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samedi 28 février 2015

Les Fioretti de Saint François

Devine un peu comment ces petites fleurs m’ont atterri dans les pognes.

C’est encore un coup de ce diable de Jean-Claude Ameisen ! Ouais, un samedi matin d’il y a quelques semaines, v’la-t-y pas que du haut de l'épaule de Darwin il nous récite des morceaux de ces Fioretti ; ah, putain de dieu, c’était magique… Écoute au moins le début : les petits zoiseaux, les tourterelles... Pis, moi, j’y faisais confiance au Jean-Claude, tu penses, un mec qui m’a mis le nez dans Lusseyran, Eliot ou Quignard ; j’ai amazo-déconné tout de suite !

Tu sais comment on dit, hein ? Quand le vin est tiré… 
Gloups !
C’est du brutal ! Aussi incongru que quatre évangiles ou un coran, et il faut bien le reconnaître, il n’y a que la voix et la scansion d’un Ameisen qui soit capable de faire passer la poésie acide des premières goulées.

Bien sur, j’ai retrouvé les passages cui-cui qui m’avaient tant ému :

...
Et comme il continuait son chemin dans la même ferveur, il leva les yeux et vit quelques arbres près de la route, sur lesquels il y avait une multitude presque infinie d’oiseaux ; saint François en fut émerveillé et dit à ses compagnons : «Vous m’attendrez ici sur la route, et j’irai prêcher à mes frères les oiseaux.» Et il entra dans le champ et il commença à prêcher aux oiseaux qui étaient à terre ; et aussitôt, ceux qui étaient sur les arbres vinrent auprès de lui, et tous ensemble restèrent immobiles jusqu’à ce que saint François eut fini de prêcher ; et ensuite ils ne partirent même que lorsqu’il leur eut donné sa bénédiction…
(chapitre 16)

Ou encore quand il fait copain-copain avec le leu (messire) de la ville de Gubbio et qu’il arrive à le convaincre de se mettre au régime yaourt-salade en lui récitant un avé et deux pater :

[...] le loup arriva la gueule ouverte, à la rencontre de saint François ; et s’approchant de lui saint François fit sur lui le signe de croix, l’appela et lui parla ainsi : « Viens ici, frère loup ; je te commande de la part du Chritz de ne faire de mal ni à moi ni à personne.»
Chose admirable ! Aussitôt que saint François eut tracé la croix, le terrible loup ferma la gueule et cessa de courir ; et, au commandement, il vint, paisible comme un agneau, se jeter couché aux pieds de saint François.
(chapitre 21)
...
‘tain, c’est y pas du domptage catholique franciscain et apostolique de première, ça, mes cadets ?
Donc, fort de ses premiers succès dans la zoo-convertion de masse, le facétieux saint François ne s’arrêtera plus de subjuguer nos amies les bêtes ; plumes, poils, écailles, rien ne lui résistera ! Et garde cependant bien à l’esprit que parallèlement à ce tropisme assez singulier, il poursuivra - non sans un certain succès, ma foi - une carrière de Messie, avec production de miracles, stigmates officialisés par le Comité International Olympique du XIIe siècle et toutim.
Du petit jésus doré sur tranche, ch’te dis !

Nonobstant, il ne faut pas trop garder rigueur aux moines franciscains du XIVe siècle qui ont imaginé cet évangile made in saint François en cueillant ces Fioretti ; toutes ces métaphores et paraboles enluminées ne font que donner la mesure de “l’esprit magique” qui habitait la cervelle des moinillons du bas moyen âge.

Et pour en finir, sache farang-laudateur-d'Umbert-Eco, que durant toute cette sainte lecture je n’ai pas pu m’empêcher de calquer la trogne du Ubertin de Casale que l'on croise dans Le nom de la rose sur celle de ce pauvre bougre un peu dingo qu’a dû être Saint François d'Assise.


Ubertino de Casale
(William Hickey)




Tu aimes les films de gladiateurs, mon enfant ?...







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