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mardi 28 avril 2015

Cosmos, Michel Onfray

Alors voila, on y est dans le dernier Onfray… les deux pieds dans son ontologie matérialiste, ‘tain ; on serre les miches !

Déjà, les vingts pages auto-biographiques de la préface sont fulgurantes, foudroyantes !
Si tu as déjà lu un de ses bouquins, tu as compris qu’il fait toujours cela, le gars Onfray, il commence par s’expliquer et poser un contexte ; c’est d’ailleurs un de ses crédo, impossible de comprendre un auteur sans mettre sa vie en contrepoint de son oeuvre, sans confronter ses dires à ses faits et gestes.

Ensuite, dans le tissage d’un canevas épistémologique très serré, très dense, l’ami Michel déploie son implacable tropisme de déconstruction pour nous hacher le réel en fines particules ; nous pénétrons dans la matière vivante par le biais de l’histoire, de l'anthropologie, de la sociologie, de la biologie, la botanique, de la cosmologie, du darwinisme (à tous les étages), de la philosophie, de la politique, etc. ; nous naviguons à vue sur des océans de botanique, d’œnologie, de corrida, de grotte hors du temps de Michel Siffre, d’une toile d’Arcimboldo, ou encore dans la qualité des bulles d’un excellent champagne ; et toujours Darwin en fils rouge, épaulé par Thoreau, Nietzsche, Deleuze, Descartes, Spinoza, Aristote, Diogène, und so weiter...
Tu l’auras compris, nous nous confrontons ici à la qualification d’une ontologie matérialiste à large spectre ; tout y passe : le temps, la vie, les plantes, les animaux, l’art, les religions ; depuis les vers nématomorphes qui parasitent les grillons et les poussent au suicide, en passant par l’anguille lucifuge qui va se reproduire et mourir dans la mer des Sargasses, jusqu’aux poétiques profondeurs intersidérales de l’univers chiffonné de l'excellentissime Jean-Pierre Luminet...
(satisfecit à Peter Singer, le zoophile antispéciste adepte du végétarisme et de l’ontologie conséquentialiste… Putain, ça s’invente pas des trucs pareils, et cézigue trouvait parfaitement naturel d’enculer sa chèvre ! )

Et, si l’on ne doit retenir qu’une chose de cette petite merveille, c’est bien de savoir comment nous pouvons avoir prise sur le réel, sur la matière baryonique, ou du moins, qu’est-on prêt à consentir pour avoir ici-bas la vie bonne chère à Aristote ?

Pour presque en finir, Farang-évangéliste, je ne te cacherai pas que je me suis régalé presque tout au long de ce livre, mais laisse-moi cependant t’adresser un petit conseil : si d’aventure, tu te plais à passer pour un catholique, apostolique et romain, si tu aimes la pêche à l’anguille, chasser les petits oiseaux, jouir au spectacle navrant d’une corrida et de l’indigne agonie du taureau, ou si plus simplement, tu es un petit bobo confondant causalité ontologique avec fort pouvoir d’achat, ben, ce bouquin va te faire du mal. Les tyrans (domestiques ou pas), les saints, les gros beaufs, les psychanalystes freudiens et les toreros habillés comme des gonzesses en prennent plein les sabots, et c’est justice !

Au passage il en remet une petite giclée des plus réjouissante sur ses têtes de Turcs favorites.
Ici Freud :
Le complexe d’Oedipe universel est une foutaise, la horde primitive et le meurtre du père, puis le banquet cannibale, une bêtise sans nom, le viol de la première femme par le premier homme, une fadaise inqualifiable, la transmission prétendument phylogénétique de toutes ces farabioles, une vaste fumisterie.
...

Ou sur les Marcel Griaule et Michel Leiris qu’il traite comme les voyoux colonialistes qu’ils étaient, et là sur la corrida, justement ; aficionado de merde, je te laisse escalader ce petit sommet de lucidité :
Dévêtons la corrida de ses oripeaux esthétisants, intellectualistes, culturalistes, pour la regarder en face et voir ce qu’elle est vraiment, à savoir une torture infligée à un animal condamné à mort, un acte de cruauté, un geste clairement sadique et une perversion caractérisée. Ces mots ne sont pas des jugements de valeur, ils qualifient objectivement des faits.

