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samedi 28 février 2015

Les Fioretti de Saint François

Devine un peu comment ces petites fleurs m’ont atterri dans les pognes.

C’est encore un coup de ce diable de Jean-Claude Ameisen ! Ouais, un samedi matin d’il y a quelques semaines, v’la-t-y pas que du haut de l'épaule de Darwin il nous récite des morceaux de ces Fioretti ; ah, putain de dieu, c’était magique… Écoute au moins le début : les petits zoiseaux, les tourterelles... Pis, moi, j’y faisais confiance au Jean-Claude, tu penses, un mec qui m’a mis le nez dans Lusseyran, Eliot ou Quignard ; j’ai amazo-déconné tout de suite !

Tu sais comment on dit, hein ? Quand le vin est tiré… 
Gloups !
C’est du brutal ! Aussi incongru que quatre évangiles ou un coran, et il faut bien le reconnaître, il n’y a que la voix et la scansion d’un Ameisen qui soit capable de faire passer la poésie acide des premières goulées.

Bien sur, j’ai retrouvé les passages cui-cui qui m’avaient tant ému :

...
Et comme il continuait son chemin dans la même ferveur, il leva les yeux et vit quelques arbres près de la route, sur lesquels il y avait une multitude presque infinie d’oiseaux ; saint François en fut émerveillé et dit à ses compagnons : «Vous m’attendrez ici sur la route, et j’irai prêcher à mes frères les oiseaux.» Et il entra dans le champ et il commença à prêcher aux oiseaux qui étaient à terre ; et aussitôt, ceux qui étaient sur les arbres vinrent auprès de lui, et tous ensemble restèrent immobiles jusqu’à ce que saint François eut fini de prêcher ; et ensuite ils ne partirent même que lorsqu’il leur eut donné sa bénédiction…
(chapitre 16)

Ou encore quand il fait copain-copain avec le leu (messire) de la ville de Gubbio et qu’il arrive à le convaincre de se mettre au régime yaourt-salade en lui récitant un avé et deux pater :

[...] le loup arriva la gueule ouverte, à la rencontre de saint François ; et s’approchant de lui saint François fit sur lui le signe de croix, l’appela et lui parla ainsi : « Viens ici, frère loup ; je te commande de la part du Chritz de ne faire de mal ni à moi ni à personne.»
Chose admirable ! Aussitôt que saint François eut tracé la croix, le terrible loup ferma la gueule et cessa de courir ; et, au commandement, il vint, paisible comme un agneau, se jeter couché aux pieds de saint François.
(chapitre 21)
...
‘tain, c’est y pas du domptage catholique franciscain et apostolique de première, ça, mes cadets ?
Donc, fort de ses premiers succès dans la zoo-convertion de masse, le facétieux saint François ne s’arrêtera plus de subjuguer nos amies les bêtes ; plumes, poils, écailles, rien ne lui résistera ! Et garde cependant bien à l’esprit que parallèlement à ce tropisme assez singulier, il poursuivra - non sans un certain succès, ma foi - une carrière de Messie, avec production de miracles, stigmates officialisés par le Comité International Olympique du XIIe siècle et toutim.
Du petit jésus doré sur tranche, ch’te dis !

Nonobstant, il ne faut pas trop garder rigueur aux moines franciscains du XIVe siècle qui ont imaginé cet évangile made in saint François en cueillant ces Fioretti ; toutes ces métaphores et paraboles enluminées ne font que donner la mesure de “l’esprit magique” qui habitait la cervelle des moinillons du bas moyen âge.

Et pour en finir, sache farang-laudateur-d'Umbert-Eco, que durant toute cette sainte lecture je n’ai pas pu m’empêcher de calquer la trogne du Ubertin de Casale que l'on croise dans Le nom de la rose sur celle de ce pauvre bougre un peu dingo qu’a dû être Saint François d'Assise.


Ubertino de Casale
(William Hickey)




Tu aimes les films de gladiateurs, mon enfant ?...







jeudi 26 février 2015

Le voyage de Marcus, Christian Goudineau

La Gaule, en 130 après Jean-Claude.
 
