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dimanche 3 janvier 2016

La Prisonnière, Proust

À la recherche du temps perdu V 

Quant à la jalousie, le maure de Venise était un petit rigolo comparé à ce grand couillon de narrateur. Non, farang-shakespearien, tu n’as jamais vu plus suspicieux, plus jaloux, plus con et méchant que ce bougre ; d’entrée, l’Albertine il la prend sévèrement en pogne, il la veut à sa botte ! Cela dit, il a raison de se faire du souci car tu te souviendras que la donzelle à des mœurs gomorrhéennes, comme il se plaît à les euphémiser, et un être plus grossier tel que toi, par exemple, dirait qu’elle est un peu gougnotte sur les bords, la Titine ; suffisamment d’indices parsemés depuis deux ou trois bouquins le laissent supposer sans doute possible.  
Évidemment, qu’elle soit une menteuse impénitente, rien n’est plus sûr, mais de là à régenter les moindres détails de sa vie et à la séquestrer, il y a un gouffre, une maladie mentale qui s’appelle la jalousie. Oui, c’est une maladie et dans ce premier chapitre de «La Prisonnière» l’ami Marcel en décrit tous les symptômes depuis le huis clos de son appartement parisien. C’est fascinant, édifiant et monstrueux.

Puis retour aux pince-fesses dans le salon des Verdurin, Quai Conti, où tu assisteras à la fracassante déchéance mondaine du baron de Charlus. Un spectacle d’une férocité rare où la petite coterie habituelle, aiguillonnée par l’animosité de Mme de Verdurin va déployer des trésors de fourberies et de méchancetés pour expulser cette pauvre vieille folle de Charlus.

On terminera ce récit sur un autre coup de théâtre : Albertine s’échappe sans tambours ni trompettes et laisse notre fragile Othello d’opérette le bec dans son caca… heu, dans sa jalousie.

On le savait déjà, mais dans cet opus le narrateur donne la pleine mesure de tous ses défauts les plus poignants : oisiveté, veulerie, lâcheté, jalousie, procrastination, préciosité ; la parfaite caricature d’un dandy vaguement neurasthénique et pété de thunes du début XXe.
Heureusement que Dieu existe, de temps en temps, et ce sale type s’avère être un des plus grands écrivains de son siècle ; ceci compensant cela.

Oui, je suis maintenant drôlement bien installé dans la Recherche, j’ai trouvé mon braquet et j’enroule à mon rythme ; je suis à l'aise ; je me régale. Cet ouvrage est tout simplement «énorme» !  Chuis à deux doigts de crier au chef-d’œuvre, te dire !
En fait, et d’aussi loin que je me souvienne, je n’ai jamais vécu un truc pareil en lisant, même ma façon d’aborder le temps de la lecture a changé. Je ne lis plus de façon fortuite, dans l’entre-deux des inutilités bruyantes du quotidien, non, je me consacre vraiment à cette tâche, je me programme de larges plages où il ne faut plus venir me faire chier et durant lesquels j’ânonne, marmonne et fronce des sourcils en suivant presque les lignes du maître d'un index attentif ; il y a Proust et moi… je deviens étranger au réel, mono-maniaque et désagréable avec mon entourage. Peut-être même me faudra-t-il songer à un suivi psychologique, bientôt, quand il s'agira de se sevrer...

La Recherche ?
Un plaisir solitaire et exclusif, presque une mauvaise habitude.




Albertine assoupie...

2 commentaires:

  1. Test de commentaire ... Je t'ai fait aussi un commentaire ici il y a quelques jours mais il a disparu.

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  2. Ho !? Stupéfaction, mystère, ça fonctionne ! Bon comme c'est toi le spécialiste, tu pourras peut être m'expliquer.

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