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samedi 28 mars 2015

Aux portes de l’éternité (Le Siècle 3), Ken Follett

Ah, ah... mille deux cent treize pages ; 1,172 kilo ; décidément, l’ami Ken Follett mouille le maillot quand il attelle son Underwood.

Le troisième tome de la saga du XXe donc, et toujours sous la férule de l'irremplaçable Mestre Trappiste Philou...
Et ne compte plus sur moi pour dire du mal de cet homme admirable, de ce viking magnifique, de ce parangon de l’étique des corons et de la probité propre à tous ces gens du plat pays aux yeux bleus, de cet apôtre de l’excellence lilloise qui jamais n’a tort, qui jamais n’a failli, qu’oncque n'entendit jamais jurer, ne vit jamais cracher par terre ou commettre autres vilenies fort peu chrétiennes qui pourraient traverser ton pauvre esprit retors, farang-non-chtimi.  
Aussi osé-je affirmer qu’il faut vite le canonifier… heu… canono… canaso… brèfe !
Santo subito ed’Philou !
(Et ouais, «meffave» bien reçu, Philou ; j’ai vite capté que tu m’avais envoyé tes séides quand, suite à mon précédent commentaire, deux enculés tatoués de runes bataves se sont pointés chez moi pour me tabasser et me péter les dents en me traitant d’«épeutnard ed’garden», de «tiête ed’sot» et d’«innochint»… Entre deux baffes, j’ai bien compris à leur accent qu’y zétaient pas corses mes deux mauvais tourmenteurs, qu’ils débarquaient tout droit d’un drakkar picard.)

Pouf, pouf...

Bon, toujours ces cinq familles que l’on suit(Charlie) depuis les années 1910. Tu te souviendras que le «Siècle 1» retraçait la Première guerre mondiale ; le «Siècle 2», la seconde, en gros ; et ce troisième opus nous place entre la construction d’un mur qui partage Berlin en deux et le concert improvisé de Rostropovitch le 11 novembre 1989 quand on le foutra par terre.
Y s’en passe des choses entre temps, monsieur Fernand !

Plongée dans la guerre froide : le rideau de fer, la crise de Cuba, la guerre du Vietnam, Martin Luther King, Kennedy, Hoover, Kroutchev, Gagarine, les Beatles, Nixon, la CIA, la Stasi, le KGB, l’Agence TASS, Bush, Reagan, Solidarnosc…
Et, de fils en aiguille, bienvenue dans le postmodernisme !
Ils sont tous là, les enfants et petits enfants du XXe siècle, à gigoter, vivre, se reproduire et mourir. Ouais, au passage, y baisaient vachement nos anciens ; pas un chapitre sans foufounes chaudasses, grosses teubs anglicanes ou marxiste-léninistes et partouzes inter-raciales à tous les étages… Ça frôle la littérature de genre, la culture Hilton Hotels, avec chais plus combien de nuances de gris !

Et cependant, étonnant que tout au long de ces trois mille pages l’ami Ken Follett ait presque totalement zappé la shoah et plus tard le sionisme. Il y avait pourtant de la tablature. Les juifs ne sont pratiquement pas présents dans ces trois romans qui se voudraient historiques… Si la shoah, et subséquemment, la création d’un état juif dans la Palestine de 1948 n’est pas un marqueur significatif du XXe siècle, alors là, je rends mon tablier… Tu peux me renvoyer tes gros bras Philou, ve perfifterai à dire qu’il f’agit d’une erreur hiftoriologique de ne pas avoir traité le fujet.


Cela dit, merci Philou, merci pour les trois semaines ed balade à travers el grand GR du XXe.
On n’est pas toujours si bien loti par ses dealers !

Ad’taleure, ma fieu.
(est-ce de cette façon qu’on dit «à plus mon ami» en vicking-lillois ?)


