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dimanche 16 mars 2014

Chambre 2, Julie Bonnie

Waouh !

Un plongeon dans la mécanique des femmes avec l’obstétrique en ligne de mire.
Un texte beau et poignant qui frôle très certainement l'autobiographie. Un texte à deux temps car l’amie Julie nous entraîne dans un mouvement pendulaire, dans une alternance temporelle entre le présent d’une auxiliaire de puériculture et le passé d’une jeune femme émancipée des années 90. Béatrice (l'héroïne) nous invite dans la visite séquentielle et numérotée des chambres d’une maternité entre deux flash-back de sa vie d’avant, quand le temps n’était que fuite en avant, qu’une interminable tournée baptisée au mythe de la jeunesse éternelle ; “on the road again”, disons, et sa vie d’à présent, où chaque chambre recèle un “trésor” : une femme qui devient mère.

Elles sont dessinées là, surprises dans ce moment singulier où elles donnent la vie.
Elles sont là, heureuses, misérables, pathétiques, soumises, exaltées, vulnérables, amoureuses, haineuses, mais elles sont toutes des femmes face à la terra incognita de la maternité ; mères de la prochaine humanité, garantes propitiatoires du futur.

Bravo à l’être humaine Julie Bonnie pour ce texte décapant, pour ce retour vers le futur. 

...
J’y ai vu des femmes excisées, mutilées par leur propre famille au point de boiter pour le restant de leurs jours.
J’y ai vu des enfants conçus dans le viol des mariages arrangés.
J’y ai vu des femmes qui arrivaient à cacher à leur mari leur troisième césarienne et suppliaient l’équipe de leur trouver un moyen de contraception efficace et invisible, la quatrième pouvant être fatale.
J’y ai vu des procureurs de la République appelés au milieu de la nuit pour donner l’ordre de sauver une mère et son enfant.
J’y ai vu des bébés sans mère, nés sous X parce que conçus hors mariage. Abandon d’enfant nécessitant la complicité de toutes les femmes de la famille.
J’y ai vu des femmes sans visage.
J’y ai vu des femmes sans cheveux.
J’y ai vu des femmes brisées par la peur.
J’y ai vu des femmes, pourtant. Toujours.
Mais j’ai bien compris que ce n’est pas mon boulot de dire ou de penser quoi que ce soit. Je fais très bien comme si je ne voyais pas, comme s’il était possible de ne pas voir ce qui cherche tant à se montrer.
Je leur parle comme si de rien n’était. Je suis une femme respectueuse de tout.
Je souris aux cadavres, je regarde dans les yeux des esclaves.
J’étais nue, tous les soirs. Pour des femmes et des hommes.
J’ai exposé mon corps comme la plus respectée et la plus noble des choses du monde.
Alors, évidemment, il y a une sorte d’électricité qui passe enre nous. Des éclairs de vagins et de seins, des orages d’ocytocine, des pôles positifs et négatifs de menstrues, des explosions de progestérone.

Merci aux deux Béatrice pour ce superbe hommage aux femmes, merci pour l’immersion amniotique au plus profond de l’âme d’icelles.
Merci pour la leçon.

Femmes, nous vous aimons, mal sûrement, mais comment s'empêcher...


Raimu, la femme du boulanger


- Oh, pis tu sais, avec les femmes on sait jamais, c’est tellement compliqué, c’est pire qu’une montre ! 

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