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mardi 30 septembre 2014

Les cavaliers, Joseph Kessel

C’est avec “Les Cavaliers afghans” que l’ami Louis Meunier m’a donné une furieuse envie de lire la version du Maître.

Et il fallait vraiment le faire dans cet ordre car autant le bouquin de Meunier s’approche du récit journalistique, presque la chip log d’un reporter de terrain, autant le monstre de Kessel a tout de la geste épique et de l’aventure initiatique. Le texte de Meunier ne gagne pas dans cette mise en abîme, sans méchanceté, aucune, il est totalement écrasé par ce qui me semble être la plus belle plume de Kessel.

Un Afghanistan à couper le souffle, sis entre occupation anglaise et soviétique, à l’époque du dernier roi, Mohammad Zaher Sha. Une terre de contrastes, peuplée d’hommes rudes et fiers jusqu’à la folie, et bien sûr, la terre des chevaux et des tchopendoz, les cavaliers du Buzkashi.

C’est l’histoire du grand Toursène, le vieux et mythique tchopendoz invaincu ; c’est celle de son fils Ouroz, qui ira concourir le Buzkashi du roi, à Kaboul, et qui affrontera ensuite son échec au péril de sa vie ; c’est l’histoire de Mokkhi, le sais, le valet dévoué et bafoué qui n’aura pas sa vengeance ; et aussi la triste histoire de Zéré, la petite nomade, l’éternelle ennemie puisque femme ; c’est, bien sûr, les histoires et la sagesse de Guardi Guedj, l’Aïeul de tout le monde, le vagabond illuminé, et surtout, c’est l’histoire de Jehol, “Le Cheval Fou”, certainement le plus beau et le plus noble personnage de cette terrible odyssée, le principe et le catalyseur des passions folles qui brûlent la cervelle de ces hommes depuis des millénaires.

Que n’ai-je lu cela quand j’avais quinze ans ! Ch’erais devenu un terrible tchopendoz…  au lieu d’être un banal kosmonaute agricole…

Brèfe !
Finissons sur cette pépite de Guardi Guedj.


- Il est un bon proverbe, dit Guardi Guedj : “ Si la chance est avec toi, pourquoi courir ? Et si la chance n’est pas avec toi, pourquoi courir ?”
Ouroz dodelina de la tête. Le sourire de paix reposait sur sa bouche. Il avait très sommeil.
- Que les Dieux soient avec ton repos, dit Guardi Guedj .
- Pourquoi les Dieux, murmura Ouroz. Il n’en est qu’un seul.
- Quand on a beaucoup voyagé à travers les terres et les temps, c’est difficile à croire, dit Guardi Guedj.
(Page 416)


Joseph m’a tuer...



Omar Sharif (Turfskistan)



Jehol, dans la cinquième, à six contre un ; du velours...


jeudi 25 septembre 2014

Dragon bleu, tigre blanc, Qiu Xiaolong

Ah, une nouvelle enquête de Chen Cao ; il était temps, je commençais à avoir faim.

Séquence sino-culinaire n°1 :

[...] Vieux Chasseur commanda un assortiment de plats - beignets de poisson-chat marinés à l’huile de piment en cocotte, cuisses de grenouilles sautées aux haricots verts, morceaux d’agneau grillés, crevettes à l’huile de sésame et fleurs de bourses-à-pasteur.
...