©Forrest Gump





Cours Philou !...

jeudi 26 mars 2015

L’hiver du monde (Le siècle 2), Ken Follett

Neuf cent quatre-vingt-seize pages ? C’est mesquin, il aurait pu nous faire un compte rond l’ami Ken… Chuis sûr que c’est la faute à Barbie, elle a dû le perturber...
Quoi qu’il en soit, cette fois on y est, le nez dans le deuxième opus de la saga du “le siècle” selon saint Follett.

Pour la petite histoire, il te faut savoir que je teste une nouvelle filière d'approvisionnement. Ouais, chuis en cheville avec le dabe d’un gang de vikings mafieux qui sévit entre Brabant et Baie de Somme et qui commence à compter dans le milieu de la refourgue de gros volumes.
Attention, kolossale organisation ; ça trafique tous azimuts (Maroilles à l’uranium enrichi, bière trappiste frelatée, Mazda série 6 ou polars historiques) entre Naples, Moscou, Lille et Fontenille-les-bains ; te dire l'ampleur du buziness ; te dire s‘il est devenu incontournable sur «Le bon coin», le Lillois. C’est mon dealer de Follett attitré ; Philou le Lillois qu’on le surblaze... et il m’a fait faut bond, cette vermine du noreux ! Tu sais comment c’est ce genre de trafic, on est toujours à la merci du fourgue ; suffit qu’il soit un peu tête en l’air, ou simplement occupé à faire turbiner ses gagneuses et il te zappe. Deux jours j’ai maronné avant qu’il envoie la soudure, le malfaisant batave, qu’il livre la joncaille.
Cela dit, il m’a refilé les deux pavetards restant en un seul blot ! Je sais désormais de quoi il en retourne quand on me parle du “poids des mots” ! 
Y veut ma moreux ce maudit apologiste des moules-frites ! 
Pis pas commode à bouquiner ces deux énergumènes, quand t’as un bon kilo de fafiots dans les pognes et qu’en plus ils ne sont pas à toi, tu te dois d’avoir des égards avec la marchandise, bouquiner bien à plat, sur un bureau, pas casser la tranche, pas corner les pages, etc., et si tu te risques au pieu avec le bébé, une seule solution : la position du missionnaire car le format monstrueux de ces livres interdit toute autre approche “artistique”, disons.

Bon, et si on causait de ce deuxième tome plutôt que de dégoiser sur les us&coutumes de la mafia sub-brabane, hein ?

La partie continue, donc.
1933, on laisse la grande guerre et les années folles dans le rétroviseur et on s’apprête à vivre les années brunes. Les nazillons ont le vent en poupe et pas qu’en Germanie, ils vont faire florès aux quatre coins de l’Europe, y compris dans la perfide Albion.
Je te l'accorde, farang-bolchevisse, l’URSS est épargnée, cela dit, question «régime fort» les russkoffs ont déjà développé leur propre système tyrannique. Plus rouge que brun, certes, mais tout aussi efficace.
Bref, après les années folles, place au modernisme, aux lendemains qui chantent, aux Reichs millénaires et vive les marchands de barbelés et autres babioles explosives !

Dans ce deuxième opus, on retrouve tous les protagonistes internationaux ; les membres des familles que nous suivîmes dans le Siècle 1 ont eu progénitures et, fatalement, les enfants vont répéter les anciennes erreurs et il faudra une guerre supplémentaire, des millions de cadavres, des solutions finales, des goulags, des batailles de Midway et des bombes atomiques pour calmer les esprits. Après faut reconstruire, bien sûr, en attendant la prochaine guerre, quand bien même serait-elle froide.
Voila comment finissent toujours ces conneries !

Alors, bien sûr, ce n’est qu’un roman pseudo historique qui colle au passé récent, d’accord, mais avoue, cette saga d’hier nous interpelle sur un éventuel demain, non ?  
J’vais pas te la raconter à nouveau, hein, l’Histoire des années trente… quoi que… quand je vois le résultat de nos élections in Frankreich quatre vingts piges plus tard, en plus d’avoir des doutes sur la capacité de l’homo-sapiens à mémoriser son histoire, je commence surtout à choper des sueurs froides, ‘tain !
Une sainte trouille bleu marine...


