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lundi 21 avril 2014

Le principe du petit pigouin, Denis Doucet

Le jeune gars Rémi c’est pointé dans mon burlif, l’autre matin, en faisant sa danseuse :
- J’ai un truc à te faire lire… mais ch’ais pas bien si ça va te plaire… ceci-cela.
Il prend des gants, il tournicote avec des airs empesés, contrits, il voit bien que le micro “espace lecture” que j’ai créé sur mon bureau est relativement hétérogène, mais il se méfie… c’est normal, il est prudent ; on se côtoie depuis moins d’un an, nous ne sommes pas si familiers.
Il a raison, c’est une bonne stratégie à priori, faut faire gaffe au début, il peut y avoir des surprises, des malentendus, mais en l'occurrence il pourrait me poser Le Coran, La Bible ou Mein K[bip] devant le nez que je ne moufterais pas, je lirais… ne serait-ce que par tropisme, on verrait bien après, pourrait y avoir du schproum, des débriefings pénibles… mais l’ami Rémi, ce matin-là, il avait tort de se méfier. Il m’a fait découvrir une excellente formalisation du “raisonnable” au travers d’un conte pour enfant.


Que je te raconte vit’fait l’histoire du petit pingouin Little Boy :


Bon, au début, il est sur sa banquise, il s’amuse avec tous ses petits potes, font des glissades, plongent dans les vagues, etc. Sur ces entrefaites, arrive le gros vieux phoque Big Mouse qui prend le petit pingouin à part et lui propose un deal :
- tu vois, ce sac que j’ai sur mon épaule, il est plein de petites merveilles (et de lui étaler sous les mirettes des écrans plats, des chaînes HiFi, des gadgets technologiques et touti quanti).
Il poursuit ainsi :
- Tout cela est à toi si tu me ramènes cinquante poissons par jour.
Little Boy se jette immédiatement à la baille et commence à travailler.
Cinquante, soixante, soixante-dix, etc, Big Mouse en demande toujours plus et les cadeaux inutiles (le salaire de Little Boy) s’accumule sur la banquise. Bien sûr il n’a plus le temps de jouer avec ses camarades, il est bien trop occupé à accumuler des cochonneries inutiles.
Puis arrive le jour ou Big Mouse passe à la vitesse supérieure :
- Bon, tu te débrouilles comme un chef, Little Boy, tu vas avoir une grande carrière, écoute-moi bien, si tu es capable de fournir tous ces poissons sous d’autres latitudes, tu seras le phénix des hôtes de ce bois...
Et les voila partis monter une succursale sous les tropiques.
Changement de musique, Little Boy n’est pas du tout adapté pour trimer sous les cocotiers, sa pêche chute de façon drastique ; quarante, trente, vingt poissons par jour, convocation dans le bureau du boss, les DRH s’en mêlent et pleuvent les remontrances ; Little Boy est sous pression, à deux doigts de se balancer par une fenêtre du dixième d’un immeuble de France-Télécom… il subit de plein fouet le principe du pingouin.
Heureusement, il va décrocher à temps, tout bazarder et revenir sur sa banquise pour épouser une petite pingouine et se consacrer à ses occupations naturelles.
Ils vécurent heureux et eurent beaucoup de petits pingouins...

Mais combien d’entre-nous n’ont pas les moyens, ou l’idée de revenir sur leur banquise, et restent piégés sous les tropiques, définitivement inadaptés, décalés...

Partant du prétexte de ce petit conte, l’ami Denis nous affranchit sur tout ce que nous subissons au quotidien : la manipulation, le syndrome de la suradaptation, la contrainte, nos rêves programmés par la science des Big Mouse… et il finit par délivrer un remède que tout le monde possédait à l’origine et que nombres d’entre nous ont perdu de vue : le bon sens.


C’est toujours clair et parfaitement compréhensible, Denis Doucet a évité l’écueil du jargon psy, et nous dispense une leçon de philo universelle : apprendre à lâcher prise...

À faire lire absolument à toutes nos chères têtes blondes et voire moins blondes.
De sept à cent soixante dix-sept ans.

Merci Denis Doucet et merci à l’ami Rémi.
De toutes les façons, tu sais déjà très bien que Rémi n’est pas mon ami, c’est pourquoi je dis que c’est mon ami...





Je vous demande de vous respecter...

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