Cela dit, on ne mange pas tant que ça dans ce nouvel opus, l’ami Xialong a mis la pédale douce sur la tortore. Il a aussi plongé notre bon inspecteur dans une position très inconfortable. Ouais, Chen s’est pratiquement fait lourder de son poste du jour au lendemain sous couvert d’une promotion bidon. Qui plus outre, il y a des malfaisants qui cherchent à le flinguer… ça chauffe pour son matricule. Faut dire aussi qu'il y a bon temps que l'inspecteur Chen fait chier son monde ; il en a dégommé du “prince rouge” et du “Gros Sous” avec ses enquêtes, il a des ennemis à tous les étages du PC chinois ; chausse-trappes en approches rapides. Heureusement qu’il peut encore compter sur un noyau dur de fidèles, tous ses amis  - Vieux Chasseur ; Yu Guangming, qui a pris sa place à la brigade ; Peiqin, la femme de Yu, cyber-résistante débrouillarde et cuisinière émérite ; la pauvre Qian, ernai chanteuse d‘opéra de Suzhou, qui va le payer très cher ; et Nuage Blanc, sa jeune, belle et dévouée amie brillamment recyclée dans la coiffure pour hommes - qui prendront tous les risques, et il aura besoin de toutes les bonnes volontés pour débrouiller les histoires de corruptions, les scandales impliquant les intouchables grossium du Parti, et pour mettre en lumière le problème des ernais (concubine quasi-légales).

Si fait, la chasse au Chen Cao est ouverte, sur fond d’opéra classique chinois.
Une bien belle et abrupte critique des us et coutumes de la kommandantur qui préside à la destinée de plus d’un milliard d’êtres humains… en ce moment, au 21e siècle.
Brrrr… tu l’auras "à la caille" la morale de cette histoire des temps modernes chinois.

Pour cependant ne pas finir sur une mauvaise impression, va immédiatement te micro-onder une soupe chinoise et lis cela.

Séquence sino-culinaire n°2 :

[…]
Chen choisit la soupe rouge de nouilles avec double garniture de poisson fumé et de poitrine de porc mijoté et Qian opta pour une soupe blanche accompagnée d’émincé de porc grillé et de chou au vinaigre.
“ L'anguille de rivière frite est la spécialité du chef, annonça la serveuse. Elles viennent de l’élevage  personnel de Cai, garanties sans hormones.”

Merci à l’ami Patriçounet pour l’intendance… impec, comm’ d’hab.
(pis t’as pas besoin de couteaux bien affûtés pour slurper un bol de nouilles…)






Kit de survie “Qiu Xiaolong-Air line”...

lundi 22 septembre 2014

La fille de mon meilleur ami, Yves Ravey

Ouch !

Le Patiçounet doré qui m’a passé ce bouquin a réussi à percer ma garde avec ce qui s’apparente plus à un crochet au foie qu’à une tasse de tisane verveine-tilleul !

L’ami Yves est un artiste de la courte distance, on est dans un calibre de novella, mais alors quelle intensité mes vieux gars !

Les personnages se découvrent par touches discrètes, en pointillés rapides le long des phrases sèches, banales en première analyse, mais dont la rapide accumulation distille un malaise qui va crescendo. 
On avance dans des situations de plus en plus troubles, rien n’est ce que l’on suppose, on découvre que le personnage principal est doté d’identités multiples, que son ancien employeur n’est guère satisfait de son sens de l’éthique et qu’une crapulerie viscérale n’est pas la moindre de ses qualités. Je ne te parlerai même pas de la Mathilde, si ce n’est pour te confirmer que des femmes comme cela, lâchées dans la nature, ça fait des dégâts !

Une lecture astringente, une dispersion savamment organisée de grains de sables terriblement gênants, une crispation progressive et superbement programmée qui finit en grincements de dents.
C’est bien simple, j’ai passé deux grosses heures d’inquiétude à me faire manipuler, avec une boule à l’estomac comac, et mon ulcère a fini par crever lors des dernières pages… La fin est insupportable, cathartique !

Ah, merci, mon Patriçounet doré pour cette trouvaille : c’était excellent !

Place maintenant au dernier Qiu Xiaolong… miam miam, on va sûrement se régaler !

Un dernier message de Radio Londres, cependant :



(POM-POM-POM-POM… Les français parlent taux français…
- Les couteaux sont aiguisés, je répète, les couteaux sont aiguisés...
(POM-POM-POM-POM… )

jeudi 18 septembre 2014

Nuit, Edgar Hilsenrath

Voila, on y est !
C’est ce que j'appréhende le plus dans un bouquin… quand celui-ci s’avère être un gouffre, un livre noir, une nuit blanche...