Et bien sûr, encore et toujours à taper sur les curés de Jean-Claude... un régal :
...
Dans le nouveau Testament, qui raconte la vie d’un homme qui n’a existé qu’à coup de métaphores et d’allégories, de fables, de mythes, de recyclages de fictions orientales...
...

Tu comprends, maintenant, le discours de Michel Onfray n’est pas performatif, ce que je dis est, au contraire, il est constatif, ce qui est, je le dis : tu vois le coup ?

Bref, c’était parfait, un livre remarquable... 
Cela étant, et pour ne pas passer pour le dernier des flagorneurs, je n'ai quand même pas tout apprécié ; ouais, le petit couplet apologétique sur les Tziganes, par exemple ; comment ils vivaient avant de se faire ethnocider par le Jean-Claudisme ; la liberté dans l’errance, le feux de bois du soir au campement, et patati et patata… Franchement, Michou, tu voudrais vivre comme un romanichel, toi ? À bouffer des hérissons mal cuits et des châtaignes farineuses, à souvent déguerpir devant une meute de paysans qui ne songe qu’à te planter une fourche dans le cul, à traînailler par tous les temps derrière une roulotte brinquebalante tirée par une haridelle étique, à patauger dans la merde et la misère, hum ?  Ben, moi, la vie bonne aristotélicienne, j'la vois pas comm' ça, 'tain !
Mais heureusement que nous ne sommes pas d'accord sur tout, n'est-ce pas ? 

Alors encore une fois merci ami Michel, je t’aime beaucoup, et puisque nous dégustâmes à l’envie de si bons champagnes dans la première partie de ton «premier livre», laisse-moi en finir avec celui qui enchanta nos années rebelles… l'ami Higelin.



Tchin-tchin
Cocher lugubre et bossu, déposez-moi au manoir
Et lâchez le crucifix
Décrochez-moi ces gousses d'ail
Qui déshonorent mon portail
Et me chercher sans retard
L'ami qui soigne et guérit
La folie qui m'accompagne
Et jamais ne m'a trahi
Champagne !



mardi 21 avril 2015

Robert Badinter un juriste en politique, Paul Cassia

Il ne s’agit pas ici de faire le dithyrambe du grand homme car qui pourrait détester ce pur produit de l’esprit des lumières, sinon les sots ?
Les fées ont dû se pencher sur son berceau !

On sait tous, bien sûr, que c’est l’homme de l’abolition de la peine de mort, en 1981, mais c’est déjà un vieux briscard des prétoires à ce moment là car il débute sa carrière en 1950, sous la férule d’Henry Torrès.
Il sera aussi l’avocat de «L’Express», ainsi que celui des «assassins» dans les années 70, et je ne doute pas qu’il aura été un lecteur très attentif de Foucault (Surveiller et punir). 
Il y gagnera l’inimitié de la majorité de ses concitoyens, je m’en souviens. Que n’entendait-on alors sur ce «salaud» qui luttait de toutes ses forces pour que l’on ne coupât pas en deux ses infanticides clients… et plus tard, en 1981 donc, il n’y eut qu’une minorité du peuple français pour accepter l’abolition de la peine de mort, et pourtant, qui maintenant oserait la remettre en doute, hum ? 

Il sera de tous les combats, dépénalisation des relations homosexuelles, convention européenne des droits de l’homme, und so weiter...

C’est aussi l’homme qui en 1994 dira :
«Candidat, jamais. Je suis trop lucide et pas de nature à transporter les foules (...) Je cumule tous les défauts : intellectuel, parisien et juif.»

Et ce n’est pourtant pas fini, il présidera ensuite deux fois le conseil constitutionnel et sera même sénateur des Hauts-de-Seine.

Merci, Monsieur Badinter, merci d’avoir été le digne fils des Voltaire, d’Alembert et Condorcet ; merci d'être notre champion des temps modernes.


Un travail remarquable de l’ami Paul Cassia, toujours intéressant, très complet mais jamais intrusif, car en fait il ne s’agit pas d’une biographie au véritable sens du terme, très peu d’incursions dans le privé de Badinter, à peine ce qu’il faut pour étayer certains pans de sa vie publique, car c’est bien de celle-ci dont il est question ici, et je comprends maintenant qu’il y avait déjà de quoi faire pour la condenser en moins de six cents pages !