©Pince-mi et Pince-moi




Aret ed braire ti z aute, euch vé faire a m'mote...

(Cessez de vous inquiéter, on vous dit qu’on s’occupe de tout...)

samedi 21 mars 2015

La vie turbulente de Camille Desmoulins, Raoul Arnaud

On replonge dans le chaudron de la révolution.
Tu l’auras compris, farang-spécieux, ce moment de l’histoire m’intéresse.
Après Vergniaud et ses discours enflammés à la Constituante, il fallait bien se faire gratter l’échine par la plume de Camille Desmoulins (en attendant de frémir sous celle de Hébert).

Pour lui, ça démarre pas fort en 1760, à Guise. L’aîné d’une fratrie de petite noblesse, son père est lieutenant général au bailliage de Guise, il réussira cependant à décrocher une bourse à Louis-le-Grand. Il y usera ses culottes au coté de Robespierre (Maximilien) et deviendra avocat en 1785. Hélas, il bafouille et bégaye, ça la fout mal pour un avocat. Il va merdoyer dans des petits jobs de copistes jusqu’en 1789. Là, c’est la révélation, il s’attache à Mirabeau et prend son essor. Bien que piètre orateur, il sera comme Loustalot, Marat, ou Hébert une des plumes les plus virulentes de la révolution.
Le Camille entre dans l’histoire le 12 juillet 1789 en pérorant au café de Foy (autant pour le discours du 14 juillet et la prise de la Bastille, il n’y était pas) et en ressortira coupé en deux morceaux bien distincts au niveau du col le 5 avril 1794. Dans cet intervalle de temps, de petit avocaillon nécessiteux, il devient un des premiers journalistes politiques avec son «Les Révolutions de France et de Brabant».

...
Comme un chien en quête, il ne cessera pas d’aboyer, le pourvoyeur de la lanterne. Il part en chasse, mufle au vent et oreille aux aguets. Il dépiste, traque et rapporte. La délation est son arme. Il en use sans paix ni trêve, «lance à tort et à travers des conclusions à mort contre quiconque est atteint du crime capital de posséder une paire de culottes ». Au livide reflet de sa lanterne, il attaque et dénigre, diffame et calomnie. Comme plus tard Hébert, il marque les victimes en «riant à la mort», selon l’expression de Lamartine, qui ajoute : « Le peuple avait soif de dénonciations. Desmoulins les lui prodigua. Son nom avait monté avec la colère du peuple… Il entretenait cette colère pour rester grand. »
...

Il gagne ainsi ses gallons de «procureur de la lanterne».
Il se marie en 90 et vit l’amour fou avec la belle Lucile Duplessis, bien qu’il ait courtisé sa mère quelques années auparavant - il n’en n’est plus à une forfaiture près.
Après avoir fait partie du fan club de Mirabeau et Lafayette, il deviendra ensuite le sujet de Robespierre ; l’incorruptible est un malin, il l’utilisera pour abattre ses ennemis et l'enverra à la guillotine quand le pantin tentera de se rebeller, notamment par le biais de son dernier journal «Le Vieux Cordelier».
Comme quoi, il ne suffit pas d’avoir du talent pour réussir et surtout, toujours gaffer le sens du vent quand on fout le feu à la baraque.

Je te le dis tout de suite, Raoul Arnaud n’est pas tendre avec Camille Desmoulins et le moins qu’on puisse dire c’est qu’il n’a pas la même lecture de sa vie que l’ami Claude Cabane, ci-devant journaliste à l’Huma.

Je me demande finalement si la légèreté et la véhémence dont fit preuve Desmoulins tout au long de sa courte carrière de journaliste ne s’apparenteraient pas un peu à ce que firent bien plus tard et en d’autres lieux, les salopards qui distillèrent la haine sur Radio Mille Collines.

Cependant et malgré son talent dévoyé, son inconstance et ses faiblesses, il faut bien reconnaître qu’il a quand même eut le courage de l’intelligence dans ses fameux numéraux 3&4 du le vieux cordelier… et ça sauve (presque) le personnage.