Un récit totalement subjectif de la vie du juif Ranek dans le ghetto… pour être plus précise il s’agit de la vie de Ranek et de Deborah ; Ranek le héros et Sainte Déborah, la femme archétypale.

On connaît bien nôtre Edgar maintenant, mais force est d’en convenir, farang-survivaliste, cette Nuit est son chef-d’oeuvre, c’est servi par le nombre et l’intelligence des dialogues, l’acidité et le picaresque des personnages et la loufoquerie désespérée des circonstances…

1942-43, le ghetto juif de Prokov, en Ukraine, gardé par des nazis roumains.
Oublie cependant les histoires habituelles connexes à l’historiographie idoine, tout ce que tu as pu lire sur la vie dans le “ghetto”, et rappelle-toi qu’on n’est pas à Varsovie ; pas de combats désespérés, ni de résistance organisée ; pas de SS, ni de Panzer division ; aucune gloire à titre postume, non, il s’agit ici de milliers de gens enfermés dans un huis clos mortifère. Il a simplement suffi de les laisser crever de faim. Juste un ramassis de soudards roumains, armés et donc omnipotents, pour encadrer l’enfer. Attention, ces géoliers de la vingt-cinquième heure ont une règle cependant : effectuer nuitamment et en toute impunité des rafles (des battues ?) à l’intérieur du ghetto afin d’accélérer l’extermination des unter-menschen.
C’est donc dans ce laboratoire des horreurs que vont s’affronter ceux qui concervent la volonté de survivre, et c’est ici que s’efface tout le cogito civilisé habituellement élaboré par le néo-cortex pour ne plus laisser place qu’à la chimie du cerveau reptilien. La fin de l’altruisme et de la bonté ; il n’existe plus aucune miséricorde, plus de limites, il ne reste que l’animal, que Darwin ; oui, je peux, et donc je dois dépouiller plus faible que moi pour une soupe à l’épluchure avariée ; oui, je dois fracasser la mâchoire de mon frère à peine froid et mort du typhus pour lui arracher sa dent en or qui m’assurera au moins une semaine de farine de maïs ; oui, je volerai mon voisin en toutes occasions ; oui, je rirai de la mort des autres : oui, je m’accrocherai bec et ongles à la minute supplémentaire de survie ; oui, je grognerai comme une bête en saluant une dernière aube, une dernière clope, une dernière ventrée ; oui, pour tout cela je vivrai une seconde de plus, même quand je ne serai plus qu’une bête émaciée au ventre creux bourrée de misères, de vermines, de haine et de férocité.

Avec ce livre, Edgar Hilsenrath nous rappelle qu’il existe des degrés dans l’enfer de la survie, des paliers, des cercles, et peut-être Dante avait-il raison, peut-être y en a-t-il huit, peut-être plus, peut-être moins, mais si une chose est bien sûre, c’est que ce n’est pas la peine d’aller chercher l’enfer très loin… 
L’enfer, c’était là !

Merci, ô, merci à l’ami Bertrand pour cette Nuit très très noire.




...

lundi 15 septembre 2014

Les Ombres errantes, Pascal Quignard

Sois-en tout de suite convaincu, farang-jean-claude ameisenien, du Pascal Quignard, tu risques d’en becter pas mal dans les méga-secondes qui suivent.
Ouais, je viens de me risquer dans le “Dernier royaume”.

Quelle ballade, mes amiches ce tome 1, quel choc ces Ombres errantes ! Je connaissais cézig au travers de chose plus "classique", du genre "Tous les matins du monde".