Merci Paul Cassia de nous le faire aimer encore plus, ce géant du génie français. C’était remarquable et passionnant.



Elisabeth



Quel homme mon Robert…

jeudi 16 avril 2015

La vie devant soi, Emile Ajar

Momo (Mohamed) est un petit garçon… arabe, et il est élevé par Madame Rosa… une vieille juive.
On est à Belleville, au début des années soixante-dix. Madame Rosa, vieille pute d’avant guerre fut un jour convoqué par la police pour soi-disant assister à une réunion, au Vél’ d’Hiv, puis elle fut invité dans une institution pour juifs, à Auschwitz… elle en revint, physiquement s’entend, mais ça tête a dû rester là-bas. Disons qu’elle est un peu traumatisée, elle n’aime pas bien quand ça sonne à la porte de sa cagna à six heures du mat’... 
N’empêche, maintenant elle s’occupe des enfants de putes ; oui, les putes n’ont pas le droit d’avoir d’enfants, sinon y vont à l’assistance… et ça c’est terrible l'assistance, comme l’hôpital !
Hélas, Madame Rosa est vieille, grosse et essoufflée, et son gourbis est au sixième, sans ascenseur ; Momo qui a presque dix ans, bientôt quatorze, est le plus vieux de la couvée de tous les fils de putes qu’elle élève, il aide… comme il peut. Oui, car ils sont nombreux, tous ces fils de putes, chez Madame Rosa, en pension pour la semaine, ou plus...
Au fils des ans, il s’est créé une relation quasi amoureuse entre Momo et Rosa. Le petit môme est devenu l’homme de la maison, entre débrouille, mensonges et petits larcins il participe à faire bouillir la marmite et surtout il donne son amour à la vieille femme.
Moi je pense qu’on respecte pas assez les vieilles putes, au lieu de les persécuter quand elles sont jeunes. Moi si j’étais en mesure, je m’occuperais uniquement des vieilles putes parce que les jeunes ont des proxynètes mais les vieilles n’ont personne. Je prendrais seulement celles qui sont vieilles, moches et qui servent plus à rien, je serais leur proxynète, je m’occuperais d’elles et je ferais régner la justice. Je serais le plus grand flic et proxynète du monde et avec moi personne ne verrait plus jamais une vieille pute abandonnée pleurer au sixième étage sans ascenseur.

Bien sûr, il n’est pas seul, tous les habitants de l’immeuble et même du quartier sont solidaires, depuis les frères de Monsieur Waloumba qui habitent dans le foyer africain, en passant par le docteur Katz et jusqu’à l’irremplaçable Madame Lola, travesti qui turbine nuitamment au bois de Boulogne.
Madame Lola est d’un naturel gai parce qu’elle a été bénie par le soleil d’Afrique dans ce sens et c’était un plaisir de la voir assise là, les jambes croisées, sur le lit, vêtue avec la dernière élégance. Madame Lola est très belle pour un homme sauf sa voix qui date du temps où elle était champion de boxe poids lourds, et elle n’y pouvait rien car les voix sont en rapport avec les couilles et c’était la grande tristesse de sa vie.

Pour son deuxième Goncourt (1975), l’ami Romain Gary nous installe dans la logique implacable de Momo, ça frôle le naturalisme ; humour, lucidité, naïveté, cynisme et amour s'entremêlent dans la caboche du môme pour camper ce formidable personnage. Non content de cela il va le faire valser avec l’exceptionnelle Rosa dans une chorégraphie folle, un ballet de forces centripètes et centrifuges qui fabrique, à mon sens, un des plus beau couple de la littérature : la vieille  juive et le petite arabe, ou autrement dit, quand l’amour transcende le principe de réalité.
Car oui, Il y a de l’amour et de l’humanité à toutes les pages de ce bouquin, c’est le liant, le gluon de cette soupe de quarks interlopes.

Inch'Allah, Madame Rosa, tu vois, ce petit Momo, un jour, ce sera un Saint.


La vie devant soi ? Une merveille…
Et tu seras bien sot de ne pas me le voler dès demain matin.