Subséquemment, je crains, hélas, qu’il ne te faille prochainement subir mes divagations exaltées et péremptoires sur les six numéros du «Le Vieux Cordelier» car ils viennent d’amazoner en version poche (et non, merci, je ne veux toujours pas adhérer à la solution «premium» 30 jours gratuits avec boite-à-lettrage en 1 jour ouvré, merde ! Ch’uis pas pressé à ce point ).







Ah ! ça ira, ça ira, ça ira ! Les aristocrates on les pendra...

vendredi 13 mars 2015

Manouche se met à table, Alphonse Boudard

Très avant-gardiste cette Manouche, et même Houellebecq n’aurait aucun mal à la soumettre.

...

Maintenant, les nanas sont responsables… comme à toute époque, elles pensent qu’à se faire baiser, mais ce qu’elles veulent surtout pas, c’est être traitées comme des putes… ah ça ! non !... Baiser avec l’un ou avec l’autre, c’est blanc bonnet et bonnet blanc !... Tringler, et se faire tringler, on l’a toutes fait ! Alors, leur M.L.F., je trouve ça plutôt con !... D’accord, je comprends que les femmes, à compétence et à métier égaux gagnent un même salaire… ça tombe sous le sens… mais à part ça  ?... L’homme est l’homme, et la femme est la femme !... Moi j’étais avec des hommes… hum ! que si on voulait la ramener, sa fraise, on prenait deux tartes dans la gueule !... Et, faites-moi confiance, ça marchait tout aussi bien !... Une femme sera toujours une femme… physiquement, elle est handicapée… ses règles, sa ménopause, ses bouffées de chaleur… c’est pas moi qui le dit, c’est la nature !... Ces nanas qui veulent jouer les jules, ça rime à quoi ? Ça rime à ce que c’est leur jules qui fait la vaisselle ! Moi, Manouche, j’ai jamais été avec des jules qui faisaient la vaisselle… et je suis fière de le dire bien fort !... La femme, dans une certaine mesure, doit rester soumise… y a la femelle et y a le mâle. Moi, je suis pas du tout M.L.F…. et je suis prête à défendre mes positions devant qui le voudra… n’importe où ! n’importe quand !... D’ailleurs, dans leur Mouvement de Libération de la Fesse, c’est tout un tas de vieilles gouinasses qui la ramènent, des mal-baisées ! des qu’ont jamais joui correctement… Avec tous ces caves qu’on se paye aujourd’hui, y a rien d’étonnant !... Freud, je crois, appelle ça la «frustration».
(page 120-121)

Admirable, n’est-ce pas… prenez-en de la graine, les frangines.

Toute cette bonne psychanalyse de bistrot n’est pas sans me laisser un peu rêveur.
Cela dit, et bien que le discours soit bien trop progressiste pour moi, quoi que tautologiquement correct quant à l’affirmation «L’homme est l’homme, et la femme est la femme», je ne vois pas pourquoi il faudrait que les gonzesses touchent la même paye qu’un mec pour un boulot équivalent, non ? Si c’est normal de leur coller des beignes quand on estime qu’elles déconnent, c’est tout aussi normal des les sous-payer, voire même - soyons fous - de leur étouffer tout le carbure quelles ramassent en allant aux asperges… Ben, dis qu’j’me goure !

Non, moi je prétends que tout est dans l’éducation qu’elles reçoivent, les gonzesses ; tiens, prends le pedigree de son mari à la Manouche : Paul Venture Carbone ; avoue, l’a pas eu le parcours d’une pédale de gauche ce lascar, hein ?... Il savait y faire avec son pote Spirito, ils ont éduqué à tour de bras, et dans toutes les catégories. Trafic de putes en Egypte, rois de la dope à Marseille, crimes en tous genres à tous les étages, intelligence avec l’ennemi pendant les grandes heures, sous l’occup, collusion avec les politiques, etc. Des zommes de première qualité, disons.
Tu penses si ces mecs savaient driver leurs gagneuses, mon cadet !