Là, c’est fou… et extrêmement savant. Mille pépites lumineuses, poétiques, phisolophiques entre-choquées ; mille trains d’idées qui se croisent en courts paragraphes, tourbillonnent d’aphorismes en poèmes.
C’est des fois sécos, abrupt, érudit, mais pas une latinade ou quelques exotiques savanteries qui ne soient minutieusement expliquées, contextualisées. C’est la valse des idées claires, c'est un hymne au temps, à l’art, à la culture, au sexe, à l’histoire, et à la houle des petits détails qui nous façonnent ; un hymne à l’individu conscientisé, à celui qui choisit de suivre la trace des ombres errantes, la piste qu’elles laissent d’un livre l’autre, un hymne à la lecture, cette exigeante mais divine communion.

...

Au mois d’août 1999 je débarquai six caisses d’Épineuil sur la rive de l’Yonne et deux sacs postaux en jute gris qui étaient remplis de livres.
Je les tirai sur la pelouse.
L’été commençait bien. Il fallait espérer qu’on ne vît personne.
Pas un homme. Pas un enfant. Même pas les guêpes.
Même pas les scarabées énormes et hagards quand on lit dans la chaise longue en toile tirée sur la pelouse ou traînée plus loin sur les fleurs dodues et blanches des trèfles.
Même pas les mulots qui trottinent sur la poussière des planches sèches du grenier quand on s’endort.
Même pas les moustiques femelles qui vous piquent brusquement tandis qu’on rêve.
Même pas, à l’intérieur des rêves, pis que les moustiques femelles, la mémoire.
Même pas le langage lui-même.
Il n’y avait pas un avion qui traversât le ciel.
Pas le moindre son de transistor que portât l’air.
Pas un souvenir de moteur de tracteur.
Pas une tondeuse à gazon.
Pas un coq qui côche.
Pas un chien.
Pas un bal.
Pas la moindre affectation de gaieté autour de moi qui me donnât le désir de me suicider toutes affaires cessantes. Le bonheur montait. Je lisais. Le bonheur me dévorait. Je lus tout l’été. Le bonheur me dévora tout l’été.

Et aussi un hymne à l’écriture…

Éprouver en pensant ce qui cherche à se dire avant même de connaître, c’est sans doute cela, le mouvement d’écrire. D’une part écrire avec ce mot qui se tient à jamais sur le bout de la langue, de l’autre avec l’ensemble du langage qui fuit sous les doigts. Ce que l’on appelle brûler, à l’aube de découvrir.
...

Bon, j’arrête de radoter, sinon je vais recopier le bouquin !

C’était magique. 

L’ami Pascal ? Un parfait passeur de savoir et d’humanité.

Pour en finir, laisse-moi te dire que je suis absolument épaté que ce bouquin ait kidnappé le Goncourt 2002… Chapeau, les bouffis du Drouant, le cognac final devait être bon et la part des anges vous aura judicieusement tourné les méninges… et tant pis si Jorge Semprun n’aime ni le cognac et ni la musique des sphères.



©Lecteurs.com_Edilivre



Read or not to read, that is the question...

dimanche 14 septembre 2014

Fuck America, Edgar Hilsenrath

Je suis toujours en pleine cure de Thalessothérapie.
Oui, après ma récente initiation au Hilsenrath par la Pimprenelle championne de relais 4x100m 4 nages inter-Länders, l’inaltérable Béatrix, Duché de Saxe-Meiningen, v’la-t-y pas que le spéléologique chevalier Bertrand a pris le relais et me pousse désormais sur les pentes du vice… Après Pimprenelle, il ne manquait plus que Nounours im self !