Marcus, âgé de douze ans, est le jeune fils de Publius, un magistrat de la Gaule Aquitaine qui ambitionne de se faire élire sacerdos, et, comme de tout temps les voyages ont formé la jeunesse, il va suivre son daron dans une singulière tournée “électorale” à travers les us et coutumes de la Gaule du IIe siècle.
Heureusement, le jeune gallo-romain est dur au mal, car le voyage sera quelque fois glandilleux, voire périlleux ; les ennemis politiques de son dabe Publius sont rudes, retords et déterminés. Le jeune Marcus n’est cependant pas le premier farangus venu, l’a du chou et du charme le môme, et il apprendra vite, sauvant à moultes occasions la tournée de son père.

Ce Tour de France anachronique démarre au nord-est de Augustonemetum (Clermont-Ferrand), et tire ensuite droit vers l’ouest pour aller à Mediolanum Santonum (Saintes) ; de là, plein sud jusqu’à Burdigala (Bordeaux) ; léger crochet nord-est pour rallier Vesunna (Périgueux) et plongée sud-sud-est, direction Tolosa (point con) ; de là, sud-est, Narbo (Narbonne) ; petite remontée nord-est en longeant la côte pour toucher Nemausus (Nîmes) ; on repique vers Arelate (Arles) et on remonte légèrement à l’est vers Arausio (Orange) ; il n’y aura plus qu’à mettre le cap plein nord et filer sur Lugdunum (Lyon) via Vienna (Vienne)...
Pfiou ! Avoue, ça fait une putain de boucle. Et tout cela à pieds, à cheval, en voiture et en bateau. Bien sûr, la voiture est d’époque, hippomobile et inconfortable - c’est pas la C4 Millénium de maman, disons - et les populations frustres de l’arrière pays sont en général assez hostiles. On frôle la tribulation, mais quel voyage !
D’autant que l’ami Christian Goudineau a prit le parti de pondre sa pépite sous la forme d’un roman épistolaire - au passage, je ne remercie pas Uderzo&Goscinny de m’avoir enduit d’erreur à ce sujet, le gallo-romain grave, certes, mais pas que sur du marbre : quand il écrit un courriel, il le fait comme toi et moi, sur une tablette de cire !
On assiste donc à un entrelacs de “lettres” qui tissent une épopée parfaitement convaincante et toujours intéressante sur les habitus de nos ancêtres les gaulois. Je te rappelle cependant que nous sommes en 130 après Jean-Claude, et que, à l'execption d'un petite tribu de bonnets-rouges récalcitrants, la Gaule est totalement romanisée, tant politiquement que sociologiquement. 
Jeux du cirque, gladiateurs, oncle sénateur à Rome et famille pléthorique et influente scanderont toutes les étapes de ce voyage initiatique mouvementé ; on visitera même une ferme de crocodiles !
Et tu te figures bien que le jeune garçon qui débute ce périple ne sera plus le même à l’arrivée.


Ce voyage de Marcus est un bonheur de lecture, d’autant que la postface nous donne quelques clefs supplémentaires ; en effet, il est probable que le personnage de Marcus ait réellement existé, qu'il ait parfaitement réussi en politique, escaladant plein pot les échelons du pouvoir gallo-romain, et qu'en outre il ait été un des “romanciers” les plus fertiles du IIe siècle.


Bravo et merci à l’ami Goudineau pour son talent et son érudition, c’était parfait, et bien sûr, merci à l'ami Cricri pour cette savante suggestion...

Vale.



©Astérix







Glou… Glou… Glou… PAF ! ….

lundi 23 février 2015

Soumission, Michel Houellebecq

Autant que je t’avertisse tout de suite, farang-apostat, tu ne liras pas de saloperies sur Houellebecq dans ce petit commentaire. Houellebecq c’est mon pote, c’est mon écrivain francaoui favori, c’est l’observateur désabusé, jusqu’à en être placide et presque impartial, des turpitudes post-modernistes de la société occidentale en général et du rôle du mâle à l’intérieur de celle-ci en particulier - désolé les filles, Houellebecq, c’est pour nous, les Zommes ! Et ça me fait bien marrer quand une fragine (mais non, pas toi Mrs. N.) m’explique qu’elle a bien aimé le dernier Houellebecq, ceci-cela ; hé, les filles, vous êtes réellement peu à calculer qu’il ne fait qu'expliquer le fonctionnement d’une meute de primates avec la subjectivité épistémologique d’un mâle beta bonobo occidental, disons qu'il décrit Jean-Louis mon voisin - sinon, pourquoi t’appellerai-je Farang-ceci-cela, au fil de mes gloses approximatives, hein ? À cause de John Burdett ™ me rétorqueras-tu. Bien sûr, mais pas que ; il faut compter avec la couche d’abstraction du Houellebecq de Plateforme : là on y est en plein, là tu comprends bien ce qui anime le farang de base, ce triste connard qui va aux putes dans le sud-est asiatique.
Mais plus généralement, le camarade Michou nous prend dans la toile des possibles qu’il tisse inlassablement d’un livre l’autre, depuis Extension du domaine de la lutte, mi-90, suivi du flash de ses Particules zélémentaires, puis de Plateforme, de la Possibilité d’une île, de la Carte et le territoire et maintenant de Soumission. Houellebecq est quasiment le seul romancier contemporain qui dissèque la sociologie du mâle occidental avec cette acuité là. Ce Diogène flegmatique nous observe tel un entomologiste, froid et pointilleux, le regard plongé au coeur du tumulte de la fourmilière.