Tu l’auras sûrement compris, farang-de-la-frensh-connection, c’est par le truchement de l’ami Hugo que je brûle mes dernières cartouches de Boudard…

Et on se régale, n’est-ce pas, les filles ? 


Marthe Richard





Je vous demande de lui jeter des pierres...

(Non, j'déconne... Bravo, Marthe !)

lundi 9 mars 2015

La chute des géants (Le Siècle 1), Ken Follett

Ah, putain ! Il a une histoire, ce bouquin d’une Histoire.
Souffre de la subir, farang-chtimi.
Ça démarre chez Philou le Lillois, un samedi midi ; les conventions sociales, tu sais ? Ch’t’invite, tu m’invites, ceci-cela… Mais avec le Lillois, ce n’est pas que ça. Je le connais mon Philou, on s’est déjà calculé depuis des décennies, on n'est plus dans les faux semblants. Lui le Viking cacochyme, moustachu, blond presque chauve et amateur de bière, et mézigue, jeune gaillard dynamique, pas chauve, charme slave, et se bonifiant au fil du temps… Je sais, c’est injuste mais c’est comme çà.
Bref, ce jour là et en son salon, le Philou me jette le gant :

- Tu devrais lire ça, me glisse-t-il subrepticement à l’oreille en me tendant à la surprenante un livre de sa bibliothèque (je ne fréquente que les Lillois qui ont une bibliothèque un peu fournie).

- Ah, ouais ? dis-je en ployant sous le poids du morcif qu’il vient de me coller dans les pognes. Du sérieux, 950 grammes sur la Terraillon, je viens de vérifier.

Ch’uis pris aux pattes, tu penses ; il se venge le batave du sud, depuis le temps que je lui refile des bouquins à cézigue : les Charlotte Delbo, les David Rousset, les Wajdi Mouawad, etc. ; je ne peux plus me dérober, et pourtant Dieu sait que j’ai du retard dans ma PAL ! J’accepte nonobstant le cadeau “empoisonné” en faisant glisser la pilule avec ses bières extravagantes à ce maudit Lillois…
Si bien, qu’au bout de plusieurs mois de tergiversations et de petites lâchetés, à force de procrastinations, je m’étais décidé à lui rendre sans l’avoir lu cette chute des géants, vaincu d’avance par l'ampleur de la tablature - oui, il y a trois tomes, trois mille pages à bectaresse, ‘tain ! J’allais pas garder ce premier opus pendant des mois… Contrit et péteux,  je le ramène donc au bureau.
Philou, c’est pas un vicieux, il se contente de sourire quand je lui fais le topos ; tu parles, il vient de gagner ! Il me demande de le garder un moment car il va en réunion, ceci, cela, et qu’il repassera plus tard dans la journée pour le récupérer.
Pis il a dû oublier.
Ni une, ni deux, je l’ai remis dans le ©Eastpak et retour à la cagna, le soir même... Et je l’ai démarré illico ce siècle number one.
Et j’ai bien fait ! Quoi que...

Ces premières milles pages m’ont fait passer la semaine en mode autiste patented !  
On est de plein pied dans le roman réaliste à la Zola mais scénarisé par les boys d’Hollywood. Des dizaines de personnages, de lieux, de situations qui vont s’entrecroiser entre 1911 et 1924 dans ce premier opus.
La véritable charnière entre le XIX et XXe. 
Des dizaines d’histoires qui tissent l’Histoire ; le tourbillon des hommes, des femmes, des peuples, des empires et des cultures ; le choc de la lutte des classes, des mines du pays de Galles aux usines de Petrograd ; les castes de guerriers qui programment la course éperdue à la guerre ; l’escroquerie idéologique du Léninisme qui s’abîme dans la sanguette des sous-sols de la Loubianka ; la pusillanimité électoraliste des locataires de la Maison Blanche ; la boucherie jusqu’au-boutiste de l'offensive de la Somme, und so weiter…

Et toujours les hommes qui vivent, meurent, aiment, baisent, haïssent, luttent, pleurent, rient, se saoulent, s’étripent et naissent...
Le spectacle du grand Barnum des temps modernes avec la Grande Guerre à la clef.
Convenons-en, avec ce pavetard, cette kolosal odyssée, Ken Follett nous est parti dans l’écriture de l’encyclopédie historiographique et scénarisée du XXe siécle. C’est la chute de la maison Ucher puissance dix, mon cadet !