Fuck America, c’est l’histoire du jeune réfugié juif allemand, Jakob Bronsky, qui a survécu à plusieurs années de ghetto dans l’Europe des heures noires. Nous sommes en 1950 à New York. Hélas, la vie de Jakob Bronsky tient plus du semi-clodo que du loup de wall-street et, de petits jobs en petits jobs, il va laborieusement survivre dans la grande ville. Ceci dit, ce n’est pas un adepte du labeur, ce n’est pas un trimard, et, quand il ne cherche pas un logis ou un boulot, il consacre la majeure partie de son temps à l’écriture d’un roman : Le Branleur. Non, je ne te dis pas que c’est un branleur (quoique) mais c’est le titre de son bouquin.
Pour lui, the Big Apple sera donc synonyme de la valse des petites embrouilles, des petites rapines, des petits garnis, des putes qui te sucent pour trois dollars, à même le trottoir, contre une bagnole, bref, son rêve américain va vite coïncider avec le règne de la frugalité et du sordidos.

Dans son style toujours aussi déjanté, avec cette écriture extraordinaire et jubilatoire, l’ami Edgar Hilsenrath nous dépeint une Amérique cynique et détestable.

...

Celui qui dans ce pays désire une fille qui ne tapine pas et n’est pas une call-girl ou quelque chose dans le genre - une fille de l’autre espèce si l’on peut dire -, pour celui-là, l’amour dépend avant tout de l’aura de réussite qu’il est tenu, en tant qu’homme, de dégager. Si toi, Jakob Bronsky, tu devais rencontrer une telle fille, elle se posera les questions suivantes : Qui est Jakob Bronsky ? [...] Que sait-il, Jakob Bronsky, de l’american way of life ? Sait-il, Jakob Bronsky, que seule la réussite compte, et rien d’autre ? Est-ce un mec qui écrase l’autre sans le moindre scrupule tout en croyant au bon Dieu ? Sait-il que notre monde est un monde paradisiaque ? Croit-il, Jakob Bronsky, à l’infaillibilité de notre système ? Connaît-il les idéaux de nos ancêtres, ceux arrivés avec le premier navire, le Mayflower, et que pense-t-il de la culture Coca-Cola ? Croit-il, Jakob Bronsky, au rêve américain ? Va-t-il un jour posséder une voiture flambant neuve, des costumes de prix, une maison ou un appartement à lui dans les quartiers en vogue de l’East-side ? Ses revenus dépasseront-ils les cent cinquante dollars par semaine de sorte qu’on puisse dire : celui-là, il vaut cent cinquante dollars, minimum ! Claquera-t-il, ne serait-ce qu’une fois, cent balles en une soirée par pure exubérance, juste pour me montrer qu’il en a les moyens ? M’invitera-t-il à Las Vegas ? Croit-il, Jakob Bronsky, à l’intérêt de devenir membre d’un Country Club et que fait-il pour y parvenir ? Va-t-il falloir que je subisse sa bite ? Est-ce que ça vaut le coup ? Car, au bout du compte, je voudrais me marier un jour, puisque c’est ce qu’on attend de moi. Car, au bout du compte, je voudrais aussi divorcer un jour pour encaisser ma pension alimentaire. Sera-t-il, Jakob Bronsky, un jour en mesure de payer une pension alimentaire, Jakob Bronsky, ce vieux clodo qui prétend avoir vingt-sept ans ? Non, Jakob Bronsky. Tes gribouillages ne m’intéresse pas. Ta trique encore moins. Douche ta bite à l’eau froide !


On est bien d’accord, Edgar Hilsenrath ne porte pas les ricains dans son coeur ; qui pourrait l’en blâmer ?

Encore merci à l’ami Bertrand pour la suggestion, un pur régal, c’était parfait.




- Mais bordel, qui vous a demandé de tirer ? !
- Chef, un des enculés d’en bas vient de dire : ”Fuck America” !
- Ah, ok, ok ...

mercredi 10 septembre 2014

Sanctuaire, William Faulkner

Quel dommage de lire les Faulkner dans le désordre !
Je comprends mieux la structure qu’il y avait dans “Le bruit et la fureur”, car dès “Sanctuaire” on devine bien que l’animal aime à torturer la flèche du temps. Ok, ici c’est plus policé, presque classique, mais il faut quand même lire jusqu’à la fin pour être sûr de ce qui tu as compris. L’est comm’ çà, l’ami William, il aime bien te faire patienter… Salop !