J’arrête le panégyrique, mais tu l’auras compris cette fois : j’aime un peu… beaucoup… passionnément, etc., tous les bouquins de l’ami Michel. À dire vrai, j’en suis à me demander si je ne serais pas un peu amoureuse de ce salaud...

Bon, presque comme toujours et sous couvert d’une légère dose d’anticipation dystopique, Houellebecq continue de nous narrer par le menu les étapes de la décomposition du cadavre de la société occidentale avec ce Soumission.
Mais de quoi s’agit-il ?
Pour le décor : c’est le Paris de 2022, on n’est pas dépaysé.
Le moment : nous sommes à la veille du deuxième tour des élections présidentielles.
La situasse : catastrophique, le Front National est en tête du premier tour ; la droite “normale” a été balayé ; la gauche est à la ramasse, et, le nouveau parti islamique de Mohammed Ben Abbes a réussi à arracher la deuxième place… Stupeur et tremblement dans le landerneau, tu penses !
Le sujet : François, un bobo quadragénaire, prof à la Sorbonne et spécialiste de Huysmans, est en voie de paupérisation sexuelle et affective.

Voila, tu mets une dose d’émeutes dans les banlieues, quelques attentats de-ci, de-là, et un silence radio total de la part du pouvoir et des médias ; tu mélanges tout ça, tu agites bien, et tu assistes, effaré, à l'élection du gars Mohammed Ben Abbes au lendemain du deuxième tour ! Mais attends, t’es pas encore au bout de tes surprises ! Bayrou en 1er Minsistre , ‘tain !
Au passage, le Houellebecq est d’une cruauté… réjouissante avec lou ravi du Béarn.
Et donc, bon an mal an, la soft power islamia envahie mollement mais sûrement la société Française. Ce Mohammed Ben Abbes est un diable intelligent, l’équivalent d’un César ou d’un Napoléon des temps modernes qui mène finement sa barque… Cela dit et encore une fois, les feujes n’ont pas beau spiele dans l’histoire, c’est la grande décarade, l’alya généralisée…
Quant aux gonzesses, faut vite oublier tous vos nouveaux réflexes émancipatoires et castrateurs, ce que vous venez d’apprendre de vos mères post-soixante-huitardes, c’est plus la mode. Les femmes, à la maison ! Et le mouchoir sur la frimousse, s’il vous plait !

Et d’après toi, le François bobo, ceci cela, il va faire quoi, quand on va lui dire que ok, on n’a plus besoin de lui, il peut prendre sa retraite anticipée à 3000€ par mois, et moisir dans sa tour du 13e, ou alors il garde sa place, son rang, etc., pour une paye trois fois supérieure et, sans vouloir paraître insistant, qu’il comprenne bien qu’il a parfaitement le droit de choisir trois épouses (dans un premier temps) parmi ses jeunes étudiantes ?…
Bien sur, il faut qu’il se convertisse à l’Islam ; bon !
Ah, ah... Une simple formalité ; deux heures bloquées sur son agenda, rendez-vous à la Mosquée de Paris, petite séance de décrassage au Hammam, petit laïus obligatoire dans la mosquée, comme quoi il reconnaîtra que Dieu est Dieu et que Muad'Dib heu…  Momo est son prophète, puis gavage de loukoums avec félicitation du jury, et, et... séance “choix des épouses”… une formalité te dis-je...

Alors ? Se convertira ? Se convertira pas ?
SOUMISSION OU PAS ?

