; comme si tu glissais d’un Précis de l’histoire monastique aux moments les plus atroces des Chants de Maldoror, disons.

Rien de surnaturel cependant au début, l’Espagne de l’Inquisition et juste le sublime moine Ambrosio, le parangon de vertu monastique, le rigoureux confesseur de ces dames de la haute ; la star du Christian-business du Madrid des années dix-sept cent et quelques. Un homme (?) qui possède la dessiccante force d”âme d’un fou de Dieu, inébranlable dans sa foi... et pourtant il va succomber à Mathilde, le faux moine, la tentatrice, le truchement de Lucifer, et il va glisser vers toujours plus de mal et de vice, tendre vers toujours plus de turpitudes existentielles ; maltraitances, viols, meurtres, et finalement il vendra son âme au diable… et s’en trouvera fort marri. Car, oui, le diable existe, et tout cela finira pour le pire au milieu des spectres, des nones sanglantes et des démons de l’Enfer !

La chute d’une âme qui se croyait vertueuse et pensait être protégée de la tentation par la plus sévère observance de son credo. Faut croire que tel n’était pas le cas, et l’ami Ambrosio ne tarda pas à se rouler dans la fange du sexe et du rock&roll en commettant les pires exactions qu’il soit possible de perpétrer à l’encontre de jeunes et pures jeunes filles.
Frère Ambrosio eût pu avoir une brillante carrière chez les sales cons de Boko Haram, sans problème.

Encore merci à Matthew G. Lewis et, bien sûr, à l’infernale sollicitude du Roi des Bouquinistes de St Aubin.

©le marginal magnifique





Que le cul te pèle et que le diable te patafiole...

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