Encore un naufrage, donc… le naufrage de l’innocence, l’histoire d’un viol.
Encore des problèmes avec les prénoms, Temple Drake c’est une fille, déjà, pour un mec on comprend mal, pour une fille… Brèfe, la donzelle Temple fait le mur de son pensionnat de jeunes filles et va faire une virée en bagnole avec le jeune con Gowan, qui n’a pas dessoûlé depuis… depuis combien, au fait ? Bon, accident de bagnole réglementaire, dans un bled du Mississipi, grosse frayeur quand il faut passer la nuit dans un gourbi de bouilleurs de crue (1929, nous sommes en pleine prohibition) ; Le jeune couillon va continuer à se saouler comme un polonais pendant que sa copine d’un soir se fera violer à la “panouille de maïs" par cet impuissant de Poppey ; oui, monsieur à des besoins qu’il ne peut physiquement assouvir, ça ne l’empêche pas d’être un mac émérite et de faire ensuite turbiner la jeune Temple dans un bordel de Menphis.
Mais il y a eu meurtre, et justice devra passer : il y aura pendaison !

L’ambiance est très très glauque, fastidieuse, oppressante ; les personnages, mâles ou femelles, blacks ou cul-blancs, putes ou bootleggers, sont poussés dans des angles extrêmes ; l’innocence livrée au mal… Argh ! On barbote dans un reliquat de gésine bien dégueux.
Malraux voit dans Sanctuaire “[...] l’intrusion de la tragédie grecque dans le roman policier.”, certes, certes...  j’y vois aussi un hyper-réalisme ontologique terriblement déplaisant, dérangeant.  

Pas de doute, c’est du Faulkner !

Je crois que j’ai eu ma dose de cézig pour les prochains vingts ou trente millions de secondes.




Maman ! Je ne veux pas finir en sextoy… BOUUU !

dimanche 7 septembre 2014

Les Cavaliers afghans, Louis Meunier

C’est un ami basque qui m’a parlé de ce livre… et qui m’a suggéré de l’affurer… rapidos, avant qu’il n’y ait facherie !
Que veux-tu, c’est ça le terrorisme : d’un côté des petites frappes islamo-euskadiennes vindicatives, surarmées, en guerre totale avec les masses mainstream et désarmées du Cinquième Reich Francaoui. Ceci dit, pourquoi n’aurais-je pas un ami basque, hum ?
Il se surblaze Frankigno dé Tournefaou ; je sais ça fait plus portugèche que basque, mais ne t’avise pas d’en rire - ne serait-ce que d’en sourire - lors d’une éventuelle rencontre avec cet euskadien patenté, il est réglementairement ombrageux et tu aurais vit’ fait de te retrouver avec une balle de 9 mm dans la rotule… Pan !
- Hé ? Ouais, il est toujours enfouraillé au gros plomb ; les anciens d’iparretarrak ne jurent que par le 9 mm… 
Note cependant que passé ce premier abord douloureux - huit ans après, je ne boite presque plus ; ok, j’ai la jambe un peu raide, mais, bon - il se montre un camarade remarquable, que personne ne contrarie volontiers, surtout depuis qu’il est maqué à une jalouse, une coiffeuse drag queen bretonne et altimétrique (Chez Steffy) qui a des pognes et des biscoteaux d’étrangleur comac - as-tu remarqué la détestable propension qu’ont les bretons à toujours faire vingt bons centimètres de plus que toi et vingt ou trente piges de moins ? Mais où sont passés les gentils korrigans d'antan ? Brèfe, une véritable couple de crapule ces deux là, mais chut... ils pourraient m’entendre… et puis je vois que je m'égare, qu’on s’éloigne de l’Afganistan à grandes foulées, et je concluerai ce long crypto-liminaire par cet euskadisme : Long erregeak “Frankigno dé Tournefaou”.