[Séquence «Philosophie de comptoir»]

Gardons cependant un esprit critique ; c’est pas que je veuille chicaner, mais Houellebecq se goure sur un point de taille : les gonzesses !
Ok, chuis d’accord pour la théorie du suicide de l’occident et toutim ; et après tout, suicidons-nous, pasque les fachos, j’en veux pas, on est bien d’accord, «no pasaran», ou alors il faut me promettre de la douleur…
D’accord, Houellebecq c’est choquant ; non pas choquant, c’est tétanisant ; il s’est très peu gouré, toute sa littérature est un fixateur du post modernisme, mais il n’a jamais rien compris aux filles, c’est sa faiblesse. Il ne croit pas en elles, c’est là ou il se goure ! Elles ne vont pas se laisser faire les filles, les fumelles émancipées, les nôtres, celles qu’on connaît, qui nous saturent et qui nous ont modelé : nos mères, nos sœurs, nos filles et nos femmes, nos... ces démiurges sinon suspicieuses, du moins pointilleuses quant à leurs nouvelles libertés… Elles vont gigoter les frangines, tortiller du cul, pas se laisser faire ! Ah, ah…
C'est plié d’avance, mon frère, elles nous sauveront.

Nous sauveront-elles ?


M’enfin, un très gros Houllebecq, l’éternelle histoire de la soumission au commandement descendant, ou du moins au ratio qu’il y a entre la verticalité et l’efficacité du pouvoir qui soumet nos âmes.

Je le répète, Michel Houellebecq est mon ami.

MercI.


"Shéhérazade"
Nelly Leitner
Peinture sur soie





Tu suces, chéri ? ...

mercredi 18 février 2015

L’algébriste, Iain M. Banks

Encore un Banks ?
‘tain, mais il n’arrête jamais, fulmines-tu en ton for intérieur, farang-théophanique. Commence à nous les briser menues avec ses conneries de la Culture ! Culture ? Mon cul, oui !

Ne nie pas, niquedouille, c’est ce que tu es en train de penser ; je sais tes habitus car j’ai badigeonné l'intérieur de ton for de particules virtuelles nanotech génociblées sur ton ADN ; cherche pas, c’est de la technologie Equiv-Tech 8/9 ; c’est du code furtif fractalisé en 4D et planqué dans les commentaires de ce blogue. Indétectable, mais autorépliquant : dès que tu lis certaines séquences, ces saloperies te sautent subrepticement aux yeux et pénètrent ton aire V1 par le biais du nerf optique ; ensuite la propagation via le corps géniculé latéral est fulgurante et la contamination 3D est totale au bout de quarante-huit heures. Tu ne le sais pas, mais voila maintenant ta pauvre cervelle quadrillée par un lacis neural de plusieurs kilomètres de monofilaments atomiques totalement assujetti au mien. Et oui, car le mien peut les gouverner tous, tu penses bien, chuis pas con !

- Comment je fais ?
- Je peux bien te le dire, mais ne le répète surtout pas :  
En preums, je me concentre... ensuite je me bouche le nez et je pousse un grand coup… Meuuuhh… Prouuut !
S’initialise alors une liaison descendante qui fait transiter des bouffées de gravitons quantiques par onze dimensions simultanées grâce au trou noir qu’il y a dans mon calbut, à la suite de quoi et par mimétisme ontologique, mon lacis neural établit patafiolesquement un pluging anal (en mode promiscuous) avec ton boyau culier ; il ne me reste plus qu’à m’interphaser avec ton système nerveux et, subséquemment accéder à tes pensées intimes. J’ai prévu de pouvoir espionner neuf lecteurs de ce blogue. A vrai dire, j’ai taillé un peu large, il n’y aura jamais tant de cobayes, mais ça faisait plus Seigneur des anneaux...

Quoi qu’il soit, et pour en finir avec ce commentaire qui est vraiment parti en vrille à l’insu de mon plein gré, si tu as le mal de mer lorsque tu voyages d’un bout à l’autre de la galaxie, si tu ne goûtes pas la fréquentation de petits branleurs malicieux en forme de doubles roues de bicyclette, et si les turpitudes de l’Archimandrite Luseferous te font chier, ou, si plus trivialement tu n’as pas envie de t’appuyer 784 pages d’un superbe Space Opéra (qui ne fait même pas partie du cycle de la Culture), alors ce livre n’est pas pour tézigue… et Iain M. Banks ne peut plus rien pour toi…

À te relire, et merci Iain Menzies Banks.


