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mercredi 8 avril 2015

Ce qu’il advint du sauvage blanc, François Garde

La lecture de ce bouquin m’a presque fait penser à Rufin, te dire la qualité de la tablature de l’ami François !

En 1843, le jeune Narcisse Pelletier, matelot à bord de la goélette Saint-Paul, se fait oublier sur une plage de l’Australie et va passer dix-huit ans avec les aborigènes, à vivre à poil, à dormir par terre, à bouffer des lézards semi-cuits et à boire de l’eau terreuse, et tout ça dans une contrée franchement hostile… et pourtant, cette civilisation multi-millénaire, cette culture carrément sophistiquée, plus douce que belliqueuse, presque focalisée sur la nature, la survie et le lien social va non pas tant adopter qu’intégrer le jeune matelot pour le transformer en véritable aborigène “blanc”. Il y perdra jusqu’à la mémoire de sa langue maternelle et devra subir un dur ré-apprentissage dès lors qu’il retournera sous les fourches caudines de la vraie civilisation car, hélas pour lui, il se fera capturer par un équipage Anglais qui le ramènera à Sydney. Ici, et toujours pour son malheur, il croisera la route de l'éminent Octave de Vallombrun qui finira par le rapatrier en Europe.

Le livre alterne savamment entre le récit de la vie d’Amglo - car tel est son nom au sein du groupe de “sauvages” qui l’a recueilli - et son retour parmi les “siens”, dix-huit ans plus tard, que nous suivons par le biais d’une relation épistolaire entre son Cicérone, Octave ceci-cela, et le président de la Société de Géographie.
Cette progression synchrone dans le récit, à raison d’un chapitre sur deux, est terriblement efficace et anxiogène. On sent bien que le retour à la civilisation va être problématique pour l’ami Narcisse et, d’une robinsonnade, le livre bascule peu à peu dans l’histoire d’un «enfant loup».
Malgré la bonne volonté de Narcisse et la savante gentillesse d’Octave, la rééducation aux valeurs de la France de Napoléon III va s’avérer être un parcours douloureux et stérile, tant pour l’élève que pour le maître, car pour un européen du 19e, comment supposer, ou ne serait-ce qu’imaginer, qu’un sauvage démuni de tout désirât le rester ? Le malentendu sera total ; Narcisse/Amglo se perdra et Octave de Vallombrun en mourra...

Et pourtant, les dernières pages font plus que suggérer que celui qui apprit le plus de cette leçon n’est peut-être pas celui qu’on croit, le bon sauvage - et d’ailleurs, que sait-on du bonheur d’un sauvage, quand bien même serait-il blanc ? Non, les dernières lignes du maître laissent accroire qu’il a compris son erreur, qu’il n’eût jamais fallu intervenir et que l’observateur faussera toujours l’observation.


Un très, très bon moment ; merci à l’ami François Garde, c’était parfait.





Drone aborigène...

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