Le 24 janvier 1943 un convoi de 230 femmes est parti pour Auschwitz.
Le 23 avril 1945, 49 reviendrons…
Sont-elles jamais revenues ?
Avec cette fin d’une trilogie dantesque, Charlotte Delbo rend la parole aux survivants ; le temps a passé… le temps a-t-il passé ?
Et, en écho au premier volume (aucun d’entre nous n’en reviendra), on comprend finalement qu’elle avait raison, la belle et noble Charlotte, aucun n’est revenu. Tous sont morts là-bas, au centre de l’europe, tous sont morts de corps ou d’esprit.
Ceux et celles qui sont “revenus” ne comptent plus au nombre des vivants. Ce sont les fantômes de l’Histoire passée, présente et à venir.
Ces spectres d’au-delà les morts, ces marionnettes qui ont réappris les gestes de la vie nous interpellent depuis l’enfer où ils sont restés.
…
Je ne suis pas vivante. Je me regarde, extérieure à ce moi-là qui imite la vie. Je ne suis pas vivante. Je le sais d’une connaissance intime et solitaire. Toi, tu comprends ce que je veux dire, ce que je sens. Les gens, non. Comment comprendraient-ils ? Ils n’ont pas vu ce que nous avons vu. Il n’ont pas compté leurs morts chaque jour à l’aurore, ils n’ont pas compté leurs morts chaque jour au crépuscule. Nous avons passé les jours à compter le temps, nous avons passé le temps à compter les morts. Nous aurions eu peur de compter les vivants. Et pour chaque mort que nous comptions, nous n’avions ni regrets ni larmes. Une douleur exténuée. Nous n’avions qu’effroi et anxiété : combien de jours jusqu’à ce qu’on me compte, moi ? Comme nous l’avons compté le temps ! “ Le temps que l’on mesure n’est point mesure de nos jours. “ Là-bas, si.
…
(page 48)
Lecture érosive et douloureuse.
Farang-mon-frère-humain, oseras-tu cet Auschwitz et après, oseras-tu exorciser un peu de ta futilité, oseras-tu accepter ces larmes ?
Charlotte Delbo, 1950 © Archives privées Dany Delbo |
Je vous demande d’aimer le numéro 31661...
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