©Prout !




La fin des haricots...

vendredi 13 février 2015

Méfiez-vous des parachutistes, Fouad Laroui

L’histoire d’une mue.
La ré-injection d’un jeune marocain nommé Machin (!) et issu de l’École des Mines de Paris dans la réalité exotique de Casablanca ; une plongée au cœur de la société marocaine par le biais de l’humour, de la dérision et du décalage culturel.

En voici l’incipit qui te donnera le ton.
...
Un jour, alors que je me promenais, un parachutiste s’abattit sur moi. Il ne s’excusa même pas… Je m’empresse de préciser que ce ne sont pas là des choses qui arrivent tous les jours dans ce quartier de Casablanca où j’habitais alors.
...

Le parachutiste percuteur n’est autre que Bouazza, le pivot de cette histoire loufoque, le barycentre autour duquel Machin devra réinventer de nouvelles orbites frappées au sceau d’une certaine observance religieuse, de l’amitié, de la convivialité, de la promiscuité, de la fantaisie et de l’entre-soi à la marocaine. Bref, le mec Bouazza va être un parfait catalyseur, un gros pénible, certes, mais pas que…

Un enchaînement de situations non maîtrisées qui te donneront la fâcheuse impression de faire un  grand-écart entre Kafka et Cervantes, et surtout un regard malicieux sur les contradictions qui agitent et tourmentent l'Afrique saharienne des années 2000 en général et le Maroc en particulier.

Ce conte ethnologique donne à réfléchir, farang-manardien ; il est plus sérieux et cependant plus léger que je ne t’en ai laissé accroire ; ce Méfiez-vous des parachutistes est désespérément enthousiaste… Et c’est bien.

Bravo à l'ami Fouad.

Et sais-tu qui m’a passé ce bouquin
C’est la belle Freddy, l’exécutive woman des années 2010, qui m’a donné libre accès à sa minuscule mais très intéressante bibliothèque... Je lui ai piqué trois ou quatre «curiosités».
Encore merci ma grande.





Parachutiste marocain après atterrissage...

jeudi 12 février 2015

Le p’tit cheval de retour, Michel Audiard

Sûrement le texte le plus Boudardien qu’ait commis l’ami Audiard.  
Et encore une fois, le dealer magnifique de toute cette dope de première est cézigue Hugo. Il squatte ma PAL cet enfoiré !
Pis j’ai du retard, tu penses, avec toute cette Culture qui m’a emboucané de fin décembre 2014 à fin janvier 2015, chuis drôlement en retard sur le tout-venant ; ça s’accumule...

Pour la situasse, on est en juin 40 et c’est la grande décarade organisée par quelques éléments légèrement vindicatifs de la wehrmacht ; en gros, tout le monde se trisse devant les fridolins qui déferlent sur la France.
Le p’tit cheval de retour est donc une relation de voyage ; les tribulations vélocipédiques de trois jeunes marlous du XIVe : Gédéon, Bébert et Michel qui vont traverser un petit morceau de France. Un regard acide et la verve du Maître sur les us & coutumes de cette époque de grande foirade.
...
Là, brusquement, on s’est retrouvés devant un con. Mais alors un vrai! un maousse ! un nickelé !... Con comme un balai, comme une valise sans poignée, comme un ténor !...

Comment puis-je aimer un salaud capable d’écrire ce qui suit ? ... ça me possède cette histoire.

...
C’était la première fois que je dérouillais une bonne femme. Maintenant que j’y repense, c’est drôle, je m’aperçois que j’ai perdu toutes les mauvaises habitudes que j’avais dans ce temps-là… Sauf celle-là.
???

Et cette tirade dont on retrouve l'esprit dans «Le cave se rebiffe» :
...
Comme je soulevais l’hypothèse d’éventuels chichis de Madame pour le radaboum en chapelet, l’amphitryon a repiqué une crise.
-J’voudrais entendre ça ! a-t-il fulminé, ajoutant en désignant son épaule sous le costard un peu flottant : quand une dame a dormi laga, elle monte aux ordres !
...

