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mardi 19 mai 2015

L’homme qui aimait les chiens, Leonardo Padura

Attention, roman très, très ZÉNORME !

Il arrive dans le tiercé gagnant l’ami Leonardo, ça va finir par une photo au finish pour le départager d’un Wajdi Mouawad et d’un Victor del Arbol.  

L’assassinat de Trotski est pourtant une histoire assez connue, mais jamais je ne lus quoi que ce fut à ce sujet qui possédât cette élégance de style, cette granularité fine dans les détails, tout en distillant une charge sinon de pessimisme, du moins de mélancolie si absolue.
Encore une histoire à trois bandes. La vie «comme si tu y étais» du bourreau (Ramon Mercader) et de sa victime (Léon Trotski), s’articulant autour de celle d’un tiers (Ivan) qui tiendra lieu de passeur ; si nous lisons cette histoire c’est grace à lui, disons.
C’est ce canevas inhabituel qui donne tout son charme, son romanesque à cette tapisserie historiographique, à ce cénophate de l’utopie communiste que fut la perversion stalinienne, à ce mensonge colossal enfoncé dans le fond de la gorge des aficionados des lendemains qui chantent par un des plus grand salopard de l’Histoire (je parle de Staline, bien sûr).

Nous suivons la lente errance de Trotski, depuis sa déchéance et son banissement à la fin des années vingt, jusqu’à l’heure de sa mort (1940) ; nous participons aussi au recrutement et à l’endoctrinement du républicain espagnol Ramon Mercader qui finira par lui mettre un coup de piolet dans la tronche, dix ans plus tard, chez les mexicains ; nous vivons surtout les désillusions de l’écrivain cubain Ivan, véritable point d’entrée de cette histoire dans l'Histoire, le tout vu par le petit bout de la lorgnette cubaine des années 70. Et je te prie de croire, farang-climato-septique, que le Léonardo est bien placé pour connaître le catéchisme castriste !
Malgré maints recoupements et compulsions fébriles dans wiki, dans la littérature que j’ai accumulé sur les camarades Lénine, Trotski et Staline, je ne trouve pas de failles, pas d’erreurs, mieux, tout cela m’appert comme étant extrêmement érudit, plus que plausible, sûrement très proche de ce que vécurent les personnages, qu’ils soient réels, métaphoriques ou archétypaux.

Et comme je te le disais plus haut, cette somme de travail (plus de six cents pages, quand même) est servie par un style et un amour des mots époustouflants… Tu ne me crois pas ? 
Chevauche donc cette phrase :

...
Le nouveau chef du groupe de surveillance du GPU avait pour habitude d’affirmer sa parcelle de pouvoir en pénétrant dans la maison sans daigner frapper à une porte qu’on avait dépouillée de la dignité de ses verrous.

Avoue que Leonardo fournit une tablature plus que ciselée, et on pourrait vite partir dans une petite branlette intellectuelle tant les mots qu’il choisit pour rappeler qu’il n’y pas de verrou à la porte prêtent à celle-ci une véritable existence ontologique ; on la plaint cette porte, on se découvre de la compassion à son égard...  Qu'il suffise de se rappeler que ça s’appelle «le talent».
Oui, ce Leonardo Padura en est pétri.

Bravo l'artiste, c'était remarquable ;  à lire absolument !
Au passage, grand merci aux deux homo-translators, René Solis et Elena Zayas, car je n’ai pas grande idée de ce qu’un texte pareil peut donner en espingouin, mais chapeau pour la traduction !



Léonardo n’est pas mon ami, c’est pourquoi je dis que Léonardo est notre ami…





Larme de crime...

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