Cela dit, outre sa Barbie, Ken doit posséder une cohorte de documentalistes infatigables. Quelle compilation de destins !
C’est passionnant, remarquable et très agréable à lire.

Y a pas, Ken Follett est grand, et Philou le Lillois est son prophète : merci à eux deux.

Adé et à s'arvir !



les trois mineurs gallois,
©Eugene Smith




Tu ne t’en tireras pas comme ça, Comte Fitzherbert...

samedi 7 mars 2015

Résister, Henri David Thoreau

Ce petit recueil qui précise ou complète «La désobéissance civile» est composé de cinq essais :

- L’Aubergiste (1843)
- La Réforme et les réformateurs (1846/48)
- L’Âge de l’Ignorance (1843)
- Le Héraut de la Liberté (1844/46)
- L’Esprit commercial des temps modernes (1837)

Et tout cela est radicalisé sous le titre de «Résister à la tentation du laissez faire, au réformisme et à l’esprit commercial des temps modernes ».
Comme quoi nul n’est prophète en son pays !

Pour le dire honnêtement, ce mec m’intrigue, m’exalte et me gêne.
Comme tous les prophètes, il a une prédisposition navrante au mysticisme ; c’est une âme forte, certes, mais mystique.
Non, sans dec, je le vois venir le camarade, je sais qu’il me reste le Walden à ingérer ; il est là, dans la pile, à cligner de l’œil depuis quelques mois, et je sais que ça va me faire du mal… Et oui, on ne peut pas tous finir ermite crasseux et famélique dans une petite cabane au Canada, ‘tain ! Ça doit cailler l’hiver, pis faut chasso-pêcher le peu que tu becteras, pis y a ni câble, ni rézo…  ce glisser dans la peau d’un zadiste qui la jouerait à l’ancienne et tout seul dans son coin : te dire la misère préconisée ! Te dire si on n’est pas empressé...
Telle est, en somme, la radicalité que sous-tend la résistance expliquée par Thoreau.

Et cependant, je ne comprends toujours pas cette notion de transcendantalisme, de méditation, de contemplation, de Surâme ou de «sympathie avec l'intelligence» ; ça sent la roupane New-Age, Messire ! Il faut toujours garder à l’esprit que cézigue croyait à un putain de Bon Dieu, quand même. Ok, c’était la mode, pire, un fondamental - d’ailleurs les amerloques croient toujours en Dieu -, y compris sur leurs billets de banque ! Leur devise : «La bible et un flingue», gravée sur les frontispices, ou alors «Thoreau et Into the Wild» pour les rebelles ; dis-moi que ces gens ne sont pas des farang binaires et mystiques !

Ça c’était pour la partie qui me gêne, mais là où il m’exalte, ou du moins qu’il me plaît, l’ami Thoreau, c’est dans sa critique sous-jacente de la simple indignation. Son truc à lui, c’est la résistance, la désobéissance, l’action, même sous la forme d’une somme d’inerties, et il n’est pas question de s’en sortir à bon compte avec juste de l’indignation ! Avec Thoreau, faut se mouiller, se serrer la ceinture et aller au charbon ! Les petits rebelles de salons, les couillons comme toi et moi, l’indignation au bord des lèvres - et rien dans le calbut, quand ça devient sérieux - ne sont plus de mise ; faut aller à la manœuvre, faut tout jeter par dessus bord et... À Dieu vat !