Sans parler de sa profonde aversion parigote pour les paysans, un monument dans l’art du  préjugé ; de l’Audiard au mieux de sa forme :

Comme on approchait, nos vélos à la main, il a dû entendre le cliquetis des roues libres. Il n’a pas eu un regard vers nous, il n’a pas bougé le cul de sur son seau, simplement il a sifflé !... Pour avoir entendu siffler les balles, des locomotives et des flics, je prétends m’y connaître en sifflets de toutes sortes, on peut donc me faire confiance quand je dis - et je dis - n’avoir jamais entendu un sifflet aussi dégueulasse, aussi poisseux.
Un autre sifflet - pas mieux - a répondu de l’intérieur de la bâtisse et Patte-de-Son est apparu. C’était la première fois que je voyais sortir d’un tableau de Vlaminck un mec avec un fusil !...
Chocotteurs sur le moment, Bébert et moi, naturel !... Surpris ?... Pas du tout !... Chez nous (c’est pas pour pousser le XIVe en avant), on n’a jamais pu blairer les pécores. Trop d’étourdis - vacanciers, sociologues - les sous-estiment, les prennent seulement pour des sales cons. Appréciation bien légère. De chouannerie en jacquerie, les paysans ont passé leur temps à assassiner le monde. C’EST RECONNU ! Vous avez déjà étudié une ferme de près ?... Le puits, la fosse à purin, le billot, la grande cheminée attisée par la bonne vieille, tout ça pour brûler les pieds, noyer, découper, faire disparaître. Une ferme, si on n’a pas les nerfs solides, c’est terrifiant à regarder ! … Un paysan déjà c’est atroce, avec un fusil dans les mains c’est insoutenable !...


Bon j’arrête là, c’était tout bonnement remarquable, un Audiard pur jus !

Merci l’ami Hugo pour cette pourléchade...


Franck Villard
François Drouineau
(PP)
Patrithouned patented





Mais j’ai sa souris en main !... Ça fait six mois qu’je suis sur le coup !...
Quand une femme a dormi laga, pardon ! Elle s’en rappelle...
(Le cave se rebiffe)

Histoire de l’Algérie coloniale 1830-1954, Benjamin Stora

Enfin du sérieux, j’ai failli me disperser, devenir neurasthénique avec le dernier Modiano.

Encore une fois je dois cette petite merveille au bon vouloir du Père Hugo qui m’a définitivement réifié - chuis plus que sa chose, quoi - avec ses observances hétéroclites quant à ce qu'il faut lire. Ce mec passe de Stora à Audiard avec une facilité déconcertante… hé, y pointe pas chez tonton, l’ami Hugo, c’est l’étalon du self-made-man garanti, il a sa place au Pavillon de Breteuil, à Sèvres.

Bien.
Le bouquin de Benjamin Stora est très dense, bourré d’informations et propose un parfait déroulé des deux cents ans navrants de la présence française sur le sol algérien.
Aux racines du mal il y a l’expédition d’Alger, en 1830, sous la férule de l’éphémère crapule que fut Charles X (que le choléra l’emporte !).
Charles X passera, mais Louis-Philippe continuera la colonisation.
Ensuite la lente litanie de toutes les iniquités, spoliations, rébellions matées et d'outrages aux populations locales propres à toutes les colonisations.

On réprime l’indigène et on fait la place aux nouveaux colons ; il va y en avoir du touriste et des candidats. On nettoie les rues de Paris de tous les quarantuitards, et plus tard, des mecs de la commune ; bref, que les indésirables et autres troublions aillent se faire indésirer ailleurs ; colons en algérie , ça leur fera les pieds…

Cela dit, il faudra attendre 1857 pour arriver à réduire la Kabylie ; c’est pas facile, l’indigène est rebelle et tout particulièrement le Kabyle. Le Kabyle a toujours était coriace, la Grande Porte pourrait t’en raconter, et il faudra lui en remettre une dose en 1871.
De toutes les façons le métier de colonisateur n’est pas une sinécure et l'annexion géographique proprement dite de l’Algérie durera jusqu’en 1934 (Sahara).

Après c’est le début des emmerdes et même Camus n’en pourra mais.
On sait bien comment cela c’est terminé… nous avons tous des anciens qui nous ont, peu ou prou, raconté les zévènements, d’un côté l’autre.
Et si tu n’es pas trop autiste, farang-de-la-région-PACA, on sent bien que les comptes ne sont toujours pas réglés.

Bref, un bouquin superbe, une parfaite synthèse de ce qu'il faut savoir quant à toute cette histoire.

Merci Benjamin Stora et merci à l’ami Hugo.