 





Shma israël adenoï eloheïnou adenoï ekhot bouroukh shein kweit malhoussé loëilem boët...


lundi 13 avril 2015

La fermeture, Alphonse Boudard

Cher Padre Hugo,
Il fallait bien que je garde ton dernier Boudard pour aujourd’hui, car il y a 69 années érotiques, jour pour jour, le 13 avril 1946, cette voyoute de Marhe Richard faisait fermer tous les boxifs de France. 
Avoue, ça valait bien d'être synchrone, de marquer le coup, non ?

Sans compter qu’à ma grande stupéfaction, je l’ai trouvé excellente cette fermeture. Il nous a habitué à plus de déconnades l’ami Fonphonse depuis le temps, à des textes plus anarchiques, moins enquêteurs, car oui, il s’agit ici d’une véritable investigation sur le pourquoi du comment de la fermeture des maisons de tolérances.
Attention ! Te goure pas moussaillon, je ne suis pas en train de te dire qu’il s’agit là d’un sous-boudard, au contraire, il y a toujours la plume et la gouaille de l’animal boudarluche, cette jactance merveilleuse à la croisée du louchébem et du titi des faubourgs, mais en sus, il y a un véritable travail d’investigation, un plan, un but, ça frôle l’exercice journalistique ; Boudard s’est fait chier, il a compulsé, interviewé, remonter les pistes, qui toutes mènent à Marthe Richard.
Il commence par nous affranchir sur le fonctionnement des claques sous la IIIe ; avant la Grande guerre ; puis pendant ; puis après, les années folles, la remonte en Amérique du Sud, quand la fesse parisienne s’exportait en Argentine ; ensuite la deuxième guerre(™), les chentils zallemands venant s’encanailler dans les maisons de Luxe, le One Two Two, le Chabanais… Il nous raconte aussi les B.M.C.(Bordels Militaires de Campagne), et les pitoyables gourbis d’abattages dans lesquels des êtres humaines s’appuyaient soixante ou quatre vingts clilles par jours. Avant la pénicilline, après… Il nous dissèque le fonctionnement d’un claque, les mères maquerelles, les sous-maques, les pensionnaires…  

Et tout cela mène à la sulfureuse Marthe Richard. 
Là, conviens-en, farang-sénateur, il a mis le paquet. On la piste depuis ses débuts dans le métier, de michtonnage en espionnage, d’aviatrice en Mata-Hari, de conseillère municipale de Paris pourfendeuse de lupanars en vieille femme rangée et mythomane. Le parcours complet et documenté.

Ami Hugo, je ne te remercie pas de m’avoir passé ce bouquin car j’avais dans l’idée de lire la biographie de Marthe Richard, mais ce «La fermeture» m’a presque convaincu que tout ce qui lui est consacré ne peut être que bien trop vague, contradictoire et passablement caviardé.

Quant à cette dame, je m’en tiendrai donc à simplement réfléchir sur une phrase de la page 224 :

En résumé, certains la prennent pour une femme admirable à l’âme enveloppée de noblesse et d’autres la tienne pour une fieffée salope, capables de toutes les infamies…


Voila, à moins que Padre Hugo arrive à nous trouver une dernière pépite cachée, je pense que nous venons de faire le tour de tout ce qu’a pu commettre l’ami Alphonse Boudard…

Je me suis régalé à chaque fois, merci à Boudarluche et à son aimable truchement Hugolpince.


Proxosénat, Frankreich 2015 !



Réfléchissez, un bon sénateur ne peut pas être pour la pénalisation du client...

jeudi 9 avril 2015

Oscar et la dame rose, Eric-Emmanuel Schmitt

Cher Dieu,

Je m’appelle Oscar, j’ai dix ans, j’ai foutu le feu au chat, au chien, à la maison (je crois même que j’ai grillé les poissons rouges) et c’est la première lettre que je t’envoie parce que jusqu’ici, à cause de mes études, j’avais pas le temps.
Je te préviens tout de suite : j’ai horreur d’écrire. Faut vraiment que je sois obligé. Parce qu’écrire c’est guirlande, pompon, risette, ruban, et cetera. Écrire, c’est rien qu’un mensonge qui enjolive. Un truc d’adulte.
...