Ouais, c’est douloureux mais ça me botte que ce salaud de Thoreau mette le doigt sur le point focal de toutes nos lâchetés. Ça permet peut-être de garder une certaine lucidité sur l’étendue de nos faiblesses et la vanité de nos espérances…
Saint Cioran, délivrez-nous du mal !

Une dernière chose avant d'en finir : surtout, ne pas zapper "La réforme individuelle" à la fin du livre. Cette post-face de l'ami Thierry Gillybœuf est lumineuse ; en fait, c'est le miel de ce rucher.

Tu l’auras compris, Henry David Thoreau ne joue pas dans la demi-mesure ; une lecture pas toujours agréable mais édifiante.

Merci Henry David.

©Into the Wild






Into Walden...

mercredi 4 mars 2015

La Tristesse du Samouraï, Victor del Arbol

Le meilleur bouquin qui me soit passé entre les pognes depuis le Anima de l’ami Wajdi Mouawad, en juin 2014 ; cette tristesse du samouraï est une tuerie ! 

Pourquoi ?

Pasque ce roman noir, policier et historique, est fabriqué comme un meuble complexe et précieux, magique et millimétré ; tous les tiroirs de cette formidable marqueterie littéraire s’emboîtent, coulissent et dégueulent la sanie des vilains secrets du franquisme. Des marionnettes tristes qui s’agitent par saccades désespérées en sont extirpées, rouvrant par leurs gesticulations asynchrones les plaies de la guerre d’Espagne sur plusieurs générations. Un théâtre d’ombres, un tourbillon de destins qui se poursuivent et se superposent dans la noirceur du début des années 40, qui sautillent de la division Azul et des camps sibériens aux règlements de comptes dans les méchantes cellottes ibères des années 50, et puis qui se concluront dans une épiphanie mortifère sous les scialytiques d’un bloc opératoire, ou sous les ors des Cortes, le 23 février 1981.
- Pourquoi pleurez-vous ? N’ayez pas peur. Vous verrez, tout va bien se passer.
Maria secoua la tête. Elle n’avait plus de larmes pour elle. Elle pleurait sur l’incompréhension, sur le désespoir muet de vivre dans un monde dont elle ne comprendrait jamais les règles. Les hommes mouraient, tuaient, trahissaient leurs idéaux, embarquaient un peuple entier dans des guerres fratricides, et elle ne comprenait pas pourquoi. Pour le pouvoir, tel est le seul mobile qui mobilise les hommes, le pouvoir, lui avait dit son père un jour. Mais le pouvoir était une chose absurde, abstraite, minuscule et inutile. Il suffisait d’entrer en salle d’opération pour comprendre que les aspirations humaines étaient dérisoires.
(Chapitre 31, p 471)

Ce salaud de Victor del Arbol est un vicieux, c’est un artiste, certes, mais c’est un vicieux !
Il nous met à la torture avec sa gestion des séquences temporelles ; monsieur énerve, suggère ; monsieur consent quelques indices, puis au chapitre suivant, nous empêche de respirer pendant plusieurs pages dans un rebrousse-temps noir comme la nuit ; et on souffle à nouveau, le temps d’avaler une goulée, quelques paragraphes ; et il nous noie derechef dans le sordide et la folie… Ce rythme te laissera exsangue.
Et par le truchement de toute la brutalité cynique des salauds qui hantent cette histoire, émerge une question ontologiquement incroyable :
Les enfants doivent-ils payer pour les erreurs de leurs parents ?
Autrement dit, qu’en est-il de l’innocence ?


Farang-ispano-républicain, je t’en prie, si ce week-end ton i-phone tombe dans les cabinets et si les enfants ont mis la tablette et le portable dans le lave-vaisselle, ne désespère pas, rien n’est perdu, tu auras au moins le préteste d’ouvrir ce livre ; tu seras manipulé, ensorcelé et subjugué par la maestra historiographique et la précision maléfique du camarde del Arbol... ch’t’assure.


Merci Monsieur Victor del Arbol.


Franco






hijo de puta...