Ah, tu sais, on en voit !

Bon, l’ami Louis Meunier n’a pas froid aux yeux (il eut pu être basque) et il fait parti des rares guerriers de nos temps modernes occidentaux à avoir goûté du Buzkashi après avoir flashé sur "Les cavaliers" de Kessel. Comme quoi les grands zauteurs amènent à tout !

Force est de constater que le gars Louis est très couillu pour un blondinet aux yeux bleus, aller se perdre en Afghanistan après 2001, tenter une traversée du pays à cheval, presque mourir en le faisant, puis déraisonnablement insister encore jusqu’à devenir un véritable tchopendoz et posséder trois chevaux !
Ah, tu vas en bouffer de la poussière et des vilenies.
Tu vas en voir du pays entre Maïmara, Bamyan et Herat ; le village de Shoraba ; la bourgade de Sandez et puis le royaume des Hazaras, le Hazaradjat ; et la petite ville de Yakaolang ; et le village perdu de Sabzel ; et Bamiyan - où quelques connards incultes et illuminés feront sauter des bouddhas centenaires et inoffensifs ; Alibek, etc.
Gros périple, magnifique et bien craignos que je te conseille de suivre sur : Google Earth(™) ; des paysages époustouflants !

Et puis le Buzkashi !
Sais-tu ce qu’est le Buzkashi ? Non ? Ha, ha, j’aime ton innocence…
Ok, ch’t'esplique, peuchère !
En preums, la veille du match, faut préparer le ballon : tu égorges un jeune veau ou une chèvre et tu lui fais passer la nuit dans une mare d’eau froide ; au petit matin, tu coupes la tête et tu vides la carcasse ; tu remplis de sable et tu recouds ; le résultat doit peser un grosse cinquantaine de kilos : c’est le ballon ; les joueurs sont juchés sur des chevaux, des teignes méchantes et hargneuses élevés (torturés ?) des années durant dans cet unique but ; les cavaliers… ah, les cavaliers… des hommes, bien sûr, du brut de fonderie, du gerrier sur facture, mais ne te goure pas, ils valent un de tes footballeurs ou un de mes rugbyman… des sportifs professionnels, quoi.
Les règles ? Se saisir par tous les moyens du “ballon”, faire le tour d’un poteau et revenir marquer dans un cercle dessiné à terre. Classique. Un jeu de balle, en somme… mais chez les barbaresques. Et cependant, malgré la violence et l'impression de sauvagerie, il s’agit bien là d’un moyen de ne pas se faire la guerre, d’un code sociétal qui permet d’épargner les populations.
Gardons-nous de faire montre d’outrecuidance, nous sentant faussement plus domestiqués, car nous sommes ici aux origines du sport dans son acception sociologique, les groupes qui s’affrontent dans une arène ou sur un stade n’ont plus besoin de se faire la guerre sur le pré… m’enfin, en principe.
L’appétence au football n’est pas plus “civilisée” qu’une addiction au Buzkashi… si ce n’est peut-être que nous avons des équipes féminines (rugby ou football) qui valent largement les garçons (dit que c’est pas vrai !). Car oui, où est le véritable problème dans toute cette histoire ? Quelle peut être la légitime indignation qui turlupinera un sapiens-sapiens-occidentalis dans cette lecture ? C’est l’abscence des femmes !
L’Afganistan, un des pays ou cinquante pour cent de la population compte pour du beurre, le pays où une femme vaut bien moins qu’un cheval de Buzkashi...
En fait, c'est un tout, atche ce proverbe afghan :

Je suis en guerre contre mon frère. Mon frère et moi sommes en guerre contre notre cousin. Mon cousin, mon frère et moi sommes en guerre contre notre voisin.

Avoue, ce n'est pas lévinassien, hein ? 

C'est pas gagné...

Merci à l’ami Louis Meunier pour le reportage épistolaire et surtout merci à Frankigno, pour la suggestion… obligatoire.