© je vous ai compris



Bring back our blackfeet...

mercredi 11 février 2015

Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, Patrick Modiano

Je n’avais jamais lu Modiano avant qu’il y ait tout ce battage autour de son Nobel.
Tu parles si j’étais jouasse quand l'amie Marie me l’a refilé à la surprenante ; j’exultais ; découvrir un auteur d’un tel calibre, j’en mouillais presque ma culotte !

Peu après.

Honnêtement, amis et zélotes de Modiano, ne lisez pas la suite, car peut-être avez-vous encore des doutes (au moins un, j’espère) sur l’étendue de ma culture littéraire et de la pertinence de mon sens critique y afférent. Hélas, à la suite de ce commentaire, vous n’en aurez plus : chuis une véritable burne, grossière et obstinée, un être frustre qui ne comprend rien à la grâce, à la délicatesse allusive et la magnificence baroque, voire ésotérique, du style de l’ami Patrick.

En fait, ce livre m’a laissé sur le cul. Chuis encore envapé par toute cette ouate, ce flou, cet à peu près, cette déstructure, ce glauque et ce malaise que Modiano a réussi à distiller en si peu de pages. Je ne vois qu’une chose qui expliquerait ce phénomène, c’est qu’en réalité ce bouquin fait plus de 800 pages mais l’éditeur de Pat, ce salaud de tonton Gallimard toujours en recherche d’économie, a réécrit le livre en ne piochant que la première page de chaque chapitre, d’où le côté décousu et excessivement concis de l’ouvrage.

Ok, la première partie, l'enquête molle, disons, je voyais un vague topo se dessiner : le narrateur, vieux bibard cacochyme de maintenant, se souvient qu'un jour où il était jeune-homme il s'était souvenu du temps où il était gamin. 
Bien.
On entrecroise tout cela de valise oubliée, de clef perdue, d'allusions à une mère excessivement légère, de balade rue Charonne (rue Charonne, Paname, 11e, ça nous rajeunit pas ça, mon vieux gars !) et tu rajoutes une touche d'exotisme avec un couple très ambigu à la recherche... à la recherche de quoi, de qui, d'ailleurs ? C'est pas clair tout ça.
Bref, t'as 80-90 pages pour commencer à te sentir installé dans un univers un peu flou qui pourrait devenir sinon très sympa, du moins intriguant ; après tout, c'est du Nobel doré sur tranche que t'as dans les pognes, du Livre Saint à 16,90€ ; pas du toc Mr Fernand, du vieux Paris ! Peut pas y avoir gourance... 
Et pourtant, là tu réalises que t'as déjà lu les 2/3 du bouquin... inquiétude soudaine, petit farang-pétochard. Comment va-t-il faire, ce nouveau pape de la littérature mondiale, pour en si peu de pages restantes bien retomber sur ses pinceaux et nous offrir une issue satifaisante ? 
Ben, faut s'imaginer que l'ami Modiano n'est pas un acrobate et surtout qu'il n'en avait rien à foutre de se récupérer comme il faut, les pieds bien parallèles sur le tatami ; l'est pas aux JO, 'tain ! 
Et le jury lui a pourtant refilé la breloque en or, dis-donc !


Blague à part, je suis sidéré par la dithyrambe qui a fait florès suite à la nobélisation de ce... de cette... 
Il faut cependant bien se rendre à la raison, si tout le monde trouve ça génial, c’est donc que je ne suis absolument pas équipé pour lire la prose - sûrement trop ciselée pour moi - de Modiano ; je n’ai pas le bon logiciel, disons... et je suppose que toi non plus, Marie ; nous manquons de la vision altimétrique nécessaire pour correctement interpréter les cafouillages de la mémoire du Grand Homme ; tu en conviendras j'espère... Nous sommes sans doute un peu trop ruraux.

Nonobstant, chais pas toi, mais pour ma part, je vais pas trop me faire chier avec ça, je retourne écouter rires&chansons, pis après je me ferai « les grosses têtes » (au fait, elles existent toujours les grosses têtes ? ) ; t’inquiète, j'ai de la ressource, pas comme toutes ces fiottes parisiennes, droguées, écolo-communisses et très certainement judéo-maçonniques (ouais, on ne nous dit pas tout… ).


Ami Modiano, tu l'auras compris, je suis très vexé de ne pas avoir été à la hauteur, de t'avoir raté en beauté… dans la grande longueur !







Sartre était un branleur, 
L'enfer c’est la ouate...