Il s’agit du début de la première lettre qu’Oscar adresse à Dieu.

Le jeune Oscar est malade et vit désormais à l'hôpital. Du haut de ses dix ans, et en interceptant les conversations des adultes, il a bien compris qu’il va mourir sans tarder.
La dame rose, qui va rapidement devenir Mamie-Rose, est une personne d’un certain âge qui l’accompagnera jusqu’à la fin. C’est d’ailleurs elle qui l’incite à écrire une lettre à Dieu tous les jours, c’est aussi elle qui lui suggère que puisqu’ils sont comptés, chacun d’entre-eux vaudra dix ans.
Et de fait, en douze jours et treize lettres à Dieu, Oscar va vivre sa vie… toute.
Oui, elle est là, toute la vie d’un homme, dans ces douze derniers jours d’un petit garçon, dans ces treize épitres qu’il adresse à Dieu. Et bien que personne ne soit dupe, ces lettres sont d’une justesse sidérante, sans aucun pathos ni compromissions. Quand ils jouent aux «grandes personnes», les mômes sont d’un sérieux absolu.
Il y a juste la sagesse d’un petit garçon qui s’étiole inexorablement et l’amour de cette Mamie universelle qui le portera jusqu’au bout.


C’est la deuxième fois en dix ans que ce petit livre croise ma route et j’ai pris une claque et une leçon à chaque fois.
Ce bouquin est une pépite rare, un trésor précieux, un talisman garant de notre humanité, et si finalement Levinas voit Dieu dans le visage de l’autre, moi j’y vois Oscar, et il est fort probable que nous regardions tous les deux la même chose...

Hélas pour ma sensiblerie pathologique, il existe une quatorzième lettre, la voici :

Cher Dieu

Le petit garçon est mort
Je serai toujours dame rose mais je ne serai plus Mamie-Rose. Je ne l’étais que pour Oscar.
Il s’est éteint ce matin, pendant la demi-heure où ses parents et moi nous sommes allés prendre un café. Il a fait ça sans nous. Je pense qu’il a attendu ce moment-là pour nous épargner. Comme s’il voulait nous éviter la violence de le voir disparaître. C’était lui, en fait, qui veillait sur nous.
J'ai le cœur gros, j'ai le cœur lourd, Oscar y habite et je ne peux pas le chasser. Il faut que je garde encore mes larmes pour moi, jusqu'à ce soir, parce que je ne veux pas comparer ma peine à celle, insurmontable, de ses parents.
Merci de m'avoir fait connaître Oscar. Grâce à lui, j'étais drôle, j'inventais des légendes, je m'y connais même en catch. Grâce à lui, j'ai ri et j'ai connu la joie. Il m'a aidé  croire en toi. Je suis pleine d'amour, ça me brûle, il m'en a tant donné que j'en ai pour toutes les années à venir.

A bientôt
Mamie-Rose

P.-S. Les trois derniers jours, Oscar avait posé une pancarte sur sa table de chevet. Je crois que cela te concerne. Il y avait écrit : « Seul Dieu a le droit de me réveiller.».
...

Bon, j'arrête là, j'ai plus de kleenex.


Merci ami Eric-Emmanuel... et merci à Bacon, Einstein, Popcorn, la Chinoise et Peggy Blue d’avoir été les amis de Crâne d’Oeuf (Oscar), et, bien sûr, merci à Mamie-Rose pour toute cette humanité.




      JE SUIS OSCAR        

mercredi 8 avril 2015

Ce qu’il advint du sauvage blanc, François Garde

La lecture de ce bouquin m’a presque fait penser à Rufin, te dire la qualité de la tablature de l’ami François !

En 1843, le jeune Narcisse Pelletier, matelot à bord de la goélette Saint-Paul, se fait oublier sur une plage de l’Australie et va passer dix-huit ans avec les aborigènes, à vivre à poil, à dormir par terre, à bouffer des lézards semi-cuits et à boire de l’eau terreuse, et tout ça dans une contrée franchement hostile… et pourtant, cette civilisation multi-millénaire, cette culture carrément sophistiquée, plus douce que belliqueuse, presque focalisée sur la nature, la survie et le lien social va non pas tant adopter qu’intégrer le jeune matelot pour le transformer en véritable aborigène “blanc”. Il y perdra jusqu’à la mémoire de sa langue maternelle et devra subir un dur ré-apprentissage dès lors qu’il retournera sous les fourches caudines de la vraie civilisation car, hélas pour lui, il se fera capturer par un équipage Anglais qui le ramènera à Sydney. Ici, et toujours pour son malheur, il croisera la route de l'éminent Octave de Vallombrun qui finira par le rapatrier en Europe.

