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mercredi 4 juin 2014

Sainte-Colline, Gabriel Chevallier

Excellent Gabriel Chevallier ! 

Lectrice bygmalionâtre, si tu as la chance de goûter la plume d’un Roger Martin du Gard, d’un Alphonse Allais, d’un Jules Vallès ou d’un Alphonse Boudard, je te conseille vivement de foncer sur cézig…
Après avoir découvert ce Nouvel-Ami il y a peu avec La Peur, ce terrible livre sur Sa Grande Guerre - le coeur me faut encore rien qu’à l’évoquer tant ce fut poignant et réaliste -, je me suis épris de ce talentueux autobiographe, ce parfait écrivain que j’avais superbement ignoré jusqu’à présent. Je n’ai même pas lu Clochemerle ; impardonnable !

Quoi qu’il en soit, Sainte-Colline est un établissement scolaire (j’ai failli écrire pénitencier) tenu par une brigade de curés de l’ordre des Trinitaires. C’est un collège et aussi un pensionnat dans lequel la petite bourgeoisie avoisinante a l’habitude de se débarrasser de sa progéniture pendant presque un an. 
Attention, ambiance rugueuse pour les chères têtes blondes ; être pencu chez les curés en 1912, t’as mêm’ pas idée du parcours !
Nous allons donc passer une année scolaire (1912-1913) à Sainte-Colline avec toute une clique de chenapans. Ils sont tous là, les malins, les grands, les petits, les crapules, les faillots, les têtes dures, les caïds, les pleurnichards, etc. Et plus les conditions sont défavorables, et plus les conneries sont pittoresques. Un chassé-croisé entre la rigoureuse vigilance des matons cléricaux et l’incroyable imagination des cancres résolus, dès lors qu’il s’agit de trouver une bonne connerie à faire.
La cuvée Sainte-Colline 1912 est donc parfaite à ce point de vue car ces mômes sont cruels, émouvants, perfides, innocents, pervers, attachants et invariablement dotés d’une imagination sans bornes pour foutre la scaille dans la boutique des curés. Des mômes, quoi.

L’ami Gabriel Chevallier eut pu se contenter d’en rester là, et cet excellent bouquin écrit en 1937 établissait nonobstant un superbe et très littéraire témoignage de sa scolarité à Valmonciel  (Saint Chamond, 42400). Mais il fait encore mieux dans ce livre, il propose une étude extrêmement fine sur les us&coutumes des curetons sous Pie X et Poincaré.
Si les turpitudes des mômes du pensionnat sont incontournables, le détail de la vie et des tourments de leurs professeurs et des surveillants n’en est pas moins important. Figure-toi que tu vas passer la moitié du temps dans la tête de ces bons Pères…
Il y a des pages poignantes sur le désarroi des prêtres face aux contingences de tous les êtres sexués ; les doutes, les rebellions chez quelques-uns en phase de burn-out aigu.
Il y a d’autres pages, au contraire, qui dépeignent des monstres totalement convaincus, droits dans leurs bottes et intransigeants comme tout bon émule de Saint Ignace de Loyola se doit de présenter.
Il y a même le Père Bricole, le seul véritable chrétien de toute cette engeance curetonne, l’ami des fracassés et des oisillons tombés du nid. Ce brave P. Bricole est tellement sympa que c'en est suspect ; un imam comme ça, c'est pas normal !

Une très belle et finalement très philosophique tranche de vie écrite avec le recul du sage qui se regarde et qui se juge en se racontant aux autres…


Encore bravo l’ami. 

zioouuuuuu… splouf… sbling, sbling, splock ! 
- Tiens un Clochemerle vient d’aboiteaulettrer…


Dessin de Kroll paru dans Le Soir

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