Ah, putain ! Il a une histoire, ce bouquin d’une Histoire.
Souffre de la subir, farang-chtimi.
Ça démarre chez Philou le Lillois, un samedi midi ; les conventions sociales, tu sais ? Ch’t’invite, tu m’invites, ceci-cela… Mais avec le Lillois, ce n’est pas que ça. Je le connais mon Philou, on s’est déjà calculé depuis des décennies, on n'est plus dans les faux semblants. Lui le Viking cacochyme, moustachu, blond presque chauve et amateur de bière, et mézigue, jeune gaillard dynamique, pas chauve, charme slave, et se bonifiant au fil du temps… Je sais, c’est injuste mais c’est comme çà.
Bref, ce jour là et en son salon, le Philou me jette le gant :
- Tu devrais lire ça, me glisse-t-il subrepticement à l’oreille en me tendant à la surprenante un livre de sa bibliothèque (je ne fréquente que les Lillois qui ont une bibliothèque un peu fournie).
- Ah, ouais ? dis-je en ployant sous le poids du morcif qu’il vient de me coller dans les pognes. Du sérieux, 950 grammes sur la Terraillon, je viens de vérifier.
Ch’uis pris aux pattes, tu penses ; il se venge le batave du sud, depuis le temps que je lui refile des bouquins à cézigue : les Charlotte Delbo, les David Rousset, les Wajdi Mouawad, etc. ; je ne peux plus me dérober, et pourtant Dieu sait que j’ai du retard dans ma PAL ! J’accepte nonobstant le cadeau “empoisonné” en faisant glisser la pilule avec ses bières extravagantes à ce maudit Lillois…
Si bien, qu’au bout de plusieurs mois de tergiversations et de petites lâchetés, à force de procrastinations, je m’étais décidé à lui rendre sans l’avoir lu cette chute des géants, vaincu d’avance par l'ampleur de la tablature - oui, il y a trois tomes, trois mille pages à bectaresse, ‘tain ! J’allais pas garder ce premier opus pendant des mois… Contrit et péteux, je le ramène donc au bureau.
Philou, c’est pas un vicieux, il se contente de sourire quand je lui fais le topos ; tu parles, il vient de gagner ! Il me demande de le garder un moment car il va en réunion, ceci, cela, et qu’il repassera plus tard dans la journée pour le récupérer.
Pis il a dû oublier.
Ni une, ni deux, je l’ai remis dans le ©Eastpak et retour à la cagna, le soir même... Et je l’ai démarré illico ce siècle number one.
Et j’ai bien fait ! Quoi que...
Ces premières milles pages m’ont fait passer la semaine en mode autiste patented !
On est de plein pied dans le roman réaliste à la Zola mais scénarisé par les boys d’Hollywood. Des dizaines de personnages, de lieux, de situations qui vont s’entrecroiser entre 1911 et 1924 dans ce premier opus.
La véritable charnière entre le XIX et XXe.
Des dizaines d’histoires qui tissent l’Histoire ; le tourbillon des hommes, des femmes, des peuples, des empires et des cultures ; le choc de la lutte des classes, des mines du pays de Galles aux usines de Petrograd ; les castes de guerriers qui programment la course éperdue à la guerre ; l’escroquerie idéologique du Léninisme qui s’abîme dans la sanguette des sous-sols de la Loubianka ; la pusillanimité électoraliste des locataires de la Maison Blanche ; la boucherie jusqu’au-boutiste de l'offensive de la Somme, und so weiter…
Et toujours les hommes qui vivent, meurent, aiment, baisent, haïssent, luttent, pleurent, rient, se saoulent, s’étripent et naissent...
Le spectacle du grand Barnum des temps modernes avec la Grande Guerre à la clef.
Convenons-en, avec ce pavetard, cette kolosal odyssée, Ken Follett nous est parti dans l’écriture de l’encyclopédie historiographique et scénarisée du XXe siécle. C’est la chute de la maison Ucher puissance dix, mon cadet !
Cela dit, outre sa Barbie, Ken doit posséder une cohorte de documentalistes infatigables. Quelle compilation de destins !
C’est passionnant, remarquable et très agréable à lire.
Y a pas, Ken Follett est grand, et Philou le Lillois est son prophète : merci à eux deux.
Adé et à s'arvir !
les trois mineurs gallois, ©Eugene Smith |
Tu ne t’en tireras pas comme ça, Comte Fitzherbert...
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