Le livre alterne savamment entre le récit de la vie d’Amglo - car tel est son nom au sein du groupe de “sauvages” qui l’a recueilli - et son retour parmi les “siens”, dix-huit ans plus tard, que nous suivons par le biais d’une relation épistolaire entre son Cicérone, Octave ceci-cela, et le président de la Société de Géographie.
Cette progression synchrone dans le récit, à raison d’un chapitre sur deux, est terriblement efficace et anxiogène. On sent bien que le retour à la civilisation va être problématique pour l’ami Narcisse et, d’une robinsonnade, le livre bascule peu à peu dans l’histoire d’un «enfant loup».
Malgré la bonne volonté de Narcisse et la savante gentillesse d’Octave, la rééducation aux valeurs de la France de Napoléon III va s’avérer être un parcours douloureux et stérile, tant pour l’élève que pour le maître, car pour un européen du 19e, comment supposer, ou ne serait-ce qu’imaginer, qu’un sauvage démuni de tout désirât le rester ? Le malentendu sera total ; Narcisse/Amglo se perdra et Octave de Vallombrun en mourra...

Et pourtant, les dernières pages font plus que suggérer que celui qui apprit le plus de cette leçon n’est peut-être pas celui qu’on croit, le bon sauvage - et d’ailleurs, que sait-on du bonheur d’un sauvage, quand bien même serait-il blanc ? Non, les dernières lignes du maître laissent accroire qu’il a compris son erreur, qu’il n’eût jamais fallu intervenir et que l’observateur faussera toujours l’observation.


Un très, très bon moment ; merci à l’ami François Garde, c’était parfait.





Drone aborigène...

mardi 7 avril 2015

Les temps sauvages, Ian Manook

Alors voila, encore un bouquin tombé du ciel. Et là, gros mystère ! Il a atterri dans ma boite-aux-lettres professionnelle. Physiquement, s’entend. Au milieu des tracts syndicaux et du courrier-service ! L’enquête résultante a fait chou blanc ; je ne sais toujours pas qui m’a gratifié de ce bonus. Aucun de mes dealers patentés n’est dans le coup : c’est personne, l’homme invisible ! Et pourtant il était là, ce polar des steppes mongoles.

Un régal ce Yeruldelgger ; ouais, ch’t’esplique, c’est le deuxième opus de cette série qui implique l’inspecteur Yeruldelgger (Attention, entraîne-toi un brin avant d’essayer de prononcer son nom à froid, tu pourrais faire péter la corde de mi) et, bien sur je n’ai pas lu le premier… mais ça va pas tarder...

Ceci étant, il s'agit là d'un superbe polar qui se passe dans la Mongolie du XXIe siècle ; avoue, ça ne court pas les rues, hein ? 
Si, si, y sont comme nous, les mecs de Mongolie, à part qu’ils bouffent des trucs assez dégueux, sinon, y sont pareils. Des flicards mal payés qui courent aux trousses de kaïras de haut vol, de mafieux internationaux, de trafiquants d’enfants et de militaires corrompus.
Tu apprendras aussi, farang-informaticien, qu’Oulanbator et Ulastaï ne sont pas que des noms de machines, ce sont de véritables villes dont une est la capitale de la Mongolie, ‘tain.

Ce bouquin est remarquablement ficelé ; chapitres courts, récits à étages ; rapidité, fluidité : bravo pour le style, et chapeau pour les têtes de chapitres, c'était une friandise rare.

Quant à l’intrigue et au dépaysement, c’était parfait ! Depuis les steppes battues par le dzüüd (leur blizzard à eux) avec des température de -40° C, en passant par la pollution infernale d’Oulan Bator, tu chercheras tes pistes à Krasnokamensk, la fameuse ville de Russie, plaque tournante de tous les trafics, pour finir au Havre afin de sauver Gantulga, le jeune fils adoptif de la pute copine avec Yeruldelgger. Mais chut...
Pfiouuu ! Quel voyage !  