Et que vive la basquomanie, bretonnifiante et afghane.



ibidem...

mercredi 3 septembre 2014

Rosa Luxemburg, Max Gallo

Il faut bien le dire, Max est mon pote, je le lis depuis longtemps : Napoléon, de Gaulle, Robespierre, etc. Il nous en a fait connaître du beau monde, Farang-social-libéral, hein ? Et que tu l’aimes ou non, force te sera d’en convenir, l’ami Max est un vieux tricoteur de bio, blanchi sous le harnais, qui ne rechigne pas à la tâche ; c’est le percheron académique de l’historiographie de bon aloi, la plume toujours romantique, voire dramatique, la chronologie théâtrale, l’anecdote minutieusement choisie, et l’archive idoine sous le coude. Les Bio du Maxou sont de véritables romans qu’il est impossible de lâcher dès lors que tu en as lu l’entame. 
C’est un formidable faiseur d’Histoire, un pro ; je crois qu’y en même qui disent qu'ils l’ont vu voler, dis-donc !

Gut.

Rosa Luxemburg : Une femme rebelle.

Femme, juive, polonaise, communiste, boiteuse et surdouée : voila les caractéristiques principales de la gente dame. Et rappelle-toi que fin 19e, début 20e, en Allemagne, ça le faisait pas !
Maquée avec un lascard de son calibre (juif, polonais, communisse, etc.), Léo Jogichès, elle va se démener toute sa vie durant pour foutre un boxon terrible dans le Teuxième Reich des Guillaumes et chier sur les pompes des puissants. Elle sera la plume la plus acérée de la Zocial Témocrazie Hallemande et animera de bouillante façon l’aile gauche du SDP (Parti social-démocrate). Ça ne plaira pas à tout le monde, y compris dans le panier de crabes qu’était le SPD. Elle était plutôt Montagnarde que Girondine, disons-le comme ça.
Nonobstant, la dame est brillante, tant à l’oral qu’à l’écrit. C’est une meneuse, elle sait galvaniser les foules lors des innombrables meetings où elle prend la parole, ses analyses sont claires et sa conviction profonde. Elle cause d’égale à égal avec les Lénine, Trotski, Jaurès, Jules Guesde (au moins tu sauras pourquoi il y a des Allées Jules Guesde à Toulouse, con !), tous les grands socialo du moment.

Hélas, malgré tout son talent il y a un point aveugle dans son raisonnement, elle mise tout sur le prolétariat, sur les masses “d’exploités” qu’elle veut orienter, pousser à agir : vaste programme !
Et qu’y a-t-il de plus décevant qu’un prolétaire, hein ? Je te le demande ?

Lénine a été sinon plus lucide, du moins plus cynique et lui prouva que c’est l'inverse qui fonctionnait : on se branle de l’avis de la masse (d’ailleurs, elle n’a pas d’avis, la masse, sur rien), non, il suffit d’avoir un petit groupe de mecs fidèles et décidés qui n’ont pas froid aux yeux et qui s’en foutent pas mal de patauger dans la sanguette. Quant au prolétariat, tu lui fais les yeux doux et tu l’utilises comme chair à saucisse pendant la première phase, la Révolution, pis après, faut s’en débarrasser presto, dans des goulags ou des fausses communes, et vite, vite s'asseoir sur la Démocratie. S’il y a une chose dont un bolchevik orthodoxe n’a absolument pas besoin, c’est bien de la démocratie !

Voila, l’amie Rosa est une vraie rebelle, nait sous le signe de la Commune de Paris (1871), elle est morte avec la Commune de Berlin (1919), lâchée par tous les siens et assassinée par les séides des freikorps du général von Lüttwitz. Comme la majorité des Spartakistes, elle a payé sa ré(s~v)olution au prix de sa vie.

Respect, Camarade Rosa Luxemburg.



Kirk Spartakus





Ralliez-vous à mon panache rouge…