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jeudi 30 janvier 2014

Le commodore, Patrick O’Brian

Aubrey-Maturin, t. 17

Les héros sont rentrés au bercail, mais ce n’est pas fini moussaillon, Patrick O’Brian va encore jouer avec ton ionogramme pendant quelques bouquins de plusse…
Gloria in Excelsis Deo, etc. 

Cependant, tu n’auras pas oublié, farang-zélateur-de-la-théorie-du-genre-ha-ha-ha, que dès qu’il touche terre, le vrai marin est la proie des pires avanies car l’élément naturel de ce mammifère singulier ne peut être constitué que d’embruns salés et de coups de chiens à proximité d’une côte sous vent. Voila où il excelle, le marin ; parle-lui de trigonométrie sphérique, de prise de latitude à partir de plusieurs hauteurs méridiennes d’Achernar, mais ne lui parle surtout jamais de vie de couple apaisée, de rapports francs et cordiaux avec les banquiers, ou d’une réussite quelconque dans une entreprise chrétienne et raisonnablement terrestre. Non, pour le bien de tout le monde, faut pas le laisser traîner à terre, faut vite l’amariner, lui trouver des missions, des armements, des prétestes de fuir à plus de dix noeuds à travers les onze mers et les seize océans, faut qu’il ait plusieurs miles d’eau libre à courir, vent arrière. Là il est content, là il sait joliment faire !

Alors ça y est, Jack a son guidon de commodore, il commande à toute une petit flotte et son fidèle Killick prend la tâche très à coeur :
- Je supporte, monsieur, je supporte. Mais nous avons de grandes responsabilités, avec ce guidon.


Tandis que Stephen embarque vers l’Espagne son or, sa très jeune fille Brigid, Mrs Oakes et Padeen à bord de la goélette le Ringle, l’ami Patrick O’Brian nous offre une des plus belle page de toute cette odyssée :
Elle s’échappa de la cabine et courut sur le pont. “Je ne dois pas me conduire comme une vieille mère poule idiote”, pensa Stephen, mais il la suivit tout de même et, assis derrière la barre, il la vit risquer sa vie, très gentiment retenue dans ses excès les plus fous par Padeen et les matelots, attentionnés et d’une patience infinie : à un moment il la vit grimper jusque dans les barres de flèche de misaine, accrochée au cou rude et tout râpeux du vieux Mould.
Elle était le voyageur idéal, infatigable, enchantée de tout ; et bien que le Ringle ait rencontré une belle houle d’ouest-sud-ouest quand il fut dégagé de la côte, une houle quelque peu coupée par le courant de marée, elle n’éprouvait pas la moindre appréhension ni apparemment la moindre crainte. Être mouillée ne la dérangeait pas non plus, et c’était tant mieux car le Ringle faisait route au sud-ouest avec la brise portant de deux quarts et la mer agitée montait à bord en paquets par l’étrave tribord, la trempant à intervalles réguliers tandis qu’elle se cramponnait aux haubans de misaine, chaque paquet vert ou blanc étant signalé par un cri de délice.
Enfin, quand la nuit vint, on la ramena vers l’arrière et dans la cabine on la sécha, on l’assit devant un bol de râgout - le seul plat du Ringle en dehors du porridge ou de la bouillie d’avoine - en lui disant “Attaque matelot, attaque comme un brave”. Après deux cuillers elle tomba endormie, la tête sur la table, une main encore serrée sur un biscuit à demi dévoré, endormie si profondément qu’il fallut la porter, tout à fait inerte, l’éponger plus ou moins, et l’amarrer dans un petit hamac.


Cela étant, ne crois pas que la petite escadre de Jack va musarder le long des côtes africaines à la façon “la croisière s’amuse”, hein ? Non, notre aimable commodore, à bord du HMS Bellona (74, Tom Pullings comme capitaine), va pourrir la vie de tous les négriers qu’il croisera dans le golfe de Guinée, libérant plus de six mille esclaves en à peine une couple de mois ! 
Et ce n’est pas tout car ensuite il ira joliment empêcher le débarquement des troupes françaises en Irlande… Grosses canonnades au menu et pas mal de mauvais coups à prendre !

Bien sûr, un esprit chafouin  pourrait arguer que notre bon Jack a vieilli, qu’en plus du galon, il a pris plusieurs dizaines de livres depuis les bientôt quinze ans que nous le suivons, qu’il a des cheveux blancs et patati et patata ;  mais putain, quelle niaque il a encore le vieux, écoute comme il rugit sur son pont, au milieu du bruit et de la fureur des seize livres !


Bravo Jack, et merci à Patrick O’Brian de t’avoir si noblement donné vie.


Le voyage sans retour,
François Bourgeon


Pour vous, l’esclavage existe-t-il encore ?
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