Merci à l'ami Patrick Manoukian (Manoukian, ian manook... tu vois le coup ?), et encore merci à l’inconnu du Nord-Express qui déposa cette offrande en ma B.A.L. (aïeu !).
Il (ou elle) peut récupérer le bébé sur mon bureau… et qu’il (ou elle) fasse vite car j’ai déjà repéré un malfaisant qui tripotait le bouquin, ce matin. Il avait lu le premier tome, lui, et avait l’air vachement partant pour se bectaresse le deuxième, ce goulafre ! Je ne pourrai pas retenir la meute bien longtemps…




Oulanbator...

samedi 4 avril 2015

La guerre des Gaules, César

Aux entours de cinquante avant Jean-Claude, le gars Jules a mis une branlée phénoménale à la myriade de tribus qui peuplait les trois Gaules d'alors (la celtique, l’aquitaine et la belgique).
Tu te souviendras, farang-légionnaire, qu’il n’arriva cependant jamais à circonvenir un petit village gaulois que tout le monde connaît bien, mais, à cette exception près, il fit plier le col à tous les autres… et putain, y zétaient nombreux les métèques celtes, germains ou Helvètes.

Il y avait les Harudes, les Marcomans, les Tribocques, les Vangions, les Némètes, les Sédusiens, les Suèves, ou encore les Vénètes, les Unelles, Les Osismes, les Coriosolites, les Ésuviens, les Aulerques, les Redons, ainsi que les Trabelles, les Bigerrions, Les Ptianes, Les Vocates, les Tarusates, Les Élusates, les Gates, les Augustes, les Garonnes, les Sibuzates, les Cocosates, et même les Lépontes, les Nantuates, les Helvètes, les Séquanais, les Médiomatrices, les Trévires, sans parler des Éleutètes, des Carduques, des Sénones, des Bellovaques, des Pictons, des Turons, des Parisiens, des Suessions, des Ambiens, des Prétrocoriens, ou autres Nerviens, Morins, Nitiobriges, Aulerques Cénomans, Atrébates, Véliocasses, Lémovices, Aulerques Eburovices, Rauraques, Boïens… Au secours !
Et cette petite liste est loin d'être exhaustive.
J’ai marqué et gribouillé une page sur deux dans cette guerre des gaules pour les dépister tous, nos turbulents ancêtres, mais il y en avait décidément trop !

Je ne veux pas ici nourrir de polémiques, je me doute bien que ce texte de César himself est plus politique qu’historiographique et je n’ignore pas qu’il avait des ambitions ce Napoléon d’avant Jean-Claude, qu’il a plié son texte à l’aune de ses convoitises et qu’il avait besoin de se justifier vis à vis du Sénat de Rome, mais toutes ces précautions prises, permets-moi de le trouver drôlement efficace ce général Caius Iulius Caesar. Y zont pas eu beau spiele nos ancêtres les gaulois. Cet quand même lui, le rital «civilisé» qui mettra tous ces barbares barbus à sa pogne. Militairement, il est génial et nul gaulois qui n’ait accès à une marmite de potion magique ne trouva salut dans une bataille contre lui et ses légionnaires.
Il n’a pas arrêté, on sent bien que c’était son but la conquête de la gaule, et que les gesticulations guerrières des Helvètes n’ont été que le prétexte à toute cette épopée sanglante et pacificatrice.

Quant au style de ce livre c’est on ne peut plus concis, ça frôle la liste d’épicier parfois ; le grand homme parle très souvent de lui à la troisième personne, de sorte qu’on dirait un journal de bord un peu fade, mais l'ampleur de la tablature, des batailles, de l’organisation des campagnes d’invasions, des mouvements de troupes et des détails de l’intendance connexe apparaissent comme extrêmement maîtrisés, cohérents et sinon subtils, du moins très pertinents. Nous avons affaire là à un véritable stratège impérial.

Tout cela dit, si un jour tu te décides à lire ou relire cette guerre des gaules, un conseil d’ami, imprime cette carte , et ne la perds pas de vue quand tu arpenteras cette relation de voyage à travers la France d’avant, car oui, il s’agit d’un véritable tour de force à réaliser dès lors que l’on veut correctement intégrer tout ce bintz : ça pique un peu les yeux si tu n’es pas prof d’histoire, au minimum, ou si tu ne possèdes pas l’érudition et le talent d’un Jean-Philippe Jaworski.

Ah oui, plus de deux mille ans après, je ne peux qu’admirer le grand Jules et ses cohortes romaines, nos ancêtres putatifs !

Mort aux vaincus, et que vive l’Empire !
Hip hip hooray, Jules !

Ha, ha, ha… J’espère que t’as les boules, vilain Denix ! Rends les armes et va immédiatement te raser… barbare tudesque !


chaudron(™)






Arme de destruction massive...

mercredi 1 avril 2015

Le vieux Cordelier, Camille Desmoulins

Quand on te dit qu’il faut toujours lire ce qu’ils écrivent, les gens des époques que tu veux pénétrer. Une, voire plusieurs bio ne suffisent pas, il faut se faire son opinion, il faut s’immerger dans les textes, le contexte, les journaux, les lettres quand il y en a… il faut croiser, recouper les auteurs car figure-toi qu’ils sont rarement d'accord, que l'historiographie est tout sauf une science exacte et qu’en l'occurrence, Michelet ne dit pas les mêmes choses que Lamartine, Arnaud ou Max Gallo et de toutes les façons Mona Ozouf les met tous au garde-à-vous quant à cette période, bref, qu’il faut dans la mesure du possible aller aux sources, remonter les fleuves idéologiques ou sociétaux, et finalement finir par se coltiner avec le génie rugueux de la plume de Desmoulins...

Tout cela pour dire quoi ?
Juste pour dire que l’ami Camille m’a ému à travers ces sept numéros du «Le vieux Cordelier».
J’ai, bien sûr, été particulièrement vigilant sur les numéros trois et quatre car souviens-toi, farang-contre-révolutionnaire, que dans "La vie turbulente de Camille Desmoulins", l’ami Raoul Arnaud nous avait bien briefé sur la situasse : après avoir hurlé aux quatre vents avec la meute sanguinaire, après avoir même suscité ses pires débordements et mérité le titre de procureur de la lanterne, l’ami Camille, dans une sorte de sursaut pré-lévinassien, pris conscience de la folie qui animait la Terreur, et, sous couvert d’érudition et de retour aux éternelles tragédies grecques, il osa ces deux brûlots, les dérobant avant édition à la vigilante censure de Rosbespierre… et ça lui vaudra une grande balafre en travers du col le 5 avril 1794 ! Et oui, il faut te souvenir de la haine qui régissait les relations entre les “indulgents” et les “exagérés” en 1793...

- Comment ? Tu ne vois pas de quoi je parle ? Ami farang, te viendrait-il à l’esprit de me voler un ou deux bouquins, à l’occas ? Tu as des difficultés avec la lecture  ?
Figure-toi que je m’en doutais...

Quoi qu’il en soit, cette belle machine qu’était «Le vieux cordelier» ne fut tolérée par Maximilien que parce qu'elle permettait de compromettre Hébert dans un premier temps et d’abattre Danton par rebond. Tout le monde dans la même charrette !
Y a pas, on peut l’aimer ou pas, et je ne vais pas relire la bio de Max Gallo juste pour te faire l’article, mais avoue, l’était fort l’Incorruptible ! Quel démiurge, quel manipulateur ; en rédigeant Le vieux cordelier, Camille Desmoulins n’en a jamais été que l’éphémère avatar, son faiseur d’opinion ; son truchement journalistique, en somme.
Et cependant, quel talent, quelle plume ce Camille, un régal à lire ces sept numéros, et tant pis si le dernier appert comme douteux et mal corrigé aux exégètes pointilleux, comme le rappelle Pierre Pachet dans la présentation.

Requiescat in pace, Camille, si tu le peux, et merci pour ce sursaut de lucidité et de courage des numéros 3&4 de ton dernier journal.


©Max la menace





Ami Camille, j’aim’ bien